« Et (que) vous ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux, qui vous entraînent à l’infidélité. Vous vous rappellerez ainsi et vous accomplirez tous Mes commandements » (Bamidbar 15,39-40).
Lors de l’un de mes voyages en Uruguay, je pris la parole devant un groupe de jeunes garçons et filles, qui remarquèrent que je ne regardais pas les femmes. Stupéfaits, ils me demandèrent : « Les femmes portaient des tenues décentes, pourquoi, rabbi, ne les avez-vous pas regardées ? »
Je leur répondis par une question : « Quel est le pourcentage, dans votre communauté, de couples qui sont heureux en ménage, et combien d’entre eux divorcent-ils ? Ils me répondirent : « il y a près de 60 pour cent de divorces ! » Alors, je leur répondis : « Chez nous, dans notre communauté, à New York, le taux de divorce est assez bas, et cela tient au fait que beaucoup d’hommes ne regardent pas les femmes, à l’exception de celles de leur famille. Cette précaution instille en eux un sentiment de bonheur et de satisfaction, qui rejaillit sur leurs épouses et toute leur famille.»
Ces Juifs uruguayens comprirent la réponse, avec laquelle ils étaient d’accord : le fait de regarder souvent d’autres femmes, en particulier si on les observe de manière à admirer leur beauté – ce qui est interdit par la Tora – constitue une entrave à l’entente conjugale. En effet, l’homme ne sera pas heureux de son sort au côté de son épouse, sera en colère contre elle et se disputera avec elle. C’est particulièrement le cas lorsqu’un homme regarde des femmes impudiques, son épouse commence à le soupçonner de vouloir la tromper, et ainsi, leur vie de famille s’érode au fur et à mesure.
Ces torts importants causés par ces regards étaient déjà présents avant l’ère de la révolution numérique, mais depuis l’épreuve d’internet, les divorces augmentent du fait d’un usage impropre, et cet usage excessif de la technologie constitue la cause de la majorité des divorces.
Les gens passent de longues heures sur ces appareils, au lieu de passer du temps avec leurs enfants et leur conjoint, et cela crée une division et une dissension entre eux. Un récent sondage aux Etats-Unis a demandé à des milliers d’habitants : si vous étiez obligés d’abandonner votre smartphone ou votre famille, lequel des deux abandonneriez-vous ? La majorité répondit qu’ils préféraient abandonner leur famille.
Cela tient au fait que les firmes qui créent les appareils technologiques et leur contenu, investissent beaucoup de réflexion et de fonds dans un but spécifique : attirer le cœur humain et stimuler les désirs vicieux et autres désirs afin de développer une addiction chez l’homme, qui sera lié et incité à regarder encore et encore et qui finira par créer une distance avec son entourage.
Lorsque l’individu passe beaucoup de temps à regarder ces appareils, il ressemble à un alcoolique qui s’abreuve de boissons enivrantes, qui en devient totalement dépendant : il ne peut s’en séparer même s’il remarque les préjudices subis par cette consommation.
Le Midrach Tan’houma (Chemini 11) relate qu’un jour, un homme honorable devint dépendant à l’alcool, et lorsqu’il était ivre, il se roulait dans la boue, dans une grande humiliation dont ses enfants avaient terriblement honte. Mais ces derniers ne parvenaient pas à le pousser à abandonner la boisson. Un jour, ses fils virent un autre alcoolique se rouler dans la boue. Ils firent venir leur père sur la scène, et lui dirent : « Regarde, tu te trouves dans cet état humiliant à chaque fois que tu te saoules. » Ils étaient persuadés que cette scène le pousserait à arrêter de boire, mais le père s’approcha de l’ivrogne et lui dit : « Dis-moi où tu as trouvé cette bonne boisson, car je souhaite aussi m’en procurer…»
Ce phénomène semble se retrouver auprès de ceux qui souffrent de troubles de dépendance à internet. On risque de perdre sa famille de cette manière, on risque également de perdre son travail, lorsqu’on passe son temps sur le téléphone aux heures de travail ; de même, on néglige les Mitsvoth qui nous apportent du bonheur dans ce monde et dans le suivant. Ces individus sacrifient et détruisent tout ce qui a du sens dans leur vie pour un faux sentiment temporaire de satisfaction d’un désir éphémère.
On connaît ce récit : le Gaon rav Yonathan Eibeshitz entra en débat théologique avec le prêtre de Prague. Ce dernier avançait que l’homme était un animal évolué, tandis que le Gaon défendait sa vision de la supériorité de l’homme. Le prêtre décida que quelques mois plus tard, il organiserait une fête pour toutes les personnes cultivées de Prague, au cours de laquelle il pourrait prouver sa théorie.
Le prêtre adopta un chat, qu’il dressa et auquel il apprit à se tenir sur ses jambes et à servir des aliments. A chaque fois qu’il réussissait sa mission, il obtenait une récompense. Le jour de la fête, le prêtre fit entrer son chat qui marchait debout, portant un plateau contenant des aliments, et tout le monde applaudit le prêtre qui avait prouvé que l’on pouvait dresser un animal afin qu’il devienne un homme.
Mais à ce moment-là, le rav Eibeshitz sortit de sa poche une boîte de tabac, dans laquelle il avait caché une souris, et dès qu’il l’ouvrit, l’animal sauta à terre. Le chat, en apercevant la souris, désira aussitôt la manger, et oublia tout ce qu’il avait appris ainsi que toutes les récompenses s’il réussissait sa mission, jeta le plateau et se lança à la poursuite de la souris.
Ce récit met en valeur la nature de l’animal qui ne peut s’empêcher de regarder et de convoiter l’objet de ses désirs. Seul l’homme, en exerçant un contrôle sur sa pensée, a la capacité à se maîtriser. Mais un homme qui se laisse aller à regarder des choses inconvenantes, accroît l’intensité de ses désirs, et ressemble alors à un animal qui oublie tous les bénéfices dont il jouira s’il s’abstient de céder à ses pulsions éphémères.
Hachem nous a mis en garde à ce sujet : « Et que vous ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux, qui vous entraînent à l’infidélité » : ne soyez pas tenté par votre regard qui vous entraîne à agir comme une bête ou un ivrogne, « Vous vous rappellerez ainsi et vous accomplirez tous Mes commandements » : lorsque vous serez vigilants sur ce point, vous aurez à l’esprit qu’une vie conforme à la Tora et aux Mitsvoth vous apportera un bonheur authentique et éternel dans les deux mondes.