Le président d’Israël et la présomption d’innocence

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Par Daniel HOROWITZ – Temps et contretemps

Reouven Rivlin, Président d’Israël, a confié la tâche de former un gouvernement à l’élu qui, conformément à la loi, a recueilli le plus de recommandations de la part des partis siégeant à la Knesset. Mais il a assorti son annonce d’un commentaire malveillant, déplacé et indigne de sa fonction : « Ce n’est pas une décision facile pour moi sur une base à la fois morale et éthique », a-t-il indiqué. Rivlin faisait allusion à son hostilité au député en question sous prétexte qu’il était poursuivi par la justice. Prétexte, parce qu’il s’agit en réalité d’une animosité datant d’avant les démêlés judiciaires de ce rival.

Pour mémoire, les treize juges de la Cour Suprême ayant examiné la question ont estimé à l’unanimité que rien ne s’opposait à l’exercice de la fonction de Premier ministre par un personne inculpée mais pas condamnée.

C’est ainsi que le Président Rivlin, premier personnage de l’État, se permet de fouler aux pieds la présomption d’innocence. Peut-être a-t-il oublié que pour sa part il ne s’est pas gêné naguère de fustiger l’institution judiciaire quand lui-même était sous investigation et qu’il estimait être malmené.

Au début des années 2000, Rivlin faisait l’objet d’une série d’enquêtes, entre autres mettant en cause sa relation avec David Appel, entrepreneur en bâtiment et soutien du Likoud. La police soupçonnait Rivlin, alors avocat et homme politique influent, d’avoir reçu des «faveurs» de cet entrepreneur, qui par ailleurs avait déjà eu maille à partir avec la justice. Une décennie plus tard l’ami de Rivlin était condamné pour corruption dans le cadre d’une autre affaire.

Au bout de plusieurs années de procédure, les sept dossiers mettant Rivlin en cause furent classés sans suite, et ceci contre l’avis de la police qui recommandait pourtant de le traduire en justice sur la base de l’un de ces dossiers. En apprenant l’heureux dénouement, Rivlin a néanmoins qualifié le système judiciaire de «pervers», et s’est plaint de ce que ni  lui ni ses proches ne se remettraient jamais du temps perdu. Il a notamment accusé la police de s’être contentée de l’interroger durant onze heures, et d’avoir ensuite mis plus de trois ans à rendre publiques ses conclusions, ce qui a donné libre cours à une campagne médiatique entachée de fausses rumeurs.

«והמבין יבין», dit-on en hébreu, ce qui en français donne à peu près «et celui qui comprend comprendra».

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