Les Brigades du Hezbollah et l’Iran ont-ils franchi le Rubicon ?

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Les Brigades du Hezbollah n’ont manifestement pas compris qu’ils ne pouvaient pas tout faire, avec elles l’Iran qui n’arrêtait pas de franchir la ligne rouge, voulant ainsi tester les États-Unis. Les deux savent maintenant qu’ils ont franchi le Rubicon (fleuve italien que César a fini par traverser – notre illustration), faisant de l’Iran l’ennemi public numéro un pour les États-Unis et l’Occident. Dorénavant le conflit avec l’Iran ne s’écrit pas avec un si, mais avec un quand, et surtout avec un comment.

Qui sont les Brigades du Hezbollah accusées d’avoir tué des soldats américains en Jordanie ?

Les miliciens irakiens des Brigades du Hezbollah sont accusés par Washington d’être à l’origine de l’attaque qui a fait trois mort et une quarantaine de blessés, le 28 janvier, sur une base américaine en Jordanie. Symbole de l’influence iranienne en Irak, cet influent groupe armé pro-Iran échappe à l’autorité du pouvoir irakien dont il dépend en théorie.

Les attaques contre les troupes américaines au Moyen-Orient ont atteint un niveau inédit depuis le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie à Gaza entre Israël et le mouvement terroriste palestinien.

Depuis la mi-octobre, les soldats américains et ceux de la coalition antijihadiste ont essuyé 165 frappes de drones et tirs de roquettes contre leurs positions en Irak et en Syrie. Mais ils n’avaient jusqu’ici déploré aucune perte humaine.
La dernière attaque en date, dimanche 28 janvier, lors de laquelle trois soldats américains ont été tués et une quarantaine d’autres blessés sur une base logistique – la « Tour 22 » – située en Jordanie à la frontière avec la Syrie, est un tournant.
Du jamais-vu depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, estime David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste du Moyen-Orient, pour qui « une ligne rouge a été potentiellement franchie ». Preuve en est, le président américain, Joe Biden, a promis de répliquer, affirmant le soir même de l’attaque qu’il allait « faire rendre des comptes à tous les responsables, quand et comme nous le voulons. »
L’Iran comme d’habitude, a démenti toute implication dans ce raid meurtrier, qui n’a pas été revendiqué. Toutefois, selon Sabrina Singh, une porte-parole du Pentagone qui s’est exprimé le lendemain, il porte « l’empreinte des Kataëb Hezbollah [Brigades du Hezbollah] », dont il présente le modus operandi.
Une accusation partagée par la Maison-Blanche qui pense que la nébuleuse de groupes « Résistance islamique en Irak » est à l’origine de l’attaque. Ce groupement « comprend » les Brigades du Hezbollah, a noté mercredi le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, lors d’une conférence de presse, précisant que l’attaque meurtrière « portait certainement la marque » de ce groupe armé pro-Iran.

Aux ordres du guide suprême iranien

Les Brigades du Hezbollah – à ne pas confondre avec le Hezbollah libanais – sont une des milices irakiennes « les plus liées à l’Iran », explique David Rigoulet-Roze. « Elles suivent le principe du ‘velayat-e faqih’, ce qui veut dire qu’elles reconnaissent le guide suprême iranien comme leur référent suprême ».

L’ancien chef des Brigades du Hezbollah, Abou Mahdi al-Muhandis, a été tué en 2020 dans une frappe américaine à Bagdad aux côtés du puissant général iranien Qassem Soleimani, dont il était le bras droit irakien.

Classées groupe « terroriste » par Washington et visées par des sanctions, les Brigades du Hezbollah ont été ciblées ces dernières semaines par des frappes américaines en Irak, de même qu’Al-Noujaba, une autre milice farouchement anti-américaine.

La plupart des attaques ayant visées les Américains ces derniers mois ont été revendiquées par la « Résistance islamique en Irak », dont les Brigades du Hezbollah et Al-Noujaba font partie. Cette nébuleuse de combattants issus des groupes armés pro-Iran dit agir en soutien aux Palestiniens. Mais, elle réclame surtout le départ des quelque 2 500 soldats américains encore déployés en Irak dans le cadre de la coalition qui lutte contre le groupe État islamique. Une revendication entendue, puisque au vu du contexte explosif, le gouvernement irakien a lancé des négociations avec Washington pour un calendrier de retrait.

Autrefois aux côtés de Washington dans la coalition antijihadistes

Au sein des groupes de la « Résistance islamique en Irak », les Brigades du Hezbollah sont sans doute les plus influentes. Elles sont aussi affiliées au groupement Hachd al-Chaabi, composé d’ex-paramilitaires irakiens pro-Iran, et au sein duquel les Brigades « ont un rôle prépondérant », explique David Rigoulet-Roze. L’actuel chef des Brigades du Hezbollah, Abu Fadak al-Muhammadawi, est aussi le chef d’état-major des Hachd.

Hachd al-Chaabi a été lancé en juin 2014 pour épauler les forces irakiennes contre le groupe État islamique (EI). Ensemble, aux côtés de la coalition antijihadistes emmenée par Washington, ils ont contribué à la défaite infligée à l’EI en 2017 par l’Irak.

« Il y a eu une alliance objective entre la coalition, donc les Américains et les milices du Hachd contre Daesh [le groupe État islamique]. Les deux combattaient dans le même camp, les uns au sol, les autres plutôt dans les airs. Mais, après 2017, ces groupes ont retrouvé leur ADN iranien, donc anti-américain », précise David Rigoulet-Roze.

Aujourd’hui le Hachd comprend des dizaines de groupes et plus de 160 000 membres, selon des estimations consultées. Le think thank américain The Washington institute estime, lui, que ses effectifs s’élèvent à 230 000 membres. Mais, ni les autorités, ni l’organisation ne communiquent sur le nombre de ses effectifs.

Concernant les Brigades du Hezbollahle nombre exact de miliciens reste inconnu. Selon David Rigoulet-Roze, les chiffres varient entre 3 000 et 30 000, car une partie des miliciens sont mobilisés occasionnellement.

« L’exécutif gouvernemental n’a pas la main sur ces groupes »

Face à la multiplication des attaques contre les troupes américaines ces dernières semaines, le gouvernement irakien se sent pris entre deux feux. Il a été porté au pouvoir par une coalition de partis chiites pro-Iran et une majorité parlementaire incluant le Hachd qui dispose de députés depuis 2018.

Théoriquement, le Hachd et ses composantes, dont les Brigades du Hezbollah, font partie des forces régulières du pays, en vertu d’une loi votée en 2016. « Mais c’est largement une question de forme. Parce qu’en réalité, l’exécutif gouvernemental n’a pas la main sur ces groupes. Ils bénéficient d’une large marge d’autonomie. Ce qui pose d’ailleurs des problèmes à l’exécutif de Mohamed Chia al-Soudani », explique David Rigoulet-Roze.

Après les menaces du président américain, qui a promis des représailles « conséquentes », et indiqué tenir l’Iran « responsable » d’avoir fourni l’armement nécessaire à la frappe qui a tué les soldats américains, les Brigades du Hezbollah ont affirmé, le 30 janvier, « suspendre » leurs opérations militaires contre les troupes américaines.

« Nous annonçons la suspension de nos opérations militaires et sécuritaires contre les forces d’occupation, afin d’épargner tout embarras au gouvernement irakien », a annoncé le groupe dans un communiqué signé du secrétaire général Abou Hussein al-Hamidawi, mentionnant le pouvoir irakien pour la forme. Car en coulisses, l’Iran est sans aucun doute intervenu pour calmer le jeu, comprenant qu’il y avait désormais un risque d’escalade incontrôlé avec les Américains.

JForum.fr

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