Le Kremlin lâche déjà son ex-obligé Bachar al-Assad

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Réfugié à Moscou ou pas : le Kremlin lâche déjà son ex-obligé Bachar al-Assad

Par Anne Dastakian

Fidèle alliée de la dynastie Assad depuis l’époque soviétique, Moscou a soutenu militairement le régime de Bachar al-Assad depuis 2015, en bombardant les positions de ses adversaires, et en participant à des opérations terrestres, via son armée régulière et les mercenaires du groupe Wagner. Après avoir, sans succès, – en raison de son déploiement en Ukraine – tenté d’arrêter les rebelles, Moscou a revu sa position pour tenter de sauver ses bases militaires en Syrie.

Bachar al-Assad est-il réfugié à Moscou ou pas ? Passé maître dans l’art de la novlangue, Dmitri Peskov, le porte-parole du président russe, s’est livré ce lundi matin 9 décembre, au lendemain de la prise de Damas par des rebelles islamistes, à un exercice de haute voltige linguistique, pour surtout ne rien dire sur le sort du président syrien déchu Bachar al-Assad. Qu’on en juge : « Vous n’avez rien à dire sur le sort de M. Assad pour l’instant », a-t-il lancé aux journalistes. Et si « rien n’oblige la Russie à annoncer officiellement la décision d’accorder l’asile à Assad et à sa famille ». « Bien sûr, de telles décisions ne peuvent être prises sans que ce soit la décision du président. » Comprenne qui pourra…

Aux questions insistantes des journalistes, sur la date où Poutine a vu et communiqué pour la dernière fois avec l’ancien président syrien Bachar al-Assad : « Je laisse cette question sans réponse », a-t-il dit, avant de préciser qu’« il n’y a pas de telle réunion dans le calendrier officiel du président ».

L’ensemble des médias officiels russes avaient cependant annoncé la veille, sur la foi d’une « source au Kremlin », que la Russie avait bel et bien accordé l’asile à l’« ex-président » Assad et sa famille, « pour des raisons humanitaires ».

On notera qu’Assad est désormais qualifié « d’ex-président », alors que dix ans plus tôt, son homologue ukrainien Viktor Ianoukovitch, lui aussi chassé du pouvoir et réfugié à Moscou, a toujours été considéré par le Kremlin comme le président légitime d’Ukraine. Et ses opposants de « putschistes ».

LE SORT DES BASES

Pourquoi donc cette soudaine pudeur à reconnaître l’accueil d’Assad ? À en croire les observateurs russes, le Kremlin se soucie surtout du sort de ses bases militaires en Syrie, la base aérienne de Khmeimim étant d’une importance cruciale pour le ministère de la Défense russe, en tant que plaque tournante entre Moscou et l’Afrique – notamment la République centrafricaine, la Libye et d’autres pays africains.

C’est du reste, selon Radio Svoboda (Radio Free Europe), de cette base de Hmeimim qu’Assad aurait quitté son pays à bord d’un Iliouchine Il-76 russe, qui en a décollé quelques heures seulement avant l’annonce de sa présence à Moscou. Ces derniers jours, un Antonov An-124 a fait plusieurs aller-retour entre la Russie et cette base, sans doute pour évacuer des troupes russes du pays.

Selon le porte-parole du Kremlin, l’armée russe en Syrie prend toutes les précautions nécessaires : « Bien sûr, tout ce qui est nécessaire et possible est désormais fait pour entrer en contact avec ceux qui peuvent assurer la sécurité. Et bien sûr, nos militaires prennent également toutes les précautions nécessaires. »

LA SURPRISE DU « MONDE ENTIER »

La très officielle agence russe TASS a, du reste, rapporté que les autorités russes étaient en contact avec « des représentants de l’opposition » au pouvoir à Damas, qui « garantissent la sécurité des bases militaires et des missions diplomatiques russes ». D’où un brusque revirement dans la propagande russe, qui jusque-là qualifiait les opposants armés à Assad de terroristes, contrôlés par l’Occident ou la Turquie. On notera là aussi que l’ex-opposition ukrainienne à Ianoukovitch, dix ans après sa chute, est toujours qualifiée d’illégitime voire de pro-nazie par le Kremlin, qui comptait bien installer un homme à lui au pouvoir à Kiev.

Toujours prompt à vouloir sauver la face, Dmitri Peskov, après avoir noté que « ce qui s’est passé en Syrie a surpris le monde entier », a voulu souligner que la Russie restait un acteur majeur dans la région. « Le format d’Astana pour un règlement sur la Syrie a perdu son objectif initial, mais il reste pertinent en tant que mécanisme de consultations politiques : et sous une forme ou une autre, ces consultations, bien sûr, se poursuivront ».

*Par Anne Dastakian

JForum.fr avec  Marianne

Bachar al-Assad et Vladimir Poutine à Sotchi en 2017.  Mikhail Klimentyev / AFP

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