«Voici maintenant la règle de l’offrande délictive : c’est une sainteté de premier ordre » (Vayikra 7,1).
On raconte une histoire à propos de rabbi Yo’nathan Eibeshitz : un jour, il se trouvait pendant les Jours redoutables dans une certaine ville. Une pensée le tarauda alors : comment pourrait-il trouver un lieu de prière dirigé par un homme craignant le Ciel, dont la prière émanerait du plus profond de son cœur ?
Rabbi Yonathan entra dans une synagogue, et aperçut un Juif qui semblait répondre à ses souhaits. Il s’approcha du gabaï, à qui il demanda une place à côté de cet homme, qui pleurait le cœur brisé. Le gabaï accéda à sa demande, et fixa sa place dans le Beth Midrach à côté de ce Juif.
La veille de Yom Kippour à la prière de Min’ha, rabbi Yonathan entendit l’homme à ses côtés crier et pleurer le cœur brisé en déclarant : « Je ne suis que poussière de mon vivant. » Rabbi Yonathan fut très content de mériter d’être assis, pendant la Tefila, aux côtés d’un homme doté de crainte du Ciel et d’une grande humilité.
Or le lendemain, au moment de la lecture de la Tora, on fit monter ce même Juif à la Tora, et il jugea qu’on lui proposait une Aliya (montée à la Tora) pas assez importante. On lui donna la quatrième montée et non la troisième. Il monta sur l’estrade et s’emporta contre les Gabaïm : « Comment est-ce possible ? Pourquoi m’humilie-t-on et ne m’accorde-t-on pas de montée honorable ?!»
Lorsqu’il retourna à sa place, rabbi Yonathan l’interrogea : « Comment est-ce possible ? Je voulais me mettre à côté de vous, car je vous ai vu prier le cœur brisé, du fond du cœur et criant : « Je ne suis que poussière de mon vivant », et au final, pour un honneur fictif, vous poussez de tels cris ?! »
L’homme répondit alors : « Lorsque j’ai dit dans la prière, que je ne suis que de la poussière, je m’adressai alors à Hachem, et à l’égard de D’, je suis en effet de la poussière et de la cendre, mais non à l’égard d’un homme inepte comme ce misérable Gabaï !»
À ce sujet, on raconte que rabbi Yits’hak Kalish de Warka se rendit à Lublin pour participer à la Brit Mila de l’arrière-petit-fils de rabbi Mechoulam Zalman Ashkenazi, rav de Lublin. Au moment de la cérémonie, les ‘Hassidim s’adossèrent les uns les autres, pour pouvoir voir et entendre mieux. Le rabbi déclara : « Chaque Juif est un Séfer Tora, et il est interdit de s’adosser sur un Séfer Tora. »
Rabbi Guetsel de Lublin, petit-fils du ‘Hakham Tsvi, fit une remarque à ce sujet : « Si chaque Juif est un Séfer Tora, c’est une Halakha explicite qu’il est permis de poser un Séfer Tora sur un autre » (responsa Yoré Dé’a). Le rabbi lui répondit : « Oui, tout à fait, mais chaque Juif doit réfléchir uniquement à son prochain, en le considérant comme un Séfer Tora, et non se considérer supérieur et mépriser l’honneur de son prochain. » Lorsque le rav de Lublin entendit cela, il déclara : « Si je suis venu pour entendre uniquement cela, c’est suffisant. »
La nature de l’homme est de se vanter des qualités qu’il trouve en lui, mais de couvrir ses défauts et manques. Mais dans ses relations aux autres, il se conduit à l’inverse : il cherche les défauts et non les qualités. Or, la voie des hommes qui craignent D’ consiste à briser cette nature, et à voir ses propres défauts, et d’un autre côté, à chercher les qualités et les attributs positifs des autres, même lorsqu’il est question d’un Juif qui ne se conduit pas correctement ; il faut considérer ses qualités, et retenir qu’il possède une grande Kedoucha du fait de l’âme juive qu’il abrite.
La source de cette idée se trouve chez nos Sages dans le traité Chabbath (108b) : celui qui se trouve à côté d’un mort au moment où son âme le quitte est tenu de déchirer son habit, car cela ressemble à un Séfer Tora qui brûle et dans ce cas, on est tenu de déchirer son habit. Nos Richonim affirment que l’âme d’un Juif ressemble à un Séfer Tora.
Le Beth Halévi en apporte une preuve : la sainteté du Séfer Tora émane du fait que le Sofer (scribe) l’a écrit en ayant à l’esprit la sainteté du Séfer Tora, et il est impossible de sanctifier un Séfer Tora sans que le Sofer ne soit animé de Kedoucha. Nous avons ainsi la preuve que chaque Juif possède la sainteté d’un Séfer Tora et par là, il transmet la sainteté au parchemin. Cette sainteté est la clé de toute Kedoucha sanctifiée par l’homme.
Le rabbi de Kotsk affirme que ce qu’on dit sur un Juif simple, en le qualifiant de Stam Yehoudi, ne signifie pas qu’il s’agit d’un Juif qui ne réfléchit pas, mais qu’il ressemble à un Stam (initiales des termes : Séfer Tora, Tefilinnes et Mezouza), c’est-à-dire même un Juif qui paraît simple possède la sainteté d’un Séfer Tora.
Parfois, un Juif simple a plus de valeur dans le Ciel qu’un Juif éminent, car il a beaucoup plus d’épreuves et de difficultés à traverser, et malgré tout, il investit des efforts dans le service divin à son niveau. À ce sujet, nos Sages ont dit (Avoth 2,4) : « Ne juge pas ton prochain avant de t’être retrouvé à sa place. »
Rabbi Sim’ha Bonim de Pshisi’ha a précisé à ce sujet une Halakha connue : si l’on impose à un Juif de tuer un autre Juif, et s’il refuse, il sera lui-même mis à mort, il devra refuser, en vertu de ce principe : « Pourquoi ton sang serait-il plus rouge que le sien ? » (Sanhédrin 74a). Cette règle s’applique même si le gouvernement oblige le Gadol Hador (grand Sage de la génération) à tuer un Juif coupeur de bois, la règle ne change pas : il devra se faire tuer et ne pas tuer le coupeur de bois. Nous en déduisons que nous ne pourrons jamais savoir qui a le plus de valeur aux yeux du Ciel.
Nous en avons une allusion dans le verset : « Voici maintenant la règle de l’offrande délictive » : vous jugerez l’homme qui semble coupable de fautes, « C’est une sainteté de premier ordre » : pensez qu’il incarne une sainteté de premier ordre, et n’ayez pas cette pensée uniquement à votre sujet, afin de vous prévaloir sur lui et de le mépriser.
Chabbath Chalom !