Lors de la première étape de son voyage en Europe centrale, le souverain pontife a affirmé que l’antisémitisme est «une mèche qui doit être éteinte» en promouvant la fraternité.
Le pape François, qui a entamé dimanche un voyage en Europe centrale par une étape à Budapest, a évoqué «la menace de l’antisémitisme qui circule encore en Europe et ailleurs», estimant qu’il s’agissait d’«une mèche qui doit être éteinte» (photo : la Shoah en Hongrie).
«Le meilleur moyen de la désamorcer, c’est de travailler ensemble de manière positive, c’est de promouvoir la fraternité», a ajouté le pape, lors d’une rencontre avec les représentants de confessions chrétiennes et de communautés juives hongroises.
Grand défenseur du dialogue interreligieux, le souverain pontife a rendu hommage à leurs propres efforts dans leur pays pour «abattre les murs de séparation du passé» et opérer «un changement de regard».
«Juifs et chrétiens, vous désirez voir dans l’autre non plus un adversaire, mais un frère»
«Juifs et chrétiens, vous désirez voir dans l’autre non plus un étranger, mais un ami; non plus un adversaire, mais un frère», a-t-il estimé, en évoquant longuement le destin tragique d’un poète hongrois, Miklos Radnoti, assassiné en 1944 par des miliciens hongrois.
«Tolérance zéro»
La Hongrie, où réside la plus importante communauté juive d’Europe centrale avec quelque 100’000 membres selon des estimations, apparaît relativement épargnée.
Le Premier ministre souverainiste Viktor Orban, qui se voit comme le rempart numéro un en Europe contre «l’invasion musulmane», présente la Hongrie comme un lieu sûr pour les Juifs.
Le gouvernement a officiellement décrété une politique de «zéro tolérance» envers l’antisémitisme et fait valoir les investissements consentis pour la rénovation et l’entretien de nombreuses synagogues et cimetières juifs.
Campagne contre Soros
Mais Viktor Orban a dans le même temps orchestré contre le financier américain d’origine hongroise George Soros une vaste campagne dont le Congrès juif mondial a dénoncé les accents antisémites. Par ailleurs, il est accusé de vouloir réhabiliter Miklos Horthy, dirigeant hongrois de l’entre-deux-guerres qui avait fait alliance avec le régime nazi.
L’inauguration en 2014 d’un monument présentant la Hongrie comme une pure victime du nazisme et un controversé musée de l’Holocauste, dont la réouverture est repoussée depuis plusieurs années, ont également alimenté les craintes de révisionnisme historique.
Quelque 600’000 Juifs hongrois ont péri dans les camps nazis, déportés en quelques mois grâce aussi au zèle de l’administration et de la police hongroises. Dès 1920, le pays s’était doté de la première législation antisémite de l’entre-deux-guerres en Europe, à l’instigation de Horthy qui devint un allié de Hitler et demeura au pouvoir jusqu’en 1944.
Le pape François attendu en Hongrie
L’évêque de Rome doit célébrer la messe de clôture d’un grand congrès international religieux à Budapest puis rencontrer le premier ministre Viktor Orban.
Le pape François s’envole dimanche matin pour célébrer à Budapest une messe clôturant un grand congrès international religieux, mais tous les yeux seront rivés sur sa brève rencontre avec le dirigeant souverainiste Viktor Orban.
Car l’accueil des réfugiés de toutes religions, frappant aux portes de pays plus riches, en fuyant guerres ou misère économique, a fait l’objet d’appels incessants du pape argentin, lui valant parfois l’incompréhension dans les rangs mêmes des catholiques.
«Tous des migrants»
Les médias pro-Orban sont allés jusqu’à qualifier François «d’imbécile». Et ils n’ont pas manqué de relever la visite éclair de sept heures du pape, tandis qu’il va consacrer trois jours à la Slovaquie voisine pour une véritable visite d’État. Le pape est en fait venu à Budapest à l’invitation spécifique du Congrès eucharistique international, sur les pas de Jean-Paul II qui avait assisté à l’événement en 1985 à Nairobi (Kenya). «Il veut humilier la Hongrie !» s’est indigné un commentateur de télévision.
Jorge Bergoglio, lui-même issu d’une famille d’émigrés italiens venus en Argentine, n’a de cesse de rappeler à la vieille Europe son passé bâti par des vagues de nouveaux arrivants. Et sans jamais épingler des dirigeants politiques nommément, il fustige «le souverainisme», déclinant selon lui sur les étrangers des «discours qui ressemblent à ceux de Hitler en 1934». À ses opposants, le pape rétorque que l’aide aux exclus est éminemment chrétienne.
En avril 2016, le pape avait particulièrement marqué les esprits sur l’île grecque de Lesbos, porte d’accès à l’Europe. «Nous sommes tous des migrants!», avait-il lancé, en ramenant à bord de son avion trois familles musulmanes syriennes dont les maisons avaient été bombardées. Pendant ce temps, le dirigeant hongrois faisait ériger un mur à la frontière sud pour empêcher les arrivées de «musulmans».
S’il s’attire régulièrement l’ire de Bruxelles pour sa politique très restrictive en matière de droit d’asile, Viktor Orban brandit sa volonté de préserver l’héritage chrétien de l’Europe.
«Hungary helps»
Soucieux d’éviter toute polémique à l’aube de la première visite papale depuis la venue de Jean Paul II en 1996, ses partisans préfèrent mettre en avant le programme «Hungary Helps», qui aide les personnes en détresse «à rester dignement dans leur pays d’origine» en construisant des églises ou des écoles.
La Hongrie «n’est pas un pays riche», mais elle a ainsi aidé à reconstruire des églises et des écoles en Syrie ou envoie des médecins en Afrique, égrène le père Kornél Fábry, secrétaire général du 52e Congrès eucharistique international, qui dure depuis une semaine, ponctué de colloques et de prières. «La majorité des Hongrois disent la même chose: nous ne devons pas apporter la difficulté en Europe, mais nous devons aider là où réside la difficulté», résume le prêtre.
Dans la capitale hongroise, le pape prendra aussi le temps de rencontrer les évêques, puis des représentants de diverses confessions chrétiennes et de la communauté juive, la plus importante d’Europe centrale avec 100’000 membres.
C’est le 34e voyage international du pape
En fin de matinée enfin, après un très attendu tour en papamobile, le pape célébrera une messe en plein air sur l’immense Place des Héros, à laquelle devrait assister notamment le premier ministre Viktor Orban, aux origines calvinistes mais dont l’épouse est catholique.
Quelque 75’000 personnes sont attendues, tandis que d’autres pourront suivre l’événement sur de grands écrans. Dans la ville, contrôlée par l’opposition, des affiches souhaitent «la bienvenue» à François, vantant ses appels à la solidarité et à la tolérance envers les minorités. Accueillir le « saint-père » est un honneur pour nous! Mais les organisateurs nous disent de prendre soin du pape, qui n’est plus tout jeune», confie le père Fábry.
Le 34e voyage international du pape François, âgé de 84 ans, intervient environ deux mois après une opération au côlon, qui avait nécessité une anesthésie générale et dix jours de convalescence à l’hôpital.
ATS