« Car c’est pour le salut que Elokim m’y a envoyé avant vous » (Beréchit 45,5).
Mon vénérable ancêtre, rabbi Eliézer Tsvi de Kamarna, mentionne dans son ouvrage Zakèn Bétho, un récit au nom de son père, rabbi Yits’hak Eizik de Kamarna, datant de l’époque du Maguid, rabbi Dov Béer de Mézéritch.
Un jour, un homme en quête d’une grande délivrance se rendit chez le Maguid de Mézéritch. Après l’avoir écouté, le Maguid lui dit : « Je ne peux pas apporter de délivrance dans ce domaine, mais dans cette ville, se trouve M. untel, qui pourra s’en charger. »
Et le Maguid poursuivit : « Cet homme est un grand alcoolique, il boit tellement au point qu’il est toute la journée allongé dans les rues de la ville, comme un clochard. De ce fait, lorsque tu arriveras sur place, tu devras venir de bon matin, avant la prière de Cha’harith, au moment où il n’a pas encore bu d’alcool. Attends la fin de sa prière, aborde-le aussitôt, décris-lui la situation qui nécessite une délivrance, et demande-lui une Berakha afin que Hachem te sauve. Ce qu’il te dira se réalisera sans doute. »
L’homme suivit les recommandations du Maguid. L’homme ivre le bénit afin que Hachem lui accorde Son aide immédiatement. Il fut exaucé et vit une grande délivrance.
Après avoir expérimenté une grande délivrance, notre homme retourna chez son maître, le Maguid de Mézéritch, pour lui demander une explication et exprimer son étonnement : « Comment un tel homme pouvait-il contribuer à obtenir une telle délivrance, tandis que le Maguid n’en était pas capable ?»
Le Maguid accéda à sa requête et fit le récit de cet alcoolique : « C’était un homme très aisé, qui commit de très graves fautes. Il commit tous les péchés possibles, que D’ nous en préserve. Il apprit un jour qu’en un certain lieu, se trouvait une très belle femme pécheresse, qui avait l’usage d’exiger quatre cents pièces d’or de tout homme qui voulait commettre une faute avec elle. Lorsque l’homme l’apprit, son Yétser Hara’ s’enflamma, et il réunit aussitôt la somme nécessaire des 400 pièces d’or. Il monta dans sa calèche et partit à toute allure pour commettre cette faute. En chemin, il aperçut un Juif que des non-Juifs avaient enchaîné à des chaînes de métal aux bras et aux jambes. Il l’interrogera sur le motif de son arrestation. Le Juif lui répondit qu’il était locataire d’une taverne appartenant à un seigneur et qu’il n’avait pas été en mesure de payer la location de la taverne pendant trois ans ; il lui restait à payer quatre cents pièces d’or. De ce fait, le seigneur avait décrété de le jeter en prison. En entendant ces propos, notre homme réussit à faire taire son Yétser Hara’, et décida de renoncer à la faute qu’il avait tant désirée. Il prit les 400 pièces d’or qu’il avait emportées avec lui pour commettre cette faute et les transmit aux non-juifs, envoyés du seigneur, qui libérèrent le Juif.
« Ce geste provoqua aussitôt une grande agitation dans le ciel : un homme animé d’un tel désir s’était surpassé en éteignant son désir intense. Il avait causé ainsi un grand plaisir au Créateur, loué soit-Il. Pour le récompenser, Hachem lui accorda un grand pouvoir d’exaucer les prières. L’homme entendit une proclamation dans le ciel : pendant toute sa vie, toutes les Berakhoth qu’il donnerait seraient aussitôt exaucées.
« Lorsque le tribunal céleste vit cela, un problème se posa : comment cet homme pouvait-il posséder un tel niveau, alors qu’il ne comprenait pas la Tora ni le service divin, et dans le même temps, il serait en mesure d’annuler tous les décrets du Ciel ?
« On trancha, dans le tribunal céleste, que la volonté de Hachem pour cet homme se réalise, et qu’on ne pouvait absolument pas lui retirer cette faculté, mais cet homme devra être humilié et alcoolique toute sa vie, afin que personne ne soit au courant et que tous fuient cet homme de niveau inférieur et aient honte de lui adresser la parole. C’est en effet ainsi que les choses se déroulèrent. »
Le Maguid de Mézéritch conclut son récit : « Comme j’étais au courant de cette histoire et n’étais pas en mesure de t’apporter une délivrance dans ton domaine, je t’ai envoyé chez lui.»
Nous déduisons de ce récit la valeur d’un Juif qui brise ses désirs et ses velléités dans le but de se plier à la volonté du Créateur. Par ce mérite, il obtient un très grand salaire, mesure pour mesure. Hachem transforme Sa volonté pour exaucer la volonté d’un Juif dans sa prière. Comme il est dit (Pirké Avoth 2,4) : « Fais de Sa volonté la tienne, afin qu’Il fasse de ta volonté la Sienne. Efface ta volonté devant la Sienne, de sorte qu’Il élimine la volonté des autres face à la tienne.»
Il est rapporté au nom des Tsadikim qu’au moment où l’homme se trouve dans une situation d’épreuve dans le domaine de la préservation du regard, etc. et qu’il se renforce dans son épreuve, c’est un moment très propice pour exaucer ses prières dans tous les domaines.
Nous pouvons en déduire que tel est le sens des propos de Yossef Hatsadik : « Car c’est pour le salut que D’ m’y a envoyé avant vous » : Hachem, loué soit-Il, envoya Yossef en Égypte, et le mit à l’épreuve avec l’épouse de Potifar, pour que par le mérite de son dépassement, sa Tefila puisse être exaucée : sa récolte ne pourrira pas pendant les années de famine, ce qui allait à l’encontre de la nature, comme l’indiquent les Pirké de-rabbi Eli’ézer (chap. 38). Cette délivrance matérielle se doubla également d’une nourriture spirituelle pour les générations à venir. Nous apprenons de là la grandeur d’un homme qui surpasse son Yétser Hara’, combien sa récompense est grande.
Chabbath Chalom !
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Absolument magistral, Merci pour cette leçon.