En 2006, quand Jean-Paul Brighelli publie Une école sous influence, il veut dénoncer l’entrisme islamique au sein de l’école de la République. Il essaye donc d’alerter les pouvoirs publics sur un phénomène qui inquiète les spécialistes de l’éducation mais ne parait pas interpeller les politiques. Pourtant des ouvrages essentiels sur ces questions ont déjà été publiés. Mais le rapport de Jean-Pierre Obin, inspecteur de l’éducation nationale, sur l’influence des islamistes et de leurs représentations, a été enterré sans autre forme de procès par François Fillon, alors ministre de l’Education nationale en 2004. Comme l’avait été en 2002 l’ouvrage de Georges Bensoussan, les Territoires perdus de la République. Or les auteurs y expliquaient déjà que l’offensive islamiste était renforcée par le déni des institutions et des politiques. Les années qui vont suivre verront, au déni, s’ajouter l’ostracisation de ceux qui osent s’attaquer à l’obscurantisme islamiste. Ils seront voués aux gémonies, autrement dit renvoyés à l’extrême-droite et traités de racistes.
Business as usual
18 ans après, en 2024, Jean-Paul Brighelli fait le point sur ce qui était déjà en gestation en 2006. Force est de constater que le retour sur le terrain ne porte pas à l’optimisme. Le titre donne la couleur. L’école était sous influence des islamistes en 2006, aujourd’hui elle est sous emprise et c’est parti pour durer. Et nos élites administratives et politiques, ont-elles au moins ouverts les yeux durant cette période ? Là aussi le constat est sévère. L’inflation du verbe n’a égal que l’impuissance en termes d’action. Incapables d’autorité, terrorisés à l’idée de déclencher des émeutes, le « pas de vague » est toujours en vigueur rue de Grenelle. Et pourquoi cela changerait-il ? Des professeurs ont été assassinés de façon atroce. Une fois les larmes séchées et les hommages rendus, la vie dans l’Éducation nationale a continué en mode « business as usual ». Il n’y a pas eu un avant et un après Samuel Paty, pas eu un avant et un après Dominique Bernard.
Jean-Paul Brighelli revient aussi sur ces enfants que le déni des politiques met également en danger, les Mila, les Samara, les Shemseddine… Toutes ces victimes de la violence communautaire où au nom de l’islam, des enfants et des adultes veulent régir le comportement de leur entourage, leur façon de se vêtir, contrôler à qui ils ont le droit de parler et même ce qu’il est licite de dire. La lâcheté des pouvoirs publics est en train de produire à la chaîne des petits talibans qui rétablissent par leur intolérance et leur brutalité, le blasphème, et instaurent une véritable police des mœurs.
Islamo-gauchisme, un cocktail explosif
Dans des chapitres bien troussés, appuyés sur des exemples aussi dramatiques qu’éclairants, l’auteur nous montre un kaléidoscope de situations où l’offensive islamiste est assistée dans sa volonté de destruction de l’idéal laïque par les injonctions wokistes. D’un côté, les élèves et les parents sont invités à imposer leurs valeurs, leurs coutumes et leurs interdits religieux et comportementaux au sein de l’école, détruisant l’idée même qu’il puisse exister un commun où on efface ses particularismes pour partager l’espace public. De l’autre le wokisme fait de toute contrainte, une agression, transforme le rapport du maître à l’élève, en domination et au final jette la suspicion sur la transmission. Le wokisme s’attaque à la République en lui reprochant de n’être pas parfaite et en faisant passer ses imperfections pour une manipulation : ainsi l’égalité serait un mensonge, l’antiracisme aurait servi à perpétuer le privilège blanc et nos libertés seraient illusoires. Le but : faire oublier que nos principes et idéaux ont donné naissance à des sociétés de liberté et de tolérance où l’existence des minorités est protégée et l’émancipation individuelle possible. La situation des femmes est enviable là où l’égalité en droit est affirmée. En revanche là où elle ne l’est pas, comme dans les pays musulmans, ce refus de l’égalité a des conséquences réelles sur le statut de la femme. Le but de wokisme est d’effacer ces réalités et de ne cultiver que le ressentiment : l’idéal républicain n’est pas parfaitement réalisé, donc il ne vaut rien. Et pendant que l’on donne la France à haïr côté woke, les islamistes proposent une identité de substitution : l’appartenance à l’Oumma islamique. Une fois cette logique intégrée, les jeunes deviennent les moines soldats de cette mouvance. Ils le font avec d’autant moins de recul qu’ils ne se posent pas la question des sociétés dont l’islamisme est la matrice et dont Daesh est l’aboutissement. Au bout de la chaine, c’est le savoir qui recule, des héritages que l’on renie et une identité religieuse qui s’affirme au détriment de tout le reste. Or cette identité religieuse est incompatible avec l’idéal républicain. L’islamisme refuse le savoir, l’instruction, l’égalité, la liberté de conscience, de pensée et d’expression. Il se moque des libertés, de l’idéal laïque et même de l’existence d’une dignité humaine partagé par tous les hommes, il ne connait que la soumission à son Dieu et n’a d’autres buts que de l’imposer à tous. Mais ces gens qui gâchent la vie de tant d’autres ne sont forts que de nos renoncements. Jean-Paul Brighelli rappelle que si les islamistes sont puissants, une bonne partie des musulmans n’est pas sous leur contrôle. Faire preuve d’autorité n’est donc qu’une question de courage et de détermination. A voir l’état actuel de notre microcosme politique, en attendre un sursaut revient à attendre Godot. L’espoir en moins.