Haazinou, Yom Kippour/ Feuillet numéro 401/Édition française n°25
Le sujet de cette semaine : Yom Kippour
Les perles de la paracha – Extraites des cours du rav Acher Kowalski
Car en ce jour il sera fait expiation pour vous !
Nous nous trouvons à présent entre Roch Hachana et Kippour, une période riche en émotions intenses. Le son du Chofar résonne encore à nos oreilles, alors que nous venons de couronner le Roi des rois sur la Terre et ses habitants, priant pour que tous reconnaissent Sa suprématie. En ces jours opportuns nous est donné le mérite de déterminer notre sort et celui du monde entier, un mérite qu’il faut optimiser.
Au fond de lui, tout Juif est conscient que les dix Jours de Repentir sont les plus spéciaux de l’année. Des jours de Techouva dans son sens le plus élémentaire, destinés à se repentir et à retrouver la proximité avec notre Père céleste. Au cours de l’année, pendant les jours de routine éreintants, il nous arrive plus d’une fois de nous égarer, de nous fourvoyer. C’est alors qu’arrive Roch Hachana, où nous proclamons avec émotion : « Hamélekh ! », revenant à une conscience totale du Roi du monde et aspirant à revenir vers Lui.
Ce n’est pas pour rien que pendant des milliers d’années, dans tous les exils que nous avons traversés, même si les Juifs ont connu des hauts et des bas et que certains semblaient s’être éloignés de manière irréversible, tous retrouvaient le chemin de la synagogue à l’entrée du jour saint de Yom Kippour, se rassemblant pour la cérémonie du Kol Nidré. Il ne s’agit pas seulement d’une solennité émouvante sur le plan historique, mais tout Juif, quel qu’il soit, sent que l’atmosphère est différente, perçoit le souffle de pureté qu’on nous envoie du Ciel, notre Père aimant nous lançant l’appel : « Revenez vers Moi et Je reviendrai vers vous… »
Toute personne sensée sait ce qui se passe si, que D’ préserve, on perd un jeune enfant et que des heures s’écoulent sans aucune nouvelle. Au départ, ce sont ses parents qui s’inquiètent, mais rapidement, les voisins sont alertés. Ensuite, c’est tout le quartier qui se mobilise, puis l’angoisse s’élargit à toute la ville et même au-delà, tandis que les recherches battent leur plein. Cette inquiétude pour l’enfant perdu – « Il faut le retrouver à tout prix ! » – unit tout le monde et bien sûr ceux qui la ressentent le plus intensément sont ses parents, qui ne connaissent pas de repos tant qu’il n’a pas été retrouvé sain et sauf.
Cette description n’est qu’une faible allégorie de l’inquiétude de notre Père dans le Ciel, qui désire voir Ses enfants revenir vers Lui. C’est Lui qui nous donne la vie, la santé, les forces, les capacités, la parnassa. Il Se soucie de tout ce que nous vivons et avons vécu, et c’est Lui qui détermine notre avenir. Il désire tellement que nous revenions vers Lui, pour pouvoir nous combler de Son amour à profusion ; Il nous supplie de répondre à Son appel et de revenir pour Le servir d’un cœur entier.
C’est pourquoi Il nous a gratifiés d’un précieux cadeau : les Dix Jours de Repentir (Asséret Yemé Techouva), avec, au sommet, Yom Kippour. « Car en ce jour il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier ». En ce jour, Il prend chacun d’entre nous, et comme un Père aimant dont le fils revient d’un séjour d’un an dans un désert aride, où il vécut privé de toute hygiène, Il nous nettoie, lave nos âmes, et nous ramène à Lui, nous entourant d’amour.
Il n’a qu’un désir : entendre de notre bouche l’appel « Ramène-nous à Toi, Hachem, et nous reviendrons ». À ce moment-là, Il nous accueillera avec « la droite qui rapproche », nous nettoiera de toute tache et nous redonnera le statut de fils bien-aimés. Un instant avant de sceller notre sort pour une année entière, Il nous appelle à nous blottir dans Ses bras pleins d’amour, à être nourris à Ses frais – Lui qui aspire tant à déverser sur nous une abondance de bienfaits et de bénédictions.
Cependant, à l’issue de ces jours si élevés, après ces révélations d’amour et de proximité merveilleuses, nous aspirons encore à garder un peu de cette douce saveur, à en conserver une empreinte indélébile. Combien il serait regrettable de laisser passer ces jours si élevés sans faire de provisions pour la suite ! Quel dommage de ne pas sortir de Yom Kippour avec une grande richesse pour l’éternité !
C’est pourquoi un précieux conseil nous est donné : profiter du moment opportun pour prendre sur nous une bonne résolution. Même un seul, même un petit engagement, pourvu que l’on puisse s’y tenir. Qu’il représente une « déclaration d’intention » du fait que nous nous rapprochons d’un pas de notre Père céleste, du fait que nous façonnons le réceptacle qui maintiendra cette proximité à long terme. Il ne faut pas laisser l’atmosphère élévatrice nous échapper brutalement sans laisser de trace, mais y gagner des biens inaliénables pour de longues et bonnes années.
Lorsqu’un Juif prend une bonne résolution, il démontre ainsi qu’il est sur la bonne voie, que la proximité de D’ lui est précieuse, qu’il veut et est prêt à faire des efforts et à se battre pour conserver ne serait-ce qu’un peu de cette élévation, de cette sensation d’être « enlacé par Sa droite », propre à cette période. Le pouvoir de ce bon engagement est si fort que quand nous nous y tenons à long terme, il nous donne des forces supérieures pour continuer à progresser dans le Service d’Hachem.
Chers frères juifs, puisse ce moment nous être propice pour prendre sur nous un engagement positif ! Ajouter une heure d’étude de la Tora, ajouter de la ferveur dans la prière, garder sa bouche, sa langue et ses yeux, multiplier les actes de bienfaisance… Prenons sur nous une bonne résolution qui nous permettra de garder en bouche la douce saveur de ces moments d’élévation intense ; nous mériterons ainsi un Gmar ‘Hatima Tova et une magnifique année !
Le dermatologue de la Providence
L’histoire suivante démarra quelques jours avant le mois d’Eloul, il y a quelques années. À l’issue d’une introspection, un jeune homme plein de crainte du Ciel et de bonne volonté parvint à la conclusion qu’il ferait bien de protéger davantage son regard à l’approche des Jours de Repentir. Il prit donc sur lui de ne pas sortir, quoi qu’il arrive, de l’immeuble de la Yechiva Yékiré Yérouchalayim où il étudiait, et ce, pendant tout le mois précédant Roch Hachana, afin de protéger au mieux ses yeux de toute vision néfaste.
C’est avec beaucoup d’émotion que la nouvelle année d’étude s’ouvrit, et notre ami se plongea avec délices dans l’étude de la Guemara. Il n’avait pas oublié sa bonne résolution : ne pas quitter l’immeuble de la Yechiva pendant tout le mois d’Eloul. Mais voilà qu’un beau jour, il découvrit de légers boutons sur sa main. Au départ, il n’y attacha pas d’importance, mais ces boutons ne firent que s’accentuer et se propager, et il réalisa bientôt qu’il souffrait d’une éruption cutanée sur tout son bras droit. Au cours d’une conversation téléphonique avec ses parents, il évoqua le problème. Inquiets, ceux-ci le pressèrent d’aller consulter un spécialiste, ce à quoi il objecta qu’il ne pouvait quitter la Yechiva, ayant pris l’engagement de ne pas en sortir pendant tout Eloul, afin de ne pas « souiller » son regard par de mauvaises visions. Il n’était opposé à aucune sorte de traitement, mais il ne pouvait se résoudre à transgresser son engagement.
En désespoir de cause, les parents du Ba’hour contactèrent le Roch Yechiva, rav Yehouda Cohen chlita, lui demandant de vérifier la situation de leur fils et d’intervenir le cas échéant pour qu’il aille consulter un spécialiste. Le Roch Yechiva convoqua cet étudiant assidu et dès son entrée, il eut un sursaut en voyant son bras couvert de boutons. « C’est certes une très bonne résolution, admit-il, mais j’ai l’impression que tu n’as pas le choix et vas devoir y renoncer pour le moment… Tu es obligé de consulter un médecin… ! »
En entendant la consigne stricte du Roch Yechiva, le jeune homme éclata en sanglots. Il tenait tellement à respecter son engagement au pied de la lettre ! Sa douleur et sa peine de ne pas être en mesure de l’honorer étaient criantes. Dès qu’il fut un peu calmé, le Ba’hour déclara que s’il n’avait pas le choix, il obéirait. Mais c’était un sacrifice dont il aurait tant voulu se passer !…
Face à la détresse du Ba’hour et à sa volonté sincère de bien faire, le Roch Yechiva se radoucit quelque peu : « Peut-être que cette consultation n’est pas une urgence immédiate. Je comprends ta peine, et c’est pourquoi je suis prêt à attendre encore quelques heures. Si d’ici là, il n’y a pas de changement, tu n’auras d’autre choix que de te rendre chez le médecin… »
Notre ami quitta le Roch Yechiva avec des sentiments mêlés. D’un côté, il réalisait combien il y avait peu de chances qu’il échappe à une sortie de la Yechiva en dépit de son engagement. D’un autre côté, peut-être un miracle allait-il se produire d’ici là, qui sait ?…
L’après-midi du même jour, le Roch Yechiva était encore dans son bureau quand on tapa des coups à la porte. Un Juif âgé se tenait dans l’embrasure. C’était apparemment la première fois qu’il se trouvait là. Il demanda un entretien au Roch Yechiva, qui le lui accorda de bonne grâce.
« Vous ne me reconnaissez sans doute pas, commença-t-il, mais nous nous sommes rencontrés il y a quelques jours, au mariage d’un de vos élèves. En vous observant, il m’a semblé déceler que vous souffriez d’un problème dermatologique sans gravité, mais qu’il convient de traiter. Étant moi-même spécialiste de longue date au Brésil, j’ai donc décidé de vous venir en aide avant de partir… Mon vol est prévu pour demain. »
Surpris par cette initiative inattendue, le Roch Yechiva accepta d’être examiné. Mais voilà qu’au milieu de cette consultation improvisée, il sursauta, comme sous l’effet d’un soudain souvenir. « Vous tombez à pic », s’écria-t-il, « j’ai justement un élève qui a grand besoin de consulter un dermatologue, mais il refuse de sortir de la Yechiva, suite à une résolution qu’il a prise. C’est la Hachga’ha qui vous envoie ! »
En entendant tous les détails de l’histoire, le médecin fut très impressionné par une telle détermination. Il examina le jeune, et il s’avéra que celui-ci avait besoin d’une certaine crème qu’il avait justement apportée à l’intention du Roch Yechiva. Finalement, celle-ci aboutit chez le seul qui en avait besoin : notre heureux Ba’hour ! Ainsi, celui-ci eut droit au diagnostic d’un spécialiste de haut niveau, venu jusqu’à lui pour lui apporter « sur un plateau d’argent » le traitement nécessaire, et notre jeune homme guérit rapidement, sans avoir quitté la Yechiva, conformément à son engagement !
Cette histoire édifiante, relatée par rav Elimélekh Biderman Chlita, au nom du Roch Yechiva de Yakiré Yérouchalayim, le rav Yehouda Cohen Chlita, nous interpelle tous, en nous montrant le pouvoir d’un bon engagement. Cela exige de notre part une décision ferme et résolue, mais celle-ci représente un puissant levier pour se rapprocher d’Hachem, qui va parfois bouleverser l’ordre des choses pour nous aider à s’y tenir !
Alors, à notre tour de contracter un bon engagement, en particulier en cette période ! C’est le moment d’examiner dans quel domaine nous devons nous améliorer, nous renforcer. Toute bonne résolution est telle une échelle posée au sol, dont le sommet atteint les cieux. Elle fait du bruit dans les cieux et nous rapproche d’Hachem. Profitons donc de ces jours pour en prendre, et nous mériterons que le Créateur voie notre aspiration à cette proximité et nous tende la main pour revenir vers lui par une Techouva entière !