Le rabbi de Kalov sur par. Vaéra : faire la morale ? Seulement avec amour !

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Paracha Vaéra : la morale ? Seulement avec amour !

« Fils de Guerchon : Livni et Chimi, avec leurs familles. » (Chemoth 6,17)

Les premières années ayant suivi notre installation aux États-Unis, notre situation financière était des plus inconfortables, et notre père, de mémoire bénie, ployait sous de grosses dettes. En 1940, il décida d’aller à Chicago solliciter l’aide d’importants donateurs du monde de la Tora. C’est ainsi qu’il partit un jeudi, dans l’intention de passer deux Chabbatoth sur place. Pourtant, le dimanche suivant son départ, à la stupeur de tous, il était de retour à New York.

À nos questions, il répondit que le Chabbath matin, il était allé à la synagogue de la communauté locale, pour y prier Cha’harith, mais qu’à son arrivée, il avait découvert qu’hommes et femmes étaient assis au même niveau, séparés seulement par une minuscule me’hitsa (paroi).

Aussitôt, il alla parler au rav de la communauté : comment pouvait-il laisser faire une chose pareille, non conforme à la Halakha, dans sa communauté ?

« Je n’y peux rien, protesta le rav. Si vous voulez leur en parler, libre à vous, mais alors autant renoncer à tout subside de leur part – quant à la hauteur de la me’hitsa, ils ne vous écouteront pas ! »

Loin de se décourager, notre père, de mémoire bénie, monta sur la bima et sans rien avoir préparé, évoqua en toute sincérité la gravité de l’interdit transgressé. Il ajouta qu’il était prêt à renoncer à tout l’argent qu’il aurait pu recevoir, préférant qu’ils l’utilisent pour mettre en place une me’hitsa conforme à la Halakha.

Quand il eut terminé son discours, les membres de la communauté ne se gênèrent pas de lui dire qu’ils n’étaient pas d’accord et qu’il pouvait aussi bien rentrer chez lui ; il ne recevrait pas un sou après le scandale qu’il venait de faire. C’était là la raison de son retour soudain à New York, le dimanche, les mains vides.

Cependant, des paroles issues du cœur finissent toujours par faire effet, et peu de temps après, il reçut une lettre de la communauté de Chicago. Réalisant l’ampleur de son sacrifice pour la rectification de la me’hitsa, ils avaient fini par comprendre qu’il avait raison et s’étaient cotisés à hauteur de 300 dollars pour l’acquisition d’une me’hitsa valable selon tous les avis.

Finalement satisfaits de cet heureux changement, les membres de la communauté accordèrent désormais à notre père un soutien mensuel, reconnaissant pour son intervention désintéressée.

Cette histoire nous démontre que lorsqu’on fait la morale à un Juif par amour, à l’instar de ces Tsadikim qui encouragent toujours leurs coreligionnaires à réparer leurs agissements par souci réel de leur avenir spirituel – voulant leur éviter des punitions et au contraire leur faire gagner une récompense de taille –, on parvient à toucher son interlocuteur. Un sentiment d’amour se développe alors, comme l’indique le verset « comme dans l’eau le visage répond au visage, aussi chez les hommes les cœurs se répondent » (Michlé 27,19), et comme l’expliquent nos Sages (Chemot Rabba 1,1) sur le verset « avoir soin de le corriger, c’est l’aimer » (Michlé 13,24), soulignant que le fils ne fait que redoubler d’amour pour son père, lorsque celui-ci le réprimande par amour.

Ceci est la condition sine que non à toute remontrance, comme l’explique le Zohar, dans la paracha de Kedochim, où dans un même verset, les deux Mitsvoth sont mentionnées d’affilée : « Ne hais pas ton frère dans ton cœur ; reprends ton prochain. » (Vayikra 19,17). Car avant de faire un reproche à un Juif, il faut veiller à ce que celui-ci n’émane pas d’un sentiment de haine. C’est juste le contraire : la Mitsva est de le réprimander avec beaucoup d’amour et de sollicitude – en vue de lui éviter une punition.

Quand on procède ainsi, on a le mérite de rapprocher les Juifs de la Tora, à l’image d’Aharon Hacohen, au sujet duquel il est dit qu’il « aimait les créatures et les rapprochait de la Tora » (Avoth 1,12). C’est précisément parce qu’il était animé de ce sentiment qu’il avait le mérite de les ramener dans le droit chemin.

Dans son livre Amoud Ha’avoda (Drouch Hama’hchava), rabbi Baroukh de Kassov illustre ce principe d’une parabole illustrant l’immense portée de l’amour.

Un souverain se désolait de ne pas avoir de fils pour lui succéder au trône, le moment venu. Cependant, sur ses vieux jours, lui naquit un fils, qu’il confia aux bons soins d’un précepteur qualifié. Celui-ci avait pour mission d’en faire un être cultivé, raffiné, doté de bonnes manières et rompu aux subtilités de la vie royale et de la diplomatie, capable de diriger ses sujets avec sagesse. Pourtant, le jeune garçon ne semblait guère intéressé par toutes ces matières.

Le consciencieux précepteur se tourna vers le souverain et lui parla à cœur ouvert : « Je vois qu’il n’est pas possible d’éduquer votre fils sans lui donner de temps à autre un coup de bâton. Mais j’ai peur qu’en grandissant, une fois monté sur le trône, il se souvienne de mes coups et ne me fasse mettre à mort… »

« Sache, lui répondit le roi, que tout dépend de ton intention. Si, quand tu le frappes, tu es en proie à la colère et à l’irritation, tu insuffleras dans son cœur des sentiments négatifs à ton encontre. Mais si tu le frappes sans la moindre colère, seulement avec un sentiment d’amour paternel, en vue de le guider dans le bon chemin, ce bâton fera pénétrer dans son cœur le pouvoir spirituel de l’amour. Et même si, au moment où tu le frapperas, il n’en sera pas conscient, du fait de son jeune âge, quand il grandira, il réalisera après coup quelle était ton intention et en viendra à t’aimer. »

C’est exactement de cette manière que nos Maîtres, le Ba’al Chem Tov et ses disciples, parvinrent à rapprocher des foules de Juifs de notre Père céleste : en diffusant cette méthode des réprimandes avec amour, avec le sentiment que toutes les tribus d’Israël sont comme une grande famille, dans laquelle chacune doit se soucier du bien de l’autre.
On retrouve dans notre verset une allusion à cette approche : « Fils de Guerchon » – ces fils qui se sont détournés (Nitgarchou, à rapprocher de Guerchon) de la sainteté sous l’effet du mauvais penchant. « Livni » – ils peuvent se blanchir (Léhitlaben) de leurs fautes. « Et Chimi avec leurs familles » – cela opérera lorsqu’ils entendront (Yichme’ou, de la même racine que le nom Chimi) des paroles de Moussar émanant de Juifs ayant un sentiment d’appartenance à une même famille.

Un message qui nous concerne tous…

Chabbath Chalom !

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