« Vous êtes les enfants de l’Éternel, votre D’ : ne vous tailladez point le corps, ne vous rasez pas entre les yeux, en l’honneur d’un mort » (Devarim 14,1).
Il est rapporté au nom de rabbi Chelomo de Karlin qui s’exprima en ces termes : « Le plus grand Yétser Hara’ est lorsqu’on oublie que l’on est fils de Roi.»
En effet, Hachem, loué soit-Il créa, l’homme avec le libre-arbitre qui lui donne la possibilité de choisir entre le bien et le mal, et lui accorda la ‘Hokhma (intégration des données), la Bina (réflexion et pensée) et le Da’ath (faculté à parvenir à des conclusions). Chaque Juif est doté d’une âme qui est une partie du divin ; l’esprit doit gouverner le cœur, l’âme doit surpasser la nature du corps et ses désirs, et toute la conduite de l’homme doit être conforme à la volonté de Hachem. La tête doit exercer un contrôle sur tous les autres organes du corps, car par la faculté de la Emouna et du Da’ath, l’homme se conduit selon ce qu’il juge approprié, et non selon ses pulsions. C’est la raison pour laquelle la tête se trouve au-dessus du corps, pour indiquer l’idée qu’elle doit exercer un contrôle sur le corps, dirigé par le Da’ath, et non se plier à ses désirs bestiaux, à l’image d’un animal dont la tête est penchée vers le bas.
Nos Sages (Chabbath 111a) affirment que chaque Juif est fils de rois, car si l’homme exerce un contrôle sur ses émotions, il ressemble alors à un roi, qui maîtrise toutes ses forces. C’est l’inverse des non-juifs, qui se laissent conduire au gré de leurs désirs, et instaurent cette attitude comme un mode de vie de liberté, celle de laisser à l’homme d’agir comme bon lui semble. De cette manière, toutes les barrières sont éliminées et de grands préjudices sont engendrés en termes de spiritualité et de matérialité, comme la consommation de drogues dangereuses qui intervient du fait que les jeunes gens sont libres d’agir comme ils l’entendent. Mais un Juif sait que l’essentiel est le cerveau. En effet, le terme Israël est formé des mêmes lettres que les termes : Li Roch (j’ai une tête), c’est-à-dire que je ne fais pas abstraction de mon esprit pour suivre les tentations du cœur, mais seul l’intellect domine le cœur. L’âme et les autres sens et facultés sont tous au service de Hachem, loué soit-Il.
Lorsque se présente à l’homme une occasion pour servir son Créateur et qu’il a le sentiment que cela dépasse ses forces, il doit réfléchir pour déterminer si ce n’est pas son cœur qui l’incite à penser de cette manière. Lorsque le Juif a toujours cette idée à l’esprit, et s’habitue à instaurer la maîtrise de l’esprit sur le cœur, il parvient à réaliser certaines choses qui lui paraissaient improbables jusque-là.
Cette faculté provient du fait que nous sommes des fils de Hachem, béni soit-Il, qui est le Roi des rois, et par notre attachement à notre Père céleste, nous obtenons cet élément de royauté. Chez les Tsadikim, qui sont très attachés à D’, on observa de très grands niveaux à cet égard, où l’esprit dominait le cœur de manière prodigieuse dans la ‘Avodath Hachem, au point que l’influence des boissons enivrantes n’exerçait presque pas d’effet sur eux.
À ce sujet, j’ai eu le privilège d’entendre mon beau-père évoquer la figure de son ancêtre, le Saraf de Strelisk : la veille de Yom Kippour, il mangeait un sac d’un certain fruit, et buvait un tonneau d’une boisson enivrante. De ce fait, il ne pouvait plus marcher et il fallait le transporter jusqu’au Beth Hamidrach. Mais dès son arrivée à la synagogue, il se levait subitement et se métamorphosait totalement, comme si rien ne s’était passé, et priait avec feu.
De même, mon ancêtre, l’Admour de Linsk, relata un récit à propos de son ancêtre, auteur du Bené Issakhar : lors du Séder de Pessa’h, il buvait quatre verres d’un vin très fort, dans un verre très grand, qui avoisinait le litre. Il avait l’usage de boire la totalité du verre, jusqu’à la dernière goutte. Malgré tout, il faisait prolonger la durée du Séder jusqu’au matin, conforme à son usage de faire durer beaucoup sa prière et son service divin. De ce fait, il n’avait pas le temps de dormir. Il se rendait à la prière de Cha’harith, puis prenait le repas de Yom Tov, et se rendait aussitôt à la prière de Min’ha et de Ma’ariv, suivi du deuxième Séder, et poursuivait ainsi jusqu’à l’issue du Yom Tov sans pause.
J’ai entendu aussi un récit d’un ‘Hassid qui entendit rabbi Mena’hem Elazar de Munkatch s’exprimer ainsi : le rabbi de Berditchev dit un jour à Pourim : « Tout le monde sait que je ne voudrais pas détacher, ne fût-ce qu’un instant, mon esprit du Maître du monde, mais à Pourim, on est obligé de s’enivrer et de ce fait, je vais boire. » Il buvait différents alcools et vins, qui n’avaient qu’un effet minime sur lui, puis il posait sa tête sur sa main, et quelques instants plus tard, levait la tête et retrouvait totalement ses esprits comme au départ.
De même, les Tsadikim adoptaient cette attitude dans toutes les circonstances pour accueillir tous les événements avec amour ; ils chantaient et se réjouissaient même dans des situations difficiles où la nature de l’homme le pousse à la tristesse. J’ai entendu un exemple à ce sujet du rabbi Aharon de Belz : lorsqu’on lui raconta que l’on avait jeté son fils aîné Moché dans le feu, il répondit : « Grâce à D’, j’ai également apporté un Korban (sacrifice) à Hachem. » J’ai également entendu en son nom qu’il répondit à quelqu’un qui lui décrivait ses souffrances pendant la Shoah et fit remarquer : « Le rabbi a également vécu des souffrances. » Aussitôt, le rabbi lui saisit la main et lui dit : « Reviens sur tes propos, car je n’ai pas souffert.»
C’est l’idée ici dans notre verset : « Vous êtes les enfants de l’Éternel, votre D’ » : vous êtes les fils du Roi des rois, qui instille en vous une dimension de royauté qui vous incite à vous rendre maître de votre cœur, et de ce fait : « Ne vous tailladez point le corps, ne vous rasez pas entre les yeux, en l’honneur d’un mort » : n’en venez pas à faire des choses étranges du fait que vous êtes triste, mais dans toutes les circonstances, faites gouverner l’esprit sur le cœur.
Chabbath Chalom !