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« À l’endroit où l’on doit immoler l’holocauste, on immolera le délictif» (Vayikra 7,2). Le mauvais penchant fonctionne de telle sorte qu’il incite chacun à chercher activement des défauts chez les dirigeants spirituels juifs pour parvenir à la conclusion suivante : à notre génération, nous n’avons pas de grands maîtres en Tora, ni de Tsadikim. Ils décident ainsi qu’ils n’ont personne auprès de qui prendre conseil, ils se découragent et se détachent du judaïsme. Ils choisissent ainsi de mener leur existence au gré de leurs pulsions, et attribuent tous leurs défauts à l’absence de dirigeant spirituel digne de ce nom. Dès lors, les Tsadikim et les maîtres en Tora sont l’objet de railleries et de ce fait, leur avis n’est plus pris en compte, comme l’expliquent nos Sages (Chir Hachirim Rabba 1,21) : une seule raillerie repousse cent réprimandes. Le Ba’al Chem Tov évoque ceux qui s’expriment avec mépris sur les hommes vertueux, à propos desquels il est dit (Tehilim 55,21) : «[Le perfide !], il porte la main sur ses amis, il viole son alliance » : celui qui «porte la main sur les Tsadikim», c’est-à-dire les hommes craignant D’, c’est un signe évident qu’il a « violé son alliance.» Le Rambam s’exprime sur la Mitsva de Brit Mila, qui affaiblit les pulsions, et explique que si un homme médit des Tsadikim, c’est le signe qu’il « a violé son alliance » et n’a pas surmonté la tentation, et de ce fait, il balaie le pouvoir des Tsadikim afin de justifier sa position de refus de leurs réprimandes. Nos Sages (‘Houlin 63b) expliquent qu’une certaine volaille, le Raa (faucon – notre illustration), porte ce nom pour indiquer qu’elle a excellente vision de loin (Raa a la même racine que le terme Réiya, vision). Elle se trouve à Bavel et aperçoit une Nevéla (carcasse d’un animal cacher qui n’a pas été abattu conformément à la halakha et est interdit à la consommation) en Erets Israël. Les commentateurs s’interrogent : pourquoi l’allégorie porte-t-elle sur Bavel et Erets Israël ? Le Ba’al Chem Tov répond que le nom de Bavel a la même étymologie que le terme Bilboul (confusion) et qu’Erets Israël fait allusion aux Tsadikim, aux hommes saints et à la sainteté d’Erets Israël. De manière allégorique, nos Maîtres font ici allusion à un homme qui est confus et plongé dans les vanités de ce monde, et repère une Nevéla, un défaut chez des Tsadikim. C’est uniquement du fait qu’il est plongé dans le monde de la matière qu’il a l’impression de déceler un défaut chez le Tsadik. On observe ce phénomène également dans les communautés juives : si l’un de ses membres commence à s’élever en termes de spiritualité, il fait aussitôt l’objet de critiques et d’humiliations, et plus il progresse dans ce domaine, plus il est la cible d’attaques qui visent ses soi-disant défauts : un jour, il s’est conduit d’une telle façon et une autre fois, il s’est exprimé de telle façon répréhensible à leurs yeux, au point qu’ils finissent par affirmer que c’est une Mitsva de s’éloigner de lui et qu’il est interdit de s’attacher à lui. Dans le même temps, il se peut que ces hommes aient un ami qui s’est perverti, dont il aurait fallu s’éloigner, mais si on leur pose des questions sur cet homme, ils le défendent en dépit de tous ses défauts, en avançant qu’il est néanmoins doté d’une qualité et que certains sont pires que lui, etc. Or il convient d’adopter la conduite inverse : lorsqu’on voit un ami s’élever dans le domaine spirituel, il faut le complimenter et l’encourager à poursuivre dans cette voie autant que possible. Si l’on raille sa conduite, sa progression spirituelle risque d’être entravée. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un homme qui a commencé à se dévoyer, il faudra condamner la faute par tous les moyens et se servir même de la raillerie pour fustiger la conduite des fauteurs, car cette forme de moquerie est autorisée, comme l’indique la Guemara de Meguila. La moquerie a été créée dans ce but, car par ce biais, il est possible de faire Techouva en méditant sur la honte de la faute. Lorsque l’occasion se présente, il faut raconter aux enfants des anecdotes où les fauteurs sont épinglés, dans l’esprit du verset (Chemoth 10,2) : « Et afin que tu racontes à ton fils, à ton petit-fils, ce que J’ai fait aux Égyptiens. » On raconte à ce sujet une anecdote au sujet de l’illustre Maguid de Jérusalem, le Gaon Rabbi Chalom Schwadron : au début de sa carrière, des hommes se plaignirent à lui que sa méthode de communiquer des messages de Moussar (éthique juive) par le biais du rire était erronée, et il se remit alors en question. Il se rendit à Bné Brak pour poser la question au ‘Hazon Ich zatsal. Celui-ci lui demanda de lui répéter ses discours. Le Rav Schwadron lui exposa pendant vingt minutes un extrait de son discours et au terme de celui-ci, le ‘Hazon Ich lui répondit : « Il est bien que tu t’exprimes de cette façon, si d’autres personnages comme toi avaient vécu à la période de la Haskala, ils auraient réussi à torpiller leur réussite. » Cette remarque est particulièrement valable à notre époque où les plaisanteries fusent contre les hommes animés de crainte du Ciel. Il est indispensable de lutter contre ce phénomène en utilisant cet outil en notre faveur. Le Rav et auteur du ‘Hidouché Harim, l’Admour de Gour, commente les propos de nos Maîtres (Sota 49b) : « À l’époque précédant la venue du Machia’h, l’insolence sera prédominante » : ce sera aussi bien un bienfait qu’un méfait, et autant l’homme pourra facilement employer l’insolence à mauvais escient, il pourra également en faire un usage positif, en accomplissant des Mitsvot avec un feu sacré. En effet, D.ieu n’envoie pas d’épreuve à un homme qui n’est pas en mesure de la surmonter. Ainsi, dans le verset de notre Paracha, le Saint béni soit-Il demanda à Moché Rabbénou de communiquer cet enseignement fondamental aux futures générations : « À l’endroit où l’on doit immoler l’holocauste » : au lieu d’immoler l’homme qui progresse dans la sphère spirituelle en se moquant de lui : « on immolera le délictif » : on se servira de la moquerie pour immoler, c’est-à-dire pour condamner la faute. Chavoua tov
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