En Terre sainte, une quarantaine de spécialistes affichent sur leur vitrine une licence délivrée par l’Autorité des antiquités d’Israël, qui veille à ce que la loi de 1978 soit respectée. Tout objet trouvé après cette date est considéré propriété de l’État. Donc interdit à la vente. Les antiquaires doivent impérativement répertorier leurs stocks dans le système d’inventaire en ligne de l’AAI, adopté en 2015. «Auparavant, ils blanchissaient des antiquités en ne mentionnant pas la vente de certaines pièces de leur inventaire, qu’ils remplaçaient alors par des objets équivalents mais pillés. Désormais, ils sont obligés de photographier chaque article sous plusieurs angles afin de le rendre différenciable», explique Eitan Klein, directeur adjoint de l’unité de prévention du vol d’antiquités à l’AAI.
Les objets les plus prisés sont les manuscrits de la mer Morte, les plus anciens textes bibliques connus, rédigés entre le IIIe siècle avant l’ère actuelle et le Ier siècle de l’ère actuelle et dont certains furent découverts vers 1946 par deux Bédouins.
Depuis les chasseurs de Bibles, receleurs, archéologues ou théologiens, sont tous partis à la traque des textes primitifs. Certains tentent de déterminer si les saintes Écritures ont été corrompues au fil des siècles, d’autres s’attachent à démontrer qu’il s’agit bel et bien de la parole dictée par D’. Deux préoccupations qui trouvent pour l’essentiel leurs racines au XIXe siècle, avec la naissance de l’archéologie moderne. Le théologien allemand Constantin von Tischendorf fut l’un de ces pionniers. Son souhait de rétablir le texte original le conduisit, en 1844, au monastère Ste-Catherine, au pied du mont Sinaï. Après avoir sillonné de nombreuses bibliothèques européennes et moyen-orientales, il découvrit l’une des plus vieilles Bibles au monde, datant du IVe siècle: le codex Sinaiticus.
Plus que dans la retranscription du contenu, le grand casse-tête réside davantage dans la reconstruction physique des fragments. Certains manuscrits de Qumrân ont dû être reconstitués à partir de 200 morceaux mais Brent Seales, professeur d’informatique à l’université du Kentucky, a conçu en 2015 un logiciel d’imagerie numérique capable de dérouler virtuellement des parchemins extrêmement fragiles.
Le plus vieux fragment connu du « nouveau » Testament date de la première moitié du IIe siècle. Sur des dimensions proches de celle d’une carte de crédit sont inscrits deux passages en grec de l’Évangile selon Jean. Ce papyrus P52 fut découvert au début du XXe siècle, lors des fouilles d’Oxyrhynque, ancienne ville égyptienne ayant recelé un nombre extraordinaire de manuscrits que le climat sec de la région aura permis de conserver.
De nombreux faux, vendus à des millions de dollars, sont apparus avec la publication des rouleaux de la mer Morte, au début des années 2000. «L’apparition de ces prétendus nouveaux fragments aurait réveillé l’intérêt pour les rouleaux à un moment où la recherche nous rappelait qu’on est au point mort: aucune nouvelle découverte depuis 1956», analyse Adolfo Roitman.
Pourtant, ni les pilleurs ni les archéologues ne perdent l’espoir. Ils arpentent, escaladent, excavent et analysent, animés par un seul et même objectif: être le premier à mettre la main sur ces preuves immaculées du sacré.
Source : Le Figaro (résumé)