L’épreuve de la volonté

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Réflexion sur la paracha de la semaine par le rav Mordekhai Bismuth:

« Ils arrivèrent à l’endroit que lui avait dit Ha-Elokim. Avraham y construisit l’autel et prépara les bois. Il attacha Yits’hak son fils et le plaça sur l’autel, au-dessus des bois » (Beréchit 22,9-10).

Dans l’épisode de la Akédat Yits’hak, la Tora nous raconte le déroulement des faits : Avraham « construisit l’autel », « prépara les bois », « lia Yits’hak », « le plaça sur l’autel » etc.

Toutefois, le texte ne nous dit pas comment Avraham a exécuté tous ces actes. Les a-t-il faits de ses mains, de ses pieds, de son dos ? À première vue, cette question semble inutile, car il est évident qu’Avraham a agi avec ses mains. Cela est tellement évident que la Tora ne nous le précise pas ! Certes, c’est évident. Mais alors, pourquoi la Tora nous le précise-t-elle dans les versets suivants, comme il est écrit : « Avraham tendit la main et prit le couteau pour égorger son fils » ? Il est tout aussi évident qu’Avraham prit le couteau avec la main ! Pourquoi donc nous le dire ?!

La Tora nous donne par cela un enseignement fondamental sur notre père Avraham. Nous savons qu’Avraham fut un serviteur de D’ exceptionnel. Après avoir surmonté neuf terribles épreuves, le voilà à la dixième et ultime épreuve. Avraham était totalement engagé dans sa Avodat Hachem, à tel point qu’il a réussi à sanctifier tout son être. Ses mains et tout son corps fonctionnaient automatiquement à la vue d’une Mitsva ; il avait pour ainsi dire « l’instinct Mitsva ». C’est pour cela que, dans le déroulement de la Akéda, la Tora ne précise pas « comment » Avraham a agi, car c’était automatiquement, instinctivement, que ses mains ont suivi l’ordre du Tout-Puissant.

Mais par la suite, une fois Yits’hak ligoté sur l’autel, Avraham veut prendre le couteau, mais cette fois-ci, sa main ne se tend pas toute seule. Avraham Avinou est dans le doute, l’angoisse. « Comment se fait-il que mes mains ne réagissent plus ? Ai-je régressé dans mon service de D’ ou est-ce vraiment une Mitsva d’offrir mon fils ?

Toutefois, le doute ne le perturbera pas longtemps et ne prendra pas le dessus : « Avraham tendit la main et prit le couteau ». Il saisit en quelque sorte sa main pour l’envoyer prendre le couteau et appliquer l’ordre d’Hachem. Le couteau en main, Avraham s’apprête à égorger Yits’hak lorsqu’une voix retentit : « N’envoie pas ta main vers le jeune homme et ne lui fais rien, car Je sais maintenant que tu crains Elokim, et que tu ne M’as pas refusé ton fils unique. »

Hachem dit à Avraham : « N’envoie pas ta main » car ce n’est pas une Mitsva d’immoler ton fils. C’est pour cela que ton corps n’a pas réagi : Mon ordre ne consistait pas à égorger ton fils unique.

Malgré cela, Avraham fut peiné et soucieux. Il ne se sentait pas soulagé d’être dispensé ! Ne pas avoir pu offrir un sacrifice à Hachem ! Tout était prêt : l’autel, le sacrifice, le feu… Lorsque Hachem vit que cette dispense faisait de la peine à Son serviteur, Il lui envoya un bélier afin qu’il puisse l’offrir.

La lecture de cet épisode nous permet de voir la façon dont Avraham Avinou a totalement sanctifié son corps, ses membres et sa sensibilité pour la Avodat Hachem ; on l’appelle la « Emounat évarim » (la foi des membres du corps).

Chaque matin nous débutons la tefila par l’épisode de la Akédat Yits’hak, parce que lors de ce moment fort de notre histoire, notre père Avraham fut prêt à sacrifier son fils unique et aimé en holocauste d’une part, et d’autre part, Yits’hak âgé de 37 ans se soumit de plein gré à l’ordre de Hachem et était prêt à se laisser sacrifier.

Cet épisode doit éveiller en nous un sentiment de lien avec le comportement de nos pères. Nous devons nous identifier à eux lors de notre Avodat Hachem [service divin]. Car D’ Se souvient très bien de la Akéda, Il n’a pas besoin que nous la Lui rappelions. Si nous l’évoquons, c’est pour Lui révéler que nous aussi sommes prêts à nous sacrifier pour Lui.

L’acte de la Akédat Ist’hak en lui-même ne prouve pas entièrement la grande noblesse de Avraham. Il se peut qu’il ait agi juste par une quelconque crainte pour sa propre vie et en n’obéissant pas à D’ par amour.

Toutefois, s’il avait agi exclusivement par peur de désobéir, lorsque l’ange lui annonça de ne pas « porter sa main contre l’enfant », il se serait réjoui d’être exempté de cette épreuve, aurait détaché son fils et se serait dépêché de rentrer chez lui. Au contraire, il a peiné pour accomplir un sacrifice et de ne pas redescendre de la montagne bredouille. Preuve flagrante qu’Avraham n’a servi son Créateur que par amour et tous ses actes étaient seulement pour la gloire du ciel.

Rabbi Chimon et son maître rabbi Akiva vécurent pendant une période difficile pour le peuple juif. La Guemara (Berakhoth 61a) rapporte que les autorités romaines avaient interdit aux Juifs d’étudier la Tora. Pourtant les deux Sages continuaient à donner des cours au grand public. Papous ben Yehouda demanda à rabbi Akiva s’il ne craignait pas de se faire arrêter. Rabbi Akiva lui conta une parabole : un renard se promenait sur le bord d’une rivière. Il vit des poissons qui nageaient de part et d’autre. Le renard leur demanda : – « Devant qui fuyez-vous ? »

– « Des filets que les pêcheurs ont déployés dans la rivière –

« Venez chez moi, leur proposa le renard, je vous protégerais »

– « C’est de toi que l’on dit intelligent ! Si dans notre environnement on craint de mourir, dans un environnement qui nous est hostile qu’adviendra-t-il de nous ? »

Rabbi Akiva expliqua alors à Papous ben Yehouda le rapport de cette parabole avec son problème : « Je préfère vivre en danger, mais dans l’environnement qui me permet de vivre à savoir en étudiant la Tora, plutôt que tenter de vivre sereinement sans oxygène !»

Quelques jours après Rabbi Akiva et Papous ben Yehouda furent tous deux arrêtés. Papous dit alors à rabbi Akiva : « Heureux sois-tu Rabbi Akiva, toi tu t’es fait arrêter à cause de la Tora, alors que moi c’est pour des futilités que je suis ici… »

Ces derniers mois notre vie a subi un chamboulement spirituel, plus de synagogue, plus de mynian, plus de chi’ourim…. Parce que c’est dangereux, il faut faire attention à sa vie, il faut tout faire pour sauver des âmes… c’est écrit dans la Tora «Venicharmtem meod lenafchotékhem, vous prendrez grandement garde à vos âmes» (Devarim 4,15) !

Mais jusqu’à quand ? Il ne faudrait pas que ce virus, se transforme en alibi pour justifier nos actes, et qu’il nous conforte à prier seul et a délaissé nos temps d’étude qui étaient fixés depuis des années !

Il faut se rendre à l’évidence, que se rendre au supermarché, faire la queue à la poste, à la pharmacie, assister à une réunion au bureau… n’est pas moins dangereux que de prier en mynian, participer à un chiour avec un rav… Bien évidemment en gardant les règles de distance.

Le verset cité ne parle pas du tout de la préservation du corps, mais de la préservation de l’âme sur le plan spirituel.

Le fait de prier ou d’étudier tous les jours n’est pas un témoignage de notre amour pour Hachem et Ses mitsvoth. Ce sont des obligations que nous avons envers lui.

Ce serait peut-être le fait de se lever tôt, la promptitude de la personne indique son désir d’accomplir les mitsvoth,de prier et de servir son Créateur.

Comme l’affirme le roi David « Je cours vers tes mitsvot, car Tu as élargi mon cœur », le cœur et le désir sont exprimés dans le fait de courir vers la mitsva.

A quoi cela ressemble ? Un médecin qui vérifie l’état de santé de son patient ne lui demande pas s’il a mangé ; il est certain que le patient a mangé sinon il serait mort ! Il lui demande en revanche s’il a mangé avec appétit, car l’appétit prouve que le patient est en bonne santé.

De la même manière, le désir dans l’accomplissement des mitsvot ressemble à « l’appétit » qui démontre que la personne est en bonne santé spirituelle.

Nous sommes, nous aussi aujourd’hui, à notre tour, éprouvés et testés par Hachem, peut-être la dixième et l’ultime épreuve ? Ne baissons pas les bras trop vite et nous ne réjouissons pas de cette situation pour se trouver des excuses.

Comme notre patriarche, même si nous sommes « exemptés » de certaines choses pendant la situation actuelle, montrons notre déception, soyons peinés et soucieux, de ne pas avoir pu accomplir la mitsva et essayons de faire tout pour exécuter : la volonté de notre Père céleste.

Chabat Chalom – Rav Mordekhai Bismuth

Extrait de la Daf de Chabat disponible sur notre site OVDHM.com

L’équipe d’OVDHM

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