« Les Allemands avaient hissé le drapeau blanc, mais ils tuaient encore »

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« Paris s’est libéré par lui-même », rappelle Madeleine Riffaud qui a aujourd’hui 95 ans. « C’est là que la lutte avait son sens. Il fallait faire la guerre avec les Alliés, c’est évident, mais dans la bataille de Paris, il y avait un enjeu de plus. Il y avait l’intérêt que Paris se soulève et n’attende pas l’arrivée des Américains ou des Anglais qui se battaient en Normandie. Il fallait qu’on le fasse nous-mêmes pour avoir le droit d’être une Nation souveraine après la guerre », explique-t-elle à la RTS.

La jeune femme a 17 ans lorsqu’elle s’engage dans la Résistance après avoir été humiliée par un Allemand. « Il réprimande ses soldats, mais à moi, il donne un coup de pied au cul qui me fait valser à deux mètres. Me voilà couchée par terre, le nez dans la poussière », se souvient-elle. C’est à ce moment-là, dit-elle, qu’elle a pensé à l’appel du général de Gaulle et décidé de s’engager.

Rainer comme le poète

Alors pensionnaire à Amiens, Madeleine Riffaud, qui souffre de tuberculose, commence par faire des liaisons, puis informer les Français. Suivent les inscriptions à la craie sur les murs. Puis, en 1942, elle est intégrée complètement dans les rangs de la Résistance. Elle choisit le pseudonyme de Rainer, comme le poète Rainer Maria Rilke, qu’elle a découvert au sanatorium.

Un jour, j’en ai eu assez que les femmes soient obligées de porter armes et explosifs pour ceux qui vont agir. Je peux faire la même chose que les hommes, ai-je dit à mon chef

Madeleine Riffaud, résistante combattante

Quelque temps plus tard, elle rejoint la lutte armée. La durée de vie d’un franc-tireur à Paris est alors de trois mois, les pertes sont nombreuses. Mais Madeleine Riffaud est déterminée et n’a pas froid aux yeux. « On nous disait de multiplier les actes contre les Allemands devant tout le monde. Il fallait faire soulever Paris », détaille-t-elle. « On a dit plus tard que les résistants étaient une minorité. Mais on a été aidés très souvent par des gens qui n’étaient pas résistants à proprement dit ».

Torture en famille

Un jour, après avoir tué un homme pour venger un camarade abattu, Madeleine Riffaud est arrêtée. Détenue par la Gestapo, elle est torturée, mais ses geôliers craignent le sang qui sort de sa bouche, alors ils optent pour ce qu’ils appellent la torture en famille. « Ils m’ont attachée sur une chaise dans un coin de la salle et ils ont fait torturer des résistants que je ne connaissais pas devant moi », explique-t-elle. Elle sera libérée à la faveur d’un échange de prisonniers et son engagement dans la Résistance n’en sera que plus fort.

Tout le monde chantait, s’embrassait, montait sur les chars, mais nous, on a pleuré

Madeleine Riffaud, résistante combattante

Après le Débarquement, le 6 juin 1944, la stratégie des Alliés était de contourner Paris pour se diriger en priorité vers le front de l’Est. Mais le général de Gaulle, le chef de la France libre, estime que la capitale doit être libérée par des Français, pour le symbole. Il reste alors environ 6000 soldats du IIIe Reich dans la ville.

L’insurrection qui aurait pu s’achever dans un bain de sang démarre le 19 août. C’est le début de huit jours mouvementés qui vont changer l’histoire et auxquels Madeleine Riffaud prend pleinement part.

Assaut final

A la tête d’un groupe d’hommes, elle lance l’assaut le 25 août sur le dernier bastion nazi de Paris, place de la République. A ce moment-là, les soldats de la caserne de la Gestapo qui refusaient de se rendre hissent le drapeau blanc. « Il y avait une foule de gens qu’on contenait avec peine. Ils savaient que Paris était libre. Ils voulaient fêter la victoire, alors ils se précipitent sur la place, mais eux, ils tirent, les Allemands », se remémore-t-elle.

Un de ses amis est tué alors qu’il voulait secourir un blessé. C’est le coup de massue. « On n’a pas fait la fête. Tout le monde chantait, s’embrassait, montait sur les chars, mais nous, on était fatigués. Ça faisait huit jours qu’on ne dormait pas et qu’on ne mangeait pas grand-chose et puis là, la mort de notre plus vieux copain, d’une façon aussi injuste, après la victoire, ça nous a scié le moral. On s’est assis sur un banc et on s’est mis à pleurer et on a pleuré », relate-t-elle.

Après la Libération, forte tête, elle choisit le métier de reporter de guerre. « J’ai gardé l’esprit de la Résistance », confie aujourd’hui la vieille dame. « Dans les pires moments, il faut se dire: ‘je ne suis pas une victime, je suis un combattant. Ça change tout! ». Sa façon à elle de résister. Sans fin.

Propos recueillis par Anne Fournier

Article et vidéo web: Juliette Galeazzi

Source www.rts.ch

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