« Partis de Refidim, ils entrèrent dans le désert de Sinaï et y campèrent, Israël y campa en face de la montagne » (Chemoth 19,2).
Lorsque j’étudiais dans ma jeunesse à la Yéchiva de Belz à Jérusalem, auprès de mon maître et rav, rabbi Aharon de Belz (notre photo), que son mérite nous protège, je fus contraint de rentrer chez mes parents à New York à l’époque où des tensions régnaient lors de la guerre du Sinaï en 1955. Je demandai à mes amis restés à la Yechiva de m’envoyer des lettres sur pour me tenir informé de la vie à la Yechiva auprès de mon maître et rav.
À cette époque, je reçus une lettre de mon ami, rav Biniyamin Wolf zatsal, où il mentionna un Dvar Tora entendu chez le rabbi de Belz lors de la veillée de Chavou’oth. Il est écrit : « Partis de Refidim, ils entrèrent dans le désert de Sinaï. » Rachi écrit à ce sujet : « C’est pour assimiler leur départ de Refidim à leur venue dans le désert de Sinaï : de même que celle-ci s’est faite dans le repentir, de même celui-là s’est-il fait dans le repentir. » Mon maître expliqua que son père, rabbi Yissakhar Dov zatsal, s’interrogea : d’où sait-on que leur départ dans le désert du Sinaï s’est fait dans le repentir ?
Notre maître répondit en ces termes : « On peut dire simplement, à propos du verset : « Israël y campa en face de la montagne. » Rachi commente : comme un seul homme, d’un seul cœur, autrement dit, c’est l’union du peuple d’Israël, qui est la meilleure Techouva.»
Il faut éclaircir davantage ces propos : en effet, pourquoi l’union du Klal Israël est-elle la meilleure techouva ?
La plus grande faute des Bené Israël en Égypte était la controverse. Ils étaient plus faibles sur ce point que les autres nations. Généralement, lorsqu’un malheur collectif affecte une nation, ceux qui sont en désaccord s’unissent et deviennent des frères qui s’aident les uns les autres, comme il est dit (Michlé 17,17) : « Il est naturellement un frère dans le malheur. » Mais les Bené Israël en Égypte vivaient certes la difficulté de l’esclavage, mais malgré tout, le Satan réussit à créer des dissensions.
Lorsque Moché rabbénou aperçut deux Juifs se disputer, l’un d’eux leva la main pour frapper son frère. Suite à son intervention, Moché apprit par la suite qu’il le dénonçait aux autorités, et le verset dit (Chemoth 2,14) : « Moché prit peur et se dit : « En vérité, la chose est connue ! » Rachi commente au nom du Midrach : « Moché prit peur, à l’idée qu’il y avait en Israël des « scélérats » et des délateurs, et il s’est interrogé : ‘Peut-être ne méritent-ils pas d’être délivrés ! » « En vérité, la chose est connue » : l’énigme qui me tourmentait est maintenant résolue : en quoi Israël a-t-il fauté plus que l’ensemble des 70 nations pour être accablé sous une servitude aussi cruelle ? Je m’aperçois qu’il le méritait. »
Le Kli Yakar (Chemoth 3,2) explique que c’est la raison pour laquelle Hachem montra alors à Moché rabbénou un buisson ardent, pour leur indiquer que c’est en raison de cette faute que les enfants d’Israël avaient été exilés en Égypte, car même lorsque le feu des malheurs se consume autour d’eux, ils se conduisent entre eux comme le buisson, composé uniquement de ronces, qui se lancent des piques et se font mal, à l’instar des ronces.
Le facteur principal de ces polémiques intenses entre Juifs est généralement les avis divergents. C’est un effet un peuple intelligent et chacun a un avis sur bon nombre de sujets. Mais cela ne doit pas conduire à une division. Chacun doit comprendre que Hachem a créé les hommes avec des avis et des natures différentes. Tout comme leurs visages sont différents, de même leurs avis sont différents. Tout comme on n’éprouve pas de haine pour quelqu’un doté d’un visage différent, de même, on ne doit pas le détester s’il a un avis différent du nôtre.
À ce sujet, on raconte que rabbi Mordékhaï Chelomo de Boyan zatsal participait un jour à un congrès de rabbanim sur des sujets liés à la collectivité et une grande controverse éclata entre les rabbanim. Il déclara alors : « Il peut y avoir entre nous des avis divergents, mais la désunion est interdite. » Il ajouta au nom de son ancêtre, rabbi Avraham Yaakov de Sadigora zatsal : nous en avons une allusion dans la Mitsva des Tefilinnes : dans le tefilinne de la tête, qui est en face du cerveau, on pose les quatre parachiyoth dans quatre boîtes différentes. En effet, le cerveau peut contenir des avis distincts parmi le peuple juif, mais pour le tefilinne du bras, stué en face du cœur, il faut tout placer dans une seule boîte, pour indiquer que pour le cœur, il est impératif de conserver l’unité, d’être comme un seul homme doté d’un seul cœur.
Le fait que l’on puisse passer de la divergence d’avis à la désunion est à mettre sur le compte de la fierté, qui conduit l’homme à penser que son intelligence est supérieure aux autres, et que seul son avis est pertinent. De ce fait, il s’efforce par tous les moyens de contraindre les autres à soumettre leur avis au sien, et déteste toute personne qui ne se plie pas à lui, et cela crée de multiples dissensions, comme l’affirment nos Sages (Sota 47b) : « Lorsque l’arrogance s’intensifie, les polémiques s’intensifient parmi le peuple juif. »
De ce fait, lorsque Hachem eut pitié de Son peuple et le fit sortir d’Égypte, Il fit venir, au début la guerre, Amalek, pour leur faire abandonner cette faute. La guerre les a unis pour combattre ensemble leur ennemi commun. De plus, le danger de la guerre a vaincu la fierté dans leur cœur et les a fait prendre conscience qu’on ne peut se reposer que sur notre Père au ciel. Ainsi, nos Sages ont affirmé que dans la guerre contre Amalek, ils ont soumis leur cœur à leur Père céleste.
À ce sujet, le verset dit : «Partis de Refidim, ils entrèrent dans le désert de Sinaï » : lorsqu’ils sont partis de Refidim où se déroula la guerre contre Amalek, ils se rendirent dans le désert du Sinaï en ayant opéré un repentir complet sur la faute de la controverse, « et y campèrent » : comme un seul homme, d’un seul cœur. C’est à ce moment-là uniquement qu’ils eurent le privilège de recevoir la Tora et d’entrer en Erets Israël.
Chabbath Chalom !