Le véritable secret pour une chana tova 

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Par David E. Avraham

Nous sommes à quelques jours de Roch Hachana. Et en cette veille de Yom ha-Din, jour du jugement, nous sommes tous plus ou moins à l’affût de trucs, d’astuces et de segouloth pour mériter d’être inscrit dans le livre de la vie pour une belle et douce année. Grâce à D’, on nous propose toutes sortes de conseils miraculeux. Il y a les grands classiques comme le séder de Roch Hachana et ses simanim, la lecture du livre des Psaumes les deux jours de Roch Hachana, faire preuve de mansuétude (surtout avec son conjoint), ne pas se mettre en colère (même contre sa belle-mère), pardonner, ou prendre au moins une résolution sérieuse (c’est décidé, cette année je fais un bon régime !). Et puis il y a les segouloth un peu plus « exotiques » comme l’achat d’un couteau bien tranchant pour une bonne parnassa ou encore manger de la Matsa qui a été préparée pour Pessa’h pendant les repas de Roch Hachana afin d’être protégé et méritant devant le tribunal céleste. Autant dire qu’il ne manque pas de trucs et d’astuces pour tirer son épingle du jeu dans l’espoir d’un jugement favorable le jour de Roch Hachana.

Seulement voilà, pourquoi Hachem nous donnerait-Il une bonne année ? Qu’est-ce qui justifie toutes nos demandes ?  Notre vie mérite-t-elle d’être vécue ?

Cette question n’est pas de moi, mais du rav Israël Salanter, de mémoire bénie. Il la pose et y répond dans l’une de ses nombreuses correspondances épistolaires avec ses élèves.  Sa réponse est sans aucun doute le plus grand secret pour une année de vie, de prospérité, de bénédictions, de réussite, de développement spirituel et plein d’autres choses. Elle représente la segoula la plus sûre et la plus authentique de toutes les segouloth. Une segoula, ou plus justement un conseil qui si on ose l’appliquer nous garantira un jugement favorable.

Ce conseil tellement puissant que le rav Wolbe, de mémoire bénie, le considère comme l’unique conseil pour une chana tova.

Le conseil de rabbi Israël Salanter est le suivant : il faut être une personne dont les gens ont besoin, en d’autres termes « être au service des autres. » C’est aussi simple que cela, dès lors que l’on comprend ce que cela veut dire.

 

Alors, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

 

Nous disons dans la prière de Roch Hachana et des dix jours de pénitences : « Souviens-Toi de nous pour la vie, ô Roi Qui aime la vie ; inscris-nous dans le livre de la vie, en Ta faveur, ô D’ de vie ». Cette prière fut instituée par les Gueonim (589-1038), les sages qui succédèrent aux Savoraïm, soit deux générations après les sages de la Guemara. Cette prière renferme le précieux conseil de rav Israël Salanter. Voyons un peu comment. Nous demandons à Hachem de se souvenir de nous pour la vie. Nous l’implorons afin qu’il nous donne la vie. Mais de qu’elle vie s’agit-il exactement ? Car Lui aussi veut nous offrir la vie. Ne dit-on pas dans cette prière : « Un Roi Qui aime la vie » ? Si c’est ainsi pourquoi Lui demande-t-on une chose qu’Il souhaite nous offrir ? Mais en réalité, nous voulons deux choses différentes. Nous réclamons la vie ici-bas et ses plaisirs fugaces, tandis que Hachem veut nous offrir la vie dans ce monde afin que nous méritions celle du monde futur. Nous ne désirons pas ce cadeau de Hachem. C’est pourquoi nous lui demandons dans cette supplication « inscris-nous dans le livre de la vie ». On semble se répéter, mais il s’agit en fait d’une confirmation de vie que nous convoitons. Nous prions pour une vie de plaisirs dans ce monde éphémère. Mais pourquoi mériterions-nous d’une telle existence ? Hachem n’a pas créé des hommes dans le but qu’ils vivent comme des vaches ! Pourquoi nous inscrirait-Il dans le livre de la vie ? Nous le méritons parce que c’est « en Ta faveur. »

Selon nos maîtres, les égocentriques ne peuvent pas prétendre au livre de la vie. Ce genre d’existence n’est pas « en la faveur » de Hachem. Elle ne justifie pas une inscription dans le livre de la vie. En revanche, une personne dont l’existence est tournée vers autrui mérite une vie douce et agréable. Car sa vie est « en la faveur » de son Createur. Rabbi Yerou’ham de Mir enseignait que lorsque la vie est « en faveur » de Hachem, on mérite les biens de ce monde. Mieux encore, cela ne nous est pas déduit de nos mérites, car toute cette abondance est « en la faveur » de Hachem. Rav Wolbe explique que cela n’implique pas obligatoirement de prendre son baluchon et de parcourir les routes afin de propager la Tora et la bonté à la manière d’un Ba’al Chem Tov des temps modernes. Une vie en faveur de Hachem n’est pas l’apanage des grands rabbanim, et des responsables communautaires. Cela concerne tout celui dont les actions, même privées, sont réalisées pour le mérite de l’ensemble. Celui qui compatit dans la souffrance de son prochain. Celui qui prie pour son prochain. Celui-ci qui s’applique à être un bon Juif afin que l’ensemble du peuple d’Israël soit méritant. A fortiori, celui dont les actions aident ou réjouissent concrètement les frères et sœurs juifs.

Le traité Ta’anith (22a) raconte que rabbi Broka ‘Hozaa allait souvent au marché de Léfett. Le prophète Elie venait l’y rencontrer fréquemment. Rabbi Broka lui demanda : y a-t-il dans ce marché quelqu’un qui pourrait accéder au Monde futur ? Et voici que vinrent deux frères. Le prophète lui dit : ces deux hommes pourraient très bien accéder au Monde futur. Rabbi Broka alla les voir et leur dit : « que faites-vous pour avoir un tel mérite ? » Ils lui dirent : « Mous sommes des clowns et nous faisons rire les gens tristes, et de plus lorsque nous voyons deux personnes qui sont en conflit, nous mettons toute notre énergie pour les faire rigoler entre eux et après ils font la paix ».

Rachi commente : « Des gens drôles, joyeux et qui rendent joyeux les gens ».

Nous pouvons nous demander, en quoi y a-t-il un si grand mérite ?

Il nous semble pouvoir expliquer sur la base d’un commentaire du Maharal de Prague [Nétsa’h Israël ch. 29]. L’individu est de l’ordre du matériel. Le Monde futur est radicalement non-matériel. La joie est la capacité d’être réceptif à autre chose que soi-même, à s’ouvrir à autre chose que soi-même, à un souffle prophétique. La joie introduit de l’illimité au sein du limité.

Le Talmud nous offre ici un bel exemple de personnes dont la vie est tournée vers les autres. Ces individus méritaient le monde futur parce qu’ils réjouissaient les autres. Certes, il s’agit là de clowns. La joie possède une valeur particulière, mais selon rabbi Israël Salanter cela s’applique également à tout celui dont « le peuple a besoin. » Il méritera d’être inscrit dans le livre de la vie.

Que Hachem nous inscrit tous dans le livre la vie, en Sa faveur.

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