À Pourim de l’an 1940, rabbi Kalonymus Kalmich de Piaseczno zatsal se trouvait dans le ghetto de Varsovie, entouré de Juifs brisés et déprimés. On l’interrogea : « Comment pouvons-nous réjouir en en étant témoin de ces malheurs qui affectent le peuple juif ?»
Le rabbi de Piaseczno expliqua que le Zohar établit une relation entre Yom Ki-pourim et le jour de Pourim. « Sachez que tout comme le jour de Kippour, tout le monde jeûne même si c’est difficile, car tel est le commandement du Créateur, de la même façon, à Pourim, nous sommes tenus de nous réjouir de la joie de Pourim, conformément à l’instruction du Créateur de nous réjouir, même dans des circonstances très difficiles.»
Afin de suivre cette injonction de nous réjouir même dans une période de tristesse, il est impératif pour l’homme de se renforcer en Émouna : tout est pour le bien selon des calculs divins au-delà de notre portée, et ainsi, on accepte l’adversité dans la joie, et on récite même une Berakha à ce sujet, comme l’indiquent nos Sages (Berakhoth 54a) : « L’homme est tenu de réciter une bénédiction sur le mal, tout comme il en récite sur un bienfait. »
À ce sujet, on raconte que lorsque les saints rabbi Chmelke de Nikolsbourg zatsal et son frère, l’auteur du Ba’al Haaflaot zatsal, se rendirent pour la première fois chez le Maguid de Mezeritch zatsal, ils lui demandèrent une explication sur les propos de nos Sages selon lesquels on est tenu de bénir le mal et de l’accepter dans la joie. En effet, comment l’homme peut-il atteindre ce niveau où il peut se réjouir du mal tout comme il se réjouit du bien ? Le Maguid leur recommanda de se rendre au domicile de son élève, rabbi Zoucha d’Anipoli zatsal pour s’imprégner de cette idée.
Arrivés chez Rabbi Zoucha, ils constatèrent qu’il vivait dans une grande pauvreté. Lorsqu’il s’enquit de la raison de leur visite, rabbi Zoucha répondit : « Je ne peux pas vous enseigner ce principe, car je n’ai jamais vécu aucun mal toute ma vie, j’ai toujours vu des bienfaits et des bontés de Hachem, loué soit-Il. Vous devez donc vous rendre chez un homme qui a vécu des épreuves et s’en est réjoui, et il vous l’enseignera. »
Grâce à cette réponse, ils comprirent très bien le texte ci-dessus, en voyant qu’il est possible d’atteindre ce niveau où rien n’est considéré comme une épreuve et que tout est accueilli dans la joie.
La majorité des hommes ont du mal à atteindre ce niveau de se réjouir au plus profond d’eux lorsqu’ils subissent une épreuve, tout en considérant également sur le plan intellectuel que tout est pour le bien. Il est en effet difficile pour un homme simple d’exercer la domination de l’esprit sur le cœur, sans que ne s’éveille une tristesse naturelle à un moment de détresse.
À ce sujet, on raconte qu’une catastrophe affecta un jour un éminent marchand de la ville de Brisk, dont les navires avaient fait naufrage en mer, et qui avait perdu la majorité de ses biens. Lorsqu’une lettre l’informant de ce malheur parvint au fonctionnaire qui gérait ses affaires, il craignit d’informer son patron de la catastrophe, de crainte d’attenter à sa santé. L’homme se rendit chez le rav de la ville, le rav Yossef Dov Solovetchik zatsal, auteur du Beth Halévi, pour savoir comment procéder. Le rav lui dit : « Dépose la lettre chez moi et ne dis pas un mot. »
Le rav convoqua le commerçant chez lui, et lorsque l’homme entra, il découvrit le rav qui étudiait avec intensité une Agada du traité Berakhot, chapitre Haroé, et il demanda avec curiosité pourquoi il étudiait une histoire avec une telle intensité. L’auteur du Beth Halévi lui répondit : « Je suis très étonné de voir comment nos Sages nous obligent à bénir sur le mal, tout comme on bénit sur le bien, avec joie.»
Le commerçant s’enflamma et répondit : « Il va de soi qu’il faut de la Émouna, et pour un homme croyant, il est évident que tout provient du Ciel et que tout ce que Hachem fait est pour le bien. » Alors qu’il s’exprimait de cette façon avec passion devant le rav, ce dernier lui présenta la lettre. Dès que le marchand lut la lettre, il tomba et s’évanouit, et on eut peine à le réanimer.
Quelques jours plus tard, l’auteur du Beth Halévi lui rendit visite et le commerçant lui demanda : « Que veulent dire nos Sages ? » Le rav lui répondit : « L’homme est tenu d’accomplir cette injonction, car il n’accueille jamais le mal avec joie, comme il accueille les bienfaits dans la joie. »
Même un homme simple, qui n’a pas le niveau de se réjouir au plus profond de son cœur à un moment de détresse, doit croire que c’est une situation idéale, comme l’indique le rav et auteur du Yessod Haavoda de Slonim zatsal ; bien qu’en vérité, il faille ressentir de la joie lors des épreuves, mais si on n’en est pas capable, il faut au moins croire à cette idée.
Ainsi, chaque Juif doit s’habituer à réfléchir et à répéter constamment qu’il n’y a aucun hasard dans le monde. Celui qui fait attribue les choses au hasard, c’est le signe qu’il ne médite pas sur la grandeur du Créateur qui supervise toute la Création. Nous en avons une allusion dans le terme : Vayikra, au début de la paracha de la semaine, qui est doté d’un Alef de petite taille. En son absence, on lit le terme : Vayikar, une référence au hasard, pour faire allusion à l’idée que l’homme attribue les choses au hasard uniquement si Hachem, qui est le Aloufo du monde, est petit à ses yeux et qu’il ne reconnaît pas Sa grandeur.
C’est le thème de la guerre contre Amalek, à propos duquel il est dit (Devarim 25,18) : Acher Karekha (comme il t’a surpris) : il voulait tenter Israël par l’idée du Mikré (hasard). Le peuple d’Israël réussit à dépasser cette hérésie lors de Pourim, lorsqu’il pendit Haman, issu de la descendance d’Amalek, après avoir vu que tout était orchestré du Ciel pour le bien.
Dans cet esprit, il est possible d’interpréter ce texte de nos Sages (Meguila 7b) : « Chaque homme est tenu de boire du vin à Pourim, jusqu’à ce qu’il ne fasse plus la distinction entre « maudit soit Haman » et « béni soit Mordekhaï » : à Pourim, l’homme doit réfléchir à l’idée qu’il est tenu, selon la stricte loi, de se réjouir afin qu’il n’y ait plus de distinction chez lui entre une période négative, comme sous le règne de Haman, et une période positive, comme sous le règne de Mordekhaï.
Chabbath Chalom et Pourim saméa’h !