Paracha Vayigach : exercer une maîtrise de soi
« Or, Yossef était celui qui distribuait le blé à tout le pays » (Beréchith 42,6)
On raconte que lorsque rabbi Mordekhaï de Tchernobyl contracta sa dernière maladie et que le moment était venu pour lui de quitter ce monde, il demanda à être accompagné dans la localité de Kyjov. Lorsqu’en chemin, ils parvinrent au village de Hnativka, il exprima à ses accompagnateurs son désir de rester sur place pour y décéder, souhaitant être enseveli à côté de la tombe d’un jeune homme, enterré au cimetière de ce village. Il vit, par esprit prophétique, qu’une grande lumière émanait de ce lieu. Le rabbi décéda et on l’enterra sur place, conformément à ses dernières volontés.
Lorsque les ‘Hassidim prirent des renseignements sur le jeune homme auprès des résidents de la ville, ils relatèrent qu’il avait été couturier et était d’une beauté inégalée. Un jour, il cousait des vêtements chez un dirigeant haut-placé de la ville qui avait une fille unique. Lorsque celle-ci l’aperçut, elle le désira, et insista auprès de lui afin qu’il vienne chaque jour dans sa chambre. Le jeune homme rétorqua qu’il était juif et qu’il ne pouvait transgresser les Mitsvot de Hachem.
Voyant qu’il ne cédait pas à ses avances, elle tomba gravement malade, tant elle était prise de désirs, et raconta à son père le motif de sa maladie. Lorsque son père s’aperçut de son immense détresse, il convoqua le jeune homme chez lui. Il le fit entrer dans la chambre où la jeune fille, vêtue de manière indécente, était allongée et ferma la porte derrière lui. Elle tenta par tous les moyens de le séduire, en lui expliquant que s’il cédait à ses désirs, son père l’enrichirait considérablement et il vivrait une vie heureuse, mais le jeune homme tourna son visage vers le mur et refusa de la regarder et de lui parler.
La jeune fille vit qu’il ne se plierait en aucune façon à sa volonté, et consumée par le désir qui brûlait en elle, elle mourut sur le champ. Lorsque le père ouvrit la porte et vit que sa fille unique était décédée, il se jeta sur le jeune homme et l’assassina. Son âme s’éleva alors dans la pureté au ciel.
Lorsque les ‘Hassidim de Tchernobyl entendirent cette histoire, ils comprirent pourquoi leur maître avait perçu une grande lumière au lieu de sépulture où reposait le corps pur de ce jeune homme. Il était certes un jeune homme simple, mais il mérita que son âme atteigne un niveau très élevé, ayant surmonté une si grande épreuve.
Ce jeune homme avait subi une épreuve particulière : le Yétser Hara’ l’avait induit à penser qu’il devait avoir pitié de la jeune fille qui était malade d’amour, en se conduisant avec elle avec bonté, pour répondre à un minimum à sa demande, accomplissant ainsi la Mitsva de ‘Hessed. Ainsi, il pourrait la guérir de sa maladie. Mais le jeune homme surmonta l’épreuve, ne céda pas et ne compromit pas sa sainteté.
À ce sujet, la Guémara (Sanhédrin 75a) relate une histoire d’un homme très lascif, qui porta son désir sur une femme au point d’en tomber malade. Des psychologues affirmèrent qu’il ne pourrait guérir sans satisfaire son désir, mais les Sages répliquèrent qu’il était impossible de transgresser les relations interdites, même au risque qu’il en meure. En effet, la faute des relations interdites fait partie des trois fautes graves que l’on ne transgresse même pas en cas de danger de mort. Les médecins suggérèrent de le laisser satisfaire une partie de son désir, mais les Maîtres s’y opposèrent avec virulence, affirmant qu’on ne pouvait enfreindre ces lois pour satisfaire le désir immoral d’un homme.
Le Midrach (cité par Rachi dans Sanhédrin 31b) relate la fin de cet homme. On lui parla longuement, en lui expliquant qu’il devait méditer sur l’idée qu’il ne valait pas la peine de perdre son monde futur pour un plaisir éphémère. L’homme se renforça, se domina et guérit ; il devint un Ba’al Techouva. Les Sages de sa génération témoignèrent qu’une grande lumière de sainteté, venue du Ciel, l’enveloppait au niveau de la tête, par le mérite d’avoir surmonté son mauvais penchant. Il s’éleva jusqu’à devenir un grand Sage de sa génération, un Amora nommé dans la Guemara Mar Oukva.
Nous en déduisons combien il est important d’exercer une vigilance dans ce domaine, en évitant de suivre les conseils des psychologues qui incitent les hommes à commettre des fautes en invoquant la compassion. Retenons que selon la Tora, il est interdit d’éprouver de la compassion pour céder au désir de quelqu’un lorsque cela va à l’encontre de la volonté du Créateur.
Rappelons par exemple les propos de rabbi Eliézer Tsvi de Kamarna dans son ouvrage Zaken Béto : le Ba’al Chem Tov avait l’usage de ne pas accueillir les groupes de mendiants qui rôdaient d’une ville à l’autre, expliquant qu’il était interdit d’avoir pitié d’eux. En effet, ces mendiants nomades, à son époque, commettaient de graves fautes en chemin, et en leur donnant de l’argent, on les aidait à poursuivre leur mode de vie licencieux.
En effet, le plus grand geste de bonté est d’empêcher l’homme de satisfaire ses désirs pervers, en lui offrant un bienfait éternel pour son âme. C’est également un grand bienfait dans ce monde-ci, où il évite ainsi d’être sanctionné dans sa subsistance et échappe à d’autres sanctions. Il bénéfice également d’une tranquillité d’esprit, comme l’indiquent nos Sages (Soucca 52b) en citant un principe : « S’il l’affame, il est satisfait ; s’il le satisfait, il est affamé » : lorsque l’homme tente de satisfaire un désir, cela suscite une faim et un désir incontrôlable de le poursuivre incessamment, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il a l’usage d’exercer une maitrise sur son penchant, dans ce cas, il est rassasié, et bénéficie d’une vie heureuse, comme nous l’avons vu avec l’exemple de Mar Oukva.
Yossef Hatsadik vécut une épreuve similaire, comme l’indique le Midrach : l’épouse de Potiphar tomba malade, tant elle désirait Yossef, elle l’implora d’avoir pitié d’elle et de céder à ses désirs, mais il s’enfuit. Il devint ainsi un exemple, pour les Bené Israël, de préservation de la sainteté en Égypte.
C’est à ce sujet que le verset dit : «Or, Yossef était celui qui distribuait le blé à tout le pays » : le Tsadik qui ne cède pas à ses désirs immoraux, est celui qui apporte une véritable satiété au niveau du corps et de l’esprit.
Chabbath Chalom !