Paracha Kora’h : Fuir l’orgueil« Tenez-vous à l’écart de cette communauté. » (Bamidbar 17,10) En l’an 5572/1812, au cours de la guerre de Napoléon, lorsque l’armée française luttait contre l’armée russe, un général français passa par la localité de Volozyn et y séjourna quelques jours. Il avait entendu parler de l’immense sagesse du Gaon rav ‘Haïm de Volozhyn et pensait qu’il valait la peine d’entendre son avis sur le futur vainqueur de la guerre franco-russe. Rav ‘Haïm s’exprima en ces termes envers le général français : « Je vais vous raconter une parabole à laquelle nous pouvons comparer cette question. Un noble se déplaçait dans une carriole tirée par quatre excellents chevaux robustes, des purs sang arabes et italiens. Au cours du voyage, les chevaux s’embourbèrent profondément dans la boue et la carriole s’immobilisa. On les frappa à de multiples reprises, mais ils furent incapables de s’en extraire. Quelque temps plus tard, un fermier passa dans une charrette transportant du foin, tirée par trois chevaux faibles et maigres. Les chevaux du fermier s’embourbèrent également, mais temporairement. Ils commencèrent à sortir de la boue assez aisément et reprirent rapidement la route. Le noble était très étonné, et il demanda au fermier comment ses chevaux avaient réussi à s’extraire facilement de la boue. Et le fermier de répondre : « Il est vrai que vos chevaux sont plus forts que les miens, et vous en avez aussi plus que moi, mais le problème est que ce sont des chevaux de race élevés dans différents pays. Chaque animal a un attribut particulier qui lui confère une supériorité par rapport aux autres, ce qui donne à chaque cheval un sentiment de fierté et de suprématie sur les autres. Chacun d’eux veut mettre en valeur sa force unique, et prendre tout le crédit pour sortir la carriole de la boue. De ce fait, chacun tire dans une direction différente. Mes chevaux, en revanche, sont une mère et ses deux enfants, et sont donc très différents des vôtres. J’ai moi-même élevé ces bêtes qui ont le même tempérament. Ils unissent donc leurs forces, fortement motivés pour suivre mes ordres et sortir la carriole de la boue. Cette volonté et cette force combinées pour exécuter la même tâche et tirer dans la même direction, est ce qui m’assure de passer de bons voyages. » Rav ‘Haïm de Volozhyne conclut ainsi ses propos au général français : « Donc, votre excellence, l’armée française est certes plus grande et plus forte que l’armée russe, mais ils ne possèdent pas l’unité ou l’altruisme pour leur pays qui caractérise les soldats russes. Un grand nombre de soldats et généraux de l’armée française sont des mercenaires issus de divers pays, et ne sont mus par aucun sentiment de patriotisme. Au contraire, chacun d’eux ne recherche que sa propre gloire et son propre honneur, sans aucun projet commun. D’un autre côté, l’armée russe est formée de citoyens patriotiques, totalement soumis à la volonté du tsar russe pour protéger leur mère patrie. Chaque soldat est là pour aider son collègue à gagner la guerre. De ce fait, selon moi, les Français perdent leur temps, leur énergie et leurs ressources à tenter de vaincre l’armée russe. Au final, les Français rentreront chez eux, honteux et vaincus. » Nous pouvons en tirer la leçon suivante : l’orgueil cause du tort à l’homme, car même lorsque des hommes forts sont dotés d’un but commun, ils ne peuvent rien obtenir, car chacun d’entre eux veut dépasser l’autre, et de ce fait, tout le monde est perdant au final. À ce sujet, on relate qu’un jour, une grande controverse éclata dans une localité de Galicie entre deux factions de Juifs orthodoxes et chaque partie présenta un candidat pour se présenter au poste de grand-rabbin. En conséquence, les mouvements réformés réussirent à faire élire leur candidat, en dépit du fait qu’ils constituaient une minorité dans la ville. Lorsque le rav et auteur du Divré Ye’hezkel de Sinawa fut informé de l’incident, il répondit : « Pendant très longtemps, j’ai eu du mal à comprendre le verset (Devarim 17,15) » C’est un de tes frères que tu dois désigner pour ton roi ; tu n’auras pas le droit de te soumettre à un étranger. » Pourquoi la Tora doit-elle nous avertir dans ce domaine, personne n’aurait l’idée de choisir comme souverain du peuple d’Israël un non-juif ?! Or, en cas de controverse, chacune des parties préfère porter son choix sur un candidat non-juif, à condition que leur adversaire ne soit pas élu.» Un jour, rabbi Yossef Bèr de Brisk fut invité dans une ville pour trouver un compromis sur une grave controverse au sujet des élections pour le rabbinat. Le Gaon remarqua qu’en raison de la focalisation sur la controverse, les besoins de la collectivité étaient relégués au second plan et négligés. Le Gaon leur dit alors : « Il est écrit dans la paracha de Bahaalotekha que lorsque le peuple d’Israël se plaignit à Moché en réclamant de la viande, D’ dit à Moché : « Assemble-moi soixante-dix hommes parmi les Anciens d’Israël. » Or, quel est le rapport entre les deux ? Réponse : lorsqu’ils devront se consacrer à l’élection des soixante-dix anciens, ils oublieront tous leurs besoins. » Nous relevons également ce phénomène dans la controverse de Kora’h, qui avait rallié à sa cause les membres de la tribu de Reouven, ainsi que deux cents cinquante notables du peuple qui cherchaient à s’attribuer la grandeur pour eux-mêmes. Ainsi la Midat Hadin, l’attribut de rigueur, les frappa et ils quittèrent ce monde, en perdant tout. À ce sujet, nos Sages ont dit (Avoth 5,17) : « Toute controverse qui n’a pas pour vocation d’être pour le Ciel ne perdurera pas, comme la controverse de Kora’h et de sa faction. » C’est ce que D’ prescrit de dire aux enfants d’Israël qui furent témoins de la controverse de Kora’h : « Tenez-vous à l’écart » : éloignez-vous véritablement « de cette communauté », de la leçon que vous tirez de la faction de Korah. Vous avez remarqué que ceux qui voulaient se hisser au-dessus des autres avec dédain et un esprit de contestation finissent pas chuter et à subir des humiliations. Seule l’humilité, alliée à l’unité, peut permettre à l’homme de s’élever et d’avancer dans la vie. Chabbath Chalom ! |