Une synagogue millénaire renoue avec son histoire : le réveil des Juifs syriens à Damas
Dans la banlieue de Jobar à Damas, la synagogue Eliyahu Hanavi, autrefois un joyau architectural et spirituel, se dresse aujourd’hui comme un témoignage silencieux des tumultes de l’histoire syrienne. Cette synagogue, qui remonte à 720 avant l’ère actuelle, a été gravement endommagée au cours de la guerre civile qui a dévasté la Syrie pendant plus d’une décennie. Toutefois, avec la fin du régime d’Assad et une relative stabilisation dans la région, les quelques Juifs encore présents en Syrie peuvent à nouveau visiter ce lieu emblématique.
La Syrie a longtemps été un refuge pour les communautés juives. Suite à des événements tragiques tels que la conquête de Jérusalem par les Croisés en 1099 et l’Inquisition espagnole de 1492, de nombreux Juifs ont trouvé asile à Damas. Ces vagues migratoires ont renforcé la présence juive dans la région, faisant de la Syrie l’un des principaux foyers du judaïsme dans le monde.
Cependant, la création de l’État d’Israël en 1948 a marqué un tournant décisif. Les tensions politiques ont conduit à une émigration massive, réduisant la population juive syrienne à une poignée d’individus. Aujourd’hui, il ne reste plus que neuf Juifs en Syrie, presque tous âgés, selon les responsables communautaires.
Le poids des ruines
Bakhour Chamntoub, figure emblématique des Juifs syriens, a exprimé à la presse son émotion en redécouvrant la synagogue Eliyahu Hanavi après 15 ans d’absence. « Voir cet endroit dans cet état me perturbe profondément », a-t-il confié. La synagogue, autrefois ornée de rouleaux de la Tora écrits sur du cuir de gazelle, de lustres et de tapis somptueux, a été pilliée et détruite. Pourtant, Chamntoub, tout comme d’autres Juifs à travers le monde, nourrit l’espoir de la restaurer.
Une vie discrète mais résiliente
Malgré les défis, Chamntoub reste attaché à sa terre natale. Alors que ses douze frères et sœurs ont quitté le pays, il a choisi de rester, affirmant ne jamais avoir subi de discrimination en raison de sa foi. Toutefois, cette réalité ne peut pas être généralisée, car d’autres membres de la communauté préfèrent garder le silence par peur de représailles ou d’accusations injustes.
Installé dans le quartier juif de la vieille ville de Damas, Chamntoub continue d’observer les traditions religieuses juives. Il reçoit des colis de viande casher envoyés par ses proches à l’étranger et prépare des repas pour Firdos Mallakh, un autre membre de la communauté, aujourd’hui âgé de 88 ans. Lors des festivités comme Hanouka, il célèbre seul, mais avec fierté, dans l’espoir d’un avenir meilleur pour la Syrie.
Une nouvelle ère d’espoir
Le retour à la synagogue Eliyahu Hanavi symbolise bien plus qu’un simple retour sur un site historique. Il représente une renaissance spirituelle pour une communauté en voie d’extinction. Les nouvelles autorités locales, bien qu’encore surveillées de près, promettent une liberté religieuse accrue. Pourtant, la reconstruction de la synagogue et de la banlieue de Jobar nécessitera d’innombrables efforts.
Pour Chamntoub, la restauration de la synagogue pourrait devenir un symbole de résilience et de coexistence au sein d’une nation marquée par des décennies de conflits. « Je suis juif et j’en suis fier », déclare-t-il, incarnant l’espoir que les traditions anciennes puissent survivre même dans les moments les plus sombres.
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