Le rabbi de Kalov sur par. Reé : les bienfaits du Ma’asser« Tu prélèveras la dîme » (Devarim 14,22) Deux amis fidèles étaient extrêmement liés et très dévoués l’un envers l’autre. Un jour, des mécréants inventèrent une histoire de toutes pièces sur l’un d’entre eux, et dans ce sillage, on le traîna au tribunal qui le condamna à mort. Son fidèle ami fit tout ce qui était en son pouvoir pour le sauver de ce funeste décret, mais ses efforts ne portèrent pas leurs fruits. Lorsque l’homme fut conduit vers l’échafaud, son ami ne put se contenir, accourut vers la potence et hurla au bourreau : « Arrête, ne tue pas un innocent. C’est moi le coupable, mets-moi la corde au cou. » Mais le coupable rétorqua en hurlant : « Ne le crois pas, il cherche uniquement à me sauver. C’est moi le véritable coupable.» Suite au tohu-bohu créé, le bourreau n’exécuta pas la sentence, mais confia l’affaire aux soins du souverain. Celui-ci, surpris, demanda aux deux amis de comparaître devant lui. Les deux amis lui racontèrent la vérité. Le souverain, très touché, leur dit alors : « Comme j’ai remarqué que vous étiez liés par une amitié indéfectible, j’aimerais également faire partie de votre cercle. De grâce, associez-moi comme troisième partenaire, et j’annulerai la sentence. » Avec ce récit à l’esprit, rabbi Israël de Rouzyne interprète le verset (Vayikra 19,18) : « Tu aimeras ton prochain comme toi, Je suis Hachem. » Lorsque tu aimeras véritablement ton prochain comme toi-même, alors Moi, Hachem pour ainsi dire, Je souhaiterai participer à ton association, et J’annulerai tous les mauvais décrets. » Nos Sages ont expliqué la raison pour laquelle le Ari zal institua de prendre sur soi la Mitsva d’aimer son prochain comme soi-même avant la prière, qu’ils éclairent par une parabole : il était une fois deux frères Reouven et Chim’on. D’ accorda à Reouven une immense richesse, mais comme c’est souvent le cas, il était très pingre, tandis que Chim’on souffrait de la pauvreté. Lorsque les filles de Chim’on furent en âge de se marier, sa situation était très précaire, et il se résolut à demander de l’aide à son frère, bien mieux loti que lui. Chim’on frappa à la porte de son frère, mais lorsqu’il demanda au serviteur de transmettre au maître de maison que son frère désirait le rencontrer, Reouven comprit de suite que Chim’on le sollicitait pour un don. Il demanda donc à son serviteur de répondre qu’il ne se connaissait pas de frère nommé Chim’on. Chim’on repartit humilié et sur le chemin de retour, passa par la maison de son père, à qui il fit part de cette rencontre humiliante. Quelque temps passa et un jour, Reouven rendit visite à son père. Or, au lieu que son père l’accueille avec le sourire, il lui demanda froidement : « Qui es-tu ? Je ne te connais pas.» Reouven lui répondit: « Papa, tu ne me reconnais pas, je suis ton fils Reouven ! » Mais le père s’obstina à répondre qu’il ne le connaissait pas du tout. Le fils se mit à pleurer devant son père et le supplia de ne pas le répudier alors qu’il était innocent. Le père lui rétorqua alors : « J’ai un fils qui s’appelle Chim’on, et si tu as dit qu’il n’est pas ton frère, dans ce cas, tu n’es pas mon fils…» Le message va de soi : lorsqu’un homme vient prier devant notre Père céleste, et dit : Hachivénou Avinou Letoratékha (Fais-nous revenir, notre Père, vers la Tora), Av Hara’haman chema’ kolénou (Père compatissant, écoute notre voix), et d’autres suppliques, il doit tout d’abord prêter attention aux enfants de D’, à ses frères juifs. En conséquence, seul un homme qui accepte la Mitsva d’aimer son prochain comme soi-même peut adresser une prière à D’. Rabbi Naftali Tsvi de Ropchitz raconte que dans son enfance, il étudia la prière chez un enseignant Tsadik, et lorsqu’il arriva au Nom de D’ – qui, comme c’est l’usage, n’était pas mentionné par écrit, mais remplacé par deux Youd – l’enseignant lui expliqua que lorsqu’on trouve ces deux Youd, il s’agit du Nom de D’. L’enfant arriva à la fin d’un verset où figure un double-point, et pensant qu’il s’agissait de deux Youd, dit à voix haute le Nom divin. L’enseignant lui expliqua qu’il ne s’agissait pas du Nom divin, mais de la fin d’un verset. L’enfant s’enquit alors : « Pourquoi, lorsqu’il y a deux Youd au milieu d’un verset, il s’agit du Nom de D’, alors qu’à la fin du verset, lorsqu’il y a deux points, il ne s’agit pas du Nom de D’ ? L’enseignant répondit avec finesse : « La différence, c’est lorsque deux Youd – terme qui ressemble au terme Yiddish de Yidden, des Juifs – sont assis l’un à côté de l’autre dans la paix et l’union, le Nom de D’ est créé, mais à la fin du verset, lorsque les deux Youd ne sont pas assis côte à côte, mais l’un au-dessus de l’autre, comme si l’un se sentait supérieur à l’autre, il ne s’agit pas du Nom de D’. » Le Rabbi de Ropchitz indique qu’il faut interpréter en ce sens le verset : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même » – si tu aimes vraiment ton prochain comme toi-même, dans le sens de l’un assis à côté de l’autre, et non l’un au-dessus de l’autre, alors Moi Hachem – le Tétragramme – réside parmi vous avec l’attribut de compassion. Nous pouvons y trouver une allusion dans le verset de notre paracha mentionnant la Mitsva de prélever le Ma’asser, la dîme. Il s’agit d’une Mitsva où l’on donne son argent à autrui, par amour et désir d’unité, d’où l’emploi des termes : Asser Té’asser, car la lettre Youd représente le chiffre dix, et ce dédoublement de langage est une allusion aux deux Youd assis côte à côte, qui ensemble, forment le Tétragramme. Par le biais de la Mitsva de Ma’asser et de Tsedaka, la sainte Chekhina (Présence divine) réside parmi nous ainsi que l’attribut de miséricorde. Nous avons ainsi droit à la réalisation de la promesse de nos Sages (Chabbath 119a) : « Donne le Ma’asser afin de t’enrichir », et bénéficions d’un influx de richesse matérielle et spirituelle. Chabbath Chalom ! |