Émouna et joieNotre maître et rav, rabbi Aharon de Belz, que son mérite nous protège, arriva en terre sainte le 9 Chevat 5704, après avoir perdu tous ses descendants et la majorité de ses ‘Hassidim, exterminés par les nazis. J’ai entendu le ‘Hassid reb Yécha Belzer relater qu’au moment où le rabbi organisa son Tisch le premier vendredi soir de son arrivée en Erets Israël, c’était un Chabbath Chira, et il déclara : « Au début de la Chirat Hayam (Cantique de la mer), il est écrit : « Az Yachir Moché ouvéné Israël – Alors Moché et les enfants d’Israël chantèrent ». Rachi, au nom du Midrach, écrit : « Nos Maîtres ont enseigné que l’on trouve ici une allusion faite par la Tora à la résurrection des morts. » Il faut comprendre pourquoi le thème de la résurrection des morts est glissé ici. Notre rav expliqua qu’il faut comprendre le Midrach ainsi : nos Maîtres ont appris du verset « et les enfants d’Israël partirent en bon ordre du pays d’Égypte » que seul un homme sur cinq sortit d’Égypte (‘Hamouch en hébreu signifie armé, et est de la même racine que ‘Hamech, cinq) et que 4/5ème du peuple d’Israël périt lors des 3 jours de la plaie de l’obscurité. De ce fait, il ressort que chaque enfant d’Israël avait beaucoup de proches décédés peu de temps avant leur sortie d’Égypte, et s’il en est ainsi, il leur était certainement difficile de chanter en cette période. Or, ils croyaient que la mort est uniquement une séparation temporaire de la nechama qui quitte le corps, jusqu’à la résurrection des morts. Ils se consolèrent par le fait qu’ils seraient appelés à les rencontrer à nouveau. C’est le sens du Midrach : du fait qu’ils furent capables d’entonner un chant, on perçoit la grandeur de la émouna des enfants d’Israël. Il convient d’ajouter que la mort des enfants d’Israël en ces jours sombres était un véritable bienfait, comme l’a expliqué mon vénérable ancêtre, rabbi Tsvi Elimélekh de Dinov, auteur du Bené Yissakhar, dans son ouvrage Igra dekala (Paracha Béchala’h) : d’après la Kabbale, cette étape fut indispensable pour que le peuple d’Israël puisse être délivré d’Égypte, et toutes les nechamoth qui ont péri alors ont eu droit à un Tikoun par D’ Lui-même ; il est dit à leur propos (Yechayahou 27,13) : lors de la résurrection des morts, les relégués viendront au pays d’Égypte. À ce sujet, mon vénérable ancêtre, auteur du Bené Yissakhar, dans une lettre adressée à ses disciples à Munkatch après une épidémie de choléra, explique que cette épidémie advenait pour leur bien, pour accélérer la venue de la Gueoula. Mais si on n’avait pas droit immédiatement à la Gueoula, de nombreuses années du décret du difficile exil seraient déduites. Un Juif qui croit que tout est pour le bien, conformément aux calculs divins qui dépassent son entendement, accepte les malheurs avec joie, et récite même une Berakha, comme nos Sages l’affirment (Berakhoth 54a) : l’homme doit bénir pour le mal tout comme il le fait pour le bien. La différence entre Israël et les nations fut particulièrement mise en exergue à la mi-nuit de la première nuit de Pessa’h en Égypte. D’un côté, on vit les Égyptiens pousser de grands et terribles cris dans une détresse illimitée pour la mort des premiers-nés, et d’un autre côté, les enfants d’Israël étaient assis dans la joie chez eux à réciter des louanges pour D’, en dépit du fait qu’ils avaient perdu la majorité de leurs proches peu de temps auparavant. Par le mérite de cette manifestation de joie, ils eurent le privilège de sortir alors d’Égypte. En effet, la joie issue de la confiance en D’ a la faculté d’attirer de grandes délivrances, comme l’indiquent nos ouvrages sacrés. On relate également qu’un jour, un ‘Hassid se rendit chez son maître, le ‘Hozé de Lublin, pour passer les Jours Redoutables à ses côtés. Arrivé à Lublin, il entra chez le rabbi pour recevoir une bénédiction d’arrivée. Le rabbi lui rendit son salut du bout des lèvres, et lui ordonna de rentrer immédiatement chez lui. Le ‘Hassid quitta les lieux et reprit la route le cœur brisé. Sur le chemin du retour, il voulut passer la nuit dans une taverne, où il rencontra des ‘Hassidim qui devaient prendre la route pour se rendre chez le rabbi de Lublin ; ils le saluèrent, et virent son visage sombre. Ils lui demandèrent où il se rendait. Il répondit qu’il retournait chez lui. Ils reprirent : « Comment est-ce possible ? Tout le monde se rend chez le rabbi, et toi, tu rentres chez toi ?! Impossible, tu vas te joindre à nous.» Ils burent un petit coup et dansèrent avec lui dans la joie. Puis ils prirent ensemble la route pour Lublin, et une fois arrivés à destination, ce ‘Hassid entra chez le rabbi, qui lui adressa les propos suivants : « Sache que lorsque je t’ai prescrit de retourner chez toi, c’est parce que j’avais perçu que du Ciel, on avait décrété ta mort, que D’ préserve, et je n’étais plus en mesure de t’aider. Mais je ne voulais pas que tu meures loin de ta famille, et je t’ai ordonné de rentrer chez toi. Mais lorsqu’à la taverne, tu t’es réjoui en compagnie des ‘Hassidim, par l’effet de la joie, le décret de mort a été éliminé, ce que je n’étais pas en mesure de réaliser. Tu pourras donc désormais rester ici auprès de nous.» Cette joie manifestée par les ‘Hassidim n’était pas une joie provisoire et factice, présente chez tous les hommes au moment où ils boivent de l’alcool fort. Il s’agissait d’une joie authentique logée constamment dans le cœur de ceux qui sont dotés de émouna et de confiance en D’. Les ‘Hassidim firent l’action externe de boire de l’alcool uniquement dans le but d’éveiller et de renforcer la joie intérieure présente dans leur cœur. Sur cette consommation de boisson, le rabbi Méir de Papa zatsal, auteur du Or Lachamayim, disait : « Lorsque nous aurons le privilège de sortir à la rencontre du Machia’h, nous prendrons en main une bouteille d’alcool, pour lui montrer comment nous avons réussi à passer ce long exil par le mérite de la joie.» Nous pouvons expliquer dans cet esprit la coutume du Séder le soir de Pessa’h, fête de la émouna : nous prenons un verre de vin, à propos duquel les Écritures déclarent (Tehilim 14,15) : « Le vin qui réjouit le cœur des mortels », levons le verre et déclarons : « Véhi – Et elle » : la vertu de la joie qui se renforce par le biais de ce vin dans nos mains, « Ché’amda laavoténou velanou – qui a été un mérite pour nos ancêtres et pour nous » : par ce biais, ils ont réussi à tenir bon dans toutes les circonstances difficiles. Et nous poursuivons ainsi : « Chébekhol dor vador ‘omdim ‘alénou lekhaloténou vehaKadoch Baroukh Hou matsilénou miyadam – à chaque génération, on cherche à nous détruire – et D’ nous sauve de leurs mains » : l’idée est que la confiance en D’ nous protège de tous les préjudices et les maux. En effet, la émouna conduit à la joie authentique et éternelle dans toutes sortes de situations. Grâce à cela, nous aurons droit à des délivrances et des prodiges, tout comme le jour où nous sommes sortis d’Égypte. ‘Hag Saméa’h |