Paracha Toldoth : « Ceci est l’histoire de Yits’hak, fils d’Avraham : Avraham engendra Yits’hak » (Beréchith 25,19)
On relate qu’une question avait été posée un jour au Steipeler, rav Ya’akov Israël Kanievsky, à propos d’un jeune élève de Yechiva qui n’étudiait pas : la question était de savoir s’il fallait l’expulser de la Yechiva. Le Steipler demanda si le problème était qu’il n’étudiait pas ou s’il entraînait d’autres élèves dans son sillage. On lui répondit qu’il n’étudiait pas, en effet, mais n’exerçait aucune influence négative sur les autres.
Le Steipeler répondit alors : nous voyons dans Rachi (Beréchith 29, 11) au nom du Midrach : lorsque Ya’akov s’enfuit de devant son frère ‘Essav après avoir reçu les Berakhot de Yits’hak, Elifaz, fils d’Essav, le poursuivit, mandaté par son père dans le but de le tuer. Mais comme Elifaz avait grandi dans la proximité de Yits’hak, il ne pouvait se résoudre lui-même à tuer Ya’akov en personne, et se cantonna à lui dérober tout son argent, le transformant en pauvre. En effet, le pauvre est comparable au mort, et il pensa ainsi s’être acquitté de l’ordre de son père de le tuer.
Le Steipeler de commenter : Elifaz n’était pas vertueux, comme nous le voyons dans le fait qu’il ne s’était pas abstenu de transgresser le grave interdit de vol, et malgré tout, son grand-père Yits’hak avinou le garda auprès de lui dans sa Yechiva, l’incitant ainsi à éviter de se transformer en meurtrier. Nous apprenons de là que, parfois, il vaut la peine de garder un élève à la Yechiva et ne pas l’expulser, même si c’est uniquement dans le but de lui éviter de devenir un meurtrier, et d’être « uniquement » voleur.
Tous les directeurs de Yechivoth et d’écoles de filles, ainsi que les parents, devraient méditer sur ce point. Lorsqu’ils ont un fils qui n’étudie pas et se conduit de manière inconvenante, ils ne doivent pas penser qu’ils gaspillent des forces et de l’argent pour le soutenir. En effet, même s’il y a peu d’espoir de le faire revenir sur le droit chemin, il vaut la peine de le sauver pour éviter qu’il ne traîne dans des lieux peu fréquentables et en vienne à commettre des fautes plus graves. Même si, sur l’ordre d’un grand maître du judaïsme, on l’a expulsé de la Yechiva en raison de son influence néfaste sur ses camarades, il faut déployer tous les efforts possibles pour lui trouver une autre structure scolaire qui lui convienne, pour éviter qu’il ne traîne dans les rues. Et il vaut la peine que ses parents et ses guides lui manifestent leur amour.
On constate souvent que lorsqu’un enfant de la famille commence à dévier du droit chemin, ses parents sont plongés dans la tristesse, et déversent toute leur amertume sur la tête de l’enfant, dans l’espoir de le faire revenir de force. Mais ils font erreur, car telle n’est pas la manière de faire revenir des fils rebelles, qui ne seront pas enclins à renoncer aux passions malsaines et aux mauvaises fréquentations. Au contraire, cela risque de faire naître une haine pour les parents et leur méthode pédagogique. Il faudra chercher à les complimenter et non à les accuser. Il vaut la peine de vérifier s’ils ont cherché à se lier à d’autres fréquentations du fait qu’ils ressentent des privations à la maison, et il faut s’efforcer de pourvoir à tous leurs besoins.
Il est parfois possible de cette façon de faire revenir complètement l’enfant, comme nous le voyons dans la Guemara (Baba Metsia 85a) : après le décès de rabbi Elazar ben rabbi Chimon, son fils quitta la voie de la Tora et commit des actions abominables. Lorsque rabbénou Hakadoch en fut informé, il appela le fils et le couvrit honneur, il lui offrit un vêtement en or et lui attribua le titre de « rabbi. » Le fils jura alors de ne plus s’adonner à ses actes abominables, il fit techouva et devint un grand maître en Tora.
De la même manière, les ouvrages sacrés expliquent qu’il est écrit dans le traité Avoth (1,15) : « Accueille toute personne avec bienveillance », c’est-à-dire même un mécréant dont tu détestes les actions, accueille-le de manière à ce qu’il sente ta joie de le voir, car de cette façon, il acceptera de se faire guider par toi, et comprendra dans ton regard bienveillant que tu veux son bien.
Même si l’on ne réussit pas à faire revenir totalement le fils en lui manifestant notre amour, on peut faire en sorte qu’au minimum, il s’abstienne de commettre des fautes graves, car dans le cas contraire, il aura honte de se montrer à ses parents qui lui prodiguent du bien et l’accueillent avec bienveillance. Comme nos Sages l’indiquent (Avot derabbi Nathan 12,3) : Aharon Hacohen saluait chacun avec un visage avenant, et de cette façon, le peuple évitait de commettre des fautes, car lorsqu’une faute se présentait à un homme, il se disait : « Malheur à moi, comment pourrais-je ensuite lever les yeux et regarder Aharon, j’éprouverais de la honte s’il me salue. »
Ainsi certains ont commenté ce verset (25,28) : « Yits’hak préférait ‘Essav parce qu’il mettait du gibier dans sa bouche » dans cette optique : Yits’hak manifesta son amour envers son fils ‘Essav le mécréant, car il désira autant que possible le préserver des fautes, et de ce fait, il lui parlait avec un visage avenant.
Nous retrouvons cette attitude surtout chez Avraham Avinou, qui eut le privilège de convertir des hommes, en les accueillant aimablement et en leur prodiguant du bien par la nourriture et la boisson. Ainsi, ses invités étaient enclins à écouter ses propos d’Emouna dans le Créateur du monde. Le Midrach (Beréchit Rabba, paracha Vayéchev) indique que son fils Yits’hak suivit également cette voie, et accueillit de nombreux convertis avec affection.
Ainsi, dans notre verset : « Ceci est l’histoire de Yits’hak, fils d’Avraham » : il s’agit de Ya’acov et d’Essav, ainsi que de tous les convertis de Yits’hak qui sont considérés comme ses enfants, et qui sont la preuve manifeste que : « Avraham engendra Yits’hak » : il se conduisit dans la voie de son père qui manifesta de l’amour à tout le monde sans distinction. À ce sujet, Rachi commente qu’Il « a modelé le visage de Yits‘hak à la ressemblance de celui d’Avraham», c’est-à-dire que Yits’hak arborait aussi un visage joyeux et donnait des explications à chacun de ses interlocuteurs, dans la même veine que son père Avraham.
Chabbath Chalom