«Avraham retourna vers ses serviteurs ; ils se remirent en route ensemble pour Béer Chéva » (Beréchit 22,19).
Un jour, un commerçant rendit visite à rabbi Yisraël Its’hak d’Alexander, en se plaignant qu’il possédait un magasin, mais qui ne lui suffisait pas à subvenir à ses besoins. Le rabbi comprit dans sa manière de parler qu’il ouvrait également son magasin le Chabbath, et il lui dit : « Si tu acceptes de me prendre comme associé à raison de 12% des bénéfices, sans que j’investisse quoi que ce soit, je te promets que tu gagneras ta vie. » L’homme accepta volontiers la proposition du rabbi. En effet, il existe une segoula célèbre selon laquelle la participation d’un homme vertueux dans un commerce apporte la réussite, par le mérite du Tsadik. Tous deux signèrent aussitôt un contrat de partenariat en bonne et due forme.
Le rabbi déclara ensuite : « Étant donné que désormais, un septième de ce commerce m’appartient, je choisis le jour du Chabbath. Les revenus de ce jour m’appartiendront, tandis que ceux des six jours restants seront les tiens. J’exige donc que tu fermes le magasin le Chabbath, qui est mon jour. »
L’homme saisit la pensée profonde du rabbi, qui voulait le mettre face à son erreur et lui faire comprendre qu’il devait respecter le Chabbath. En effet, pour la segoula de l’association avec le rabbi, il était d’accord de renoncer à 1/7ème de ses revenus, dans l’espoir que par ce mérite, il réussirait et obtiendrait davantage qu’1/7ème des bénéfices ; à plus forte raison vaut-il la peine pour lui d’agir ainsi pour la Mitsva du Chabbath, source de toutes les Berakhot et par là, de gagner bien davantage. Dès lors, il ferma sa boutique le Chabbath, et la Berakha résida dans ses affaires.
Il est louable d’expliquer à chaque Juif qui ne respecte pas le Chabbath correctement, que le Chabbath est la source de la Berakha qui apporte à l’homme la richesse et le bonheur. Plus l’homme respecte et honore le Chabbath, plus les bénédictions dont il bénéficie sont abondantes. En revanche, un Juif qui profane le Chabbath, même s’il semble gagner beaucoup, ne conserve rien de ce qu’il a gagné en ce jour saint, car il perd cet argent de diverses façons.
S’il est question d’une abondance matérielle, à plus forte raison le respect du Chabbath apporte une récompense éternelle dans le monde futur ; l’homme regrettera beaucoup dans le monde supérieur de n’avoir pas respecté le Chabbath, en constatant combien il a perdu dans ce sillage dans ce monde et dans le suivant.
À ce sujet, le rabbi et auteur du Ba’al Ohev d’Apta mentionne une remarquable allégorie :
un riche seigneur perdit un jour toute sa fortune, au point qu’il fut contraint de mendier. Un jour, il cheminait par une grande forêt et aperçut une montagne couverte de jolies pierres précieuses. Il prit dans son sac quelques-unes de ses pierres. Mais comme il marchait à pied, son sac pesait lourd et il décida de le délester en jetant quelques pierres, et tout au long du chemin, il jeta des pierres.
Sorti de la forêt, il arriva dans une localité et passa la nuit chez un pauvre enseignant de Tora. Il s’aperçut qu’il ne lui restait dans le sac qu’une petite pierre, mais il ne trouva même pas une pièce et il s’excusa profusément auprès de l’enseignant de n’avoir pas d’argent pour payer sa nourriture.
Lorsque l’enseignant vit la pierre précieuse, il lui dit : « Écoute mon conseil, je vais t’accompagner chez un marchand de pierres précieuses ici, car d’après moi, cette pierre vaut beaucoup d’argent. » Ils montrèrent la pierre au commerçant, qui déclara qu’elle avait beaucoup de valeur et qu’il était prêt à en donner mille pièces d’or.
Lorsque l’homme entendit le prix faramineux de cette pierre, il se jeta au sol et s’arracha les cheveux : « J’avais vu beaucoup de pierres précieuses, mais comme je n’avais pas estimé leur valeur, je n’en ai pris que quelques-unes, que j’ai jetées en chemin, pensant que ça ne valait pas la peine de se fatiguer pour cela. »
La leçon : un homme qui arrive après cent-vingt ans au tribunal céleste avec une seule Mitsva, lorsqu’il verra combien il est récompensé pour cette Mitsva, aura beaucoup de regrets d’avoir manqué d’accomplir les autres Mitsvoth dans ce monde.
D’après cette parabole, le rabbi d’Apta explique le Midrach Pelia qui s’exprime ainsi : le peuple d’Israël ignore le salaire qui les attend pour le nettoyage des chaussures la veille de Chabbath, comme il est dit (Chir Hachirim 7,2) : « Que tes pas sont ravissants dans tes brodequins », et comme il est dit (Yechayahou 22,12) : « En ce jour, ce à quoi vous invite le Seigneur, D.ieu-Tsévakoth, c’est à pleurer, à vous lamenter. » Cela s’explique ainsi : lorsque l’homme verra le salaire important qui lui sera accordé pour une petite Mitsva comme celle du nettoyage des chaussures en l’honneur du Chabbath, il pleurera et se lamentera de n’avoir pas davantage déployé d’efforts pour respecter et honorer le mieux possible le Chabbath et les autres Mitsvoth de la Tora.
Nous en avons ici une allusion dans la paracha de la ‘Akéda (sacrifice de Yits’hak) : l’ange de Hachem annonça la récompense pour une Mitsva effectuée avec abnégation, à l’encontre de la nature, par lesquelles on mérite toutes les Brakhot mentionnées dans la Torah, comme il est dit : Il dit : « Je jure par moi-même, a dit l’Éternel, que parce que tu as agi ainsi, parce que tu n’as point épargné ton enfant, ton fils unique », alors : «Avraham retourna vers ses serviteurs ; ils se remirent en route ensemble pour Béer Chéva » : le nom de Béer Chéva (sept puits) fait allusion au septième jour, Chabbath Kodèch, le puits à partir duquel on puise des Berakhoth. Ainsi, même les jeunes serviteurs qui délaissaient les Mitsvoth partirent ensemble pour respecter le Chabbath à l’encontre de l’instinct naturel de l’homme, et par ce mérite, ils bénéficièrent de tous les influx positifs.
Chabbath Chalom !
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