Les failles du système bancaire français face au financement du terrorisme
Dans un article au journal en ligne La tribune (la tribune.fr), Jacques Amar et Arnaud Raynouard expliquent comment les organisations terroristes parviennent à accéder au système bancaire Français. Le 13 novembre 2023, le ministère de l’Économie et des Finances a émis un arrêté bloquant les fonds et ressources économiques liés à Mohammed Daf, commandant de la milice armée du Hamas, pour une durée de six mois. Une mesure similaire a été adoptée le 30 novembre 2023 contre Yahya Sinouar, le chef politique du Hamas à Gaza. Ces décisions soulèvent des interrogations sur la capacité des dirigeants du Hamas à ouvrir des comptes en France, malgré son inscription sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne.
Le règlement du Conseil européen gèle les fonds appartenant à des entités inscrites sur la liste du règlement d’exécution n° 2022/147, qui inclut formellement le Hamas. Cependant, les dirigeants du mouvement ne sont pas spécifiquement mentionnés. Les arrêtés récents précisent ces dispositions européennes en ciblant directement deux dirigeants du Hamas.
En ce qui concerne la réglementation bancaire française, ouvrir un compte en tant que membre d’une organisation terroriste devient pratiquement impossible. Les non-résidents de l’UE doivent se présenter physiquement en agence avec des justificatifs d’identité et de domicile, une démarche difficile pour ceux vivant dans la clandestinité. Cependant, l’utilisation de banques en ligne peut contourner ces restrictions.
La règle du « Know Your Client » (KYC), exigeant l’identification du client, crée un autre obstacle. Même si un compte est ouvert, la banque peut difficilement effectuer des transferts à l’étranger liés au financement du terrorisme sans s’exposer à des poursuites. Les arrêtés récents tentent de prévenir la « mise à disposition directe ou indirecte » des fonds.
L’auteur souligne également les méthodes alternatives de financement du terrorisme. les différentes techniques utilisées pour collecter de l’argent afin de financer des opérations ou une organisation terroriste, tout en échappant aux foudres des instances de régulation du secteur bancaire. L’éventail est large et le conflit en cours confirme que toutes les techniques recensées sont mobilisées par les organisations terroristes.
Il en va ainsi des cryptomonnaies en raison de la difficulté pour les autorités de contrôler leur conversion dans une monnaie ayant cours légal. Ou alors de l’ouverture d’une cagnotte en ligne par une association : l’objectif affiché est louable – le financement d’un hôpital à Gaza, par exemple ; il n’est cependant pas possible de vérifier l’affectation de l’intégralité des fonds.
Ces techniques échappent souvent aux contrôles du système bancaire international et des instances de régulation.
En concluant, la publication des arrêtés expose les lacunes du système bancaire français, révélant que malgré les contrôles financiers, un terroriste ou une personne affiliée aux milieux terroristes peut ouvrir un compte en France. L’ambiguïté entourant l’existence d’avoirs en France pour les personnes visées représente un risque potentiel pour les banques françaises, notamment en raison du Patriot Act américain qui pourrait entraîner des poursuites pour financement du terrorisme. En matière de lutte contre le financement du terrorisme, des actions concrètes sont nécessaires plutôt que des déclarations d’intention.
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