Le « Kiddouch Hachem » de la députée Idit Silman

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Par Pierre Lurçat

L’histoire politique d’Israël depuis 1948 est riche en rebondissements spectaculaires et en revirements lourds de conséquences. L’annonce dramatique de la députée Idit Silman, qu’elles qu’en soient les conséquences à court et moyen terme, s’inscrit d’ores et déjà dans cette histoire et restera probablement comme un événement marquant.

Des coalitions sont déjà tombées pour des raisons similaires dans le passé : le premier gouvernement Rabin était tombé en 1976 après l’atterrissage de F-16 livrés à Israël par les Etats-Unis après la tombée de la nuit, un vendredi soir. Mais il s’agissait alors d’une coalition avec des partis religieux orthodoxes, alors que la députée Silman appartient au parti non orthodoxe Yamina.

Si ce gouvernement devait finalement tomber, l’histoire retiendra que la coalition la plus hostile à un Etat juif aura fini de diriger Israël en raison de sa volonté de remettre en question l’interdiction du ‘hamets dans les hôpitaux publics. Le sujet peut sembler anecdotique, ou ésotérique aux yeux d’un observateur profane. En réalité, il touche pourtant au cœur du débat ancien sur le caractère juif de l’Etat.

Le statu quo fragile entre Juifs religieux et laïcs en Israël a en effet toujours reposé sur un double principe : liberté de culte et d’opinion d’une part, respect des principes fondateurs du judaïsme dans l’espace public de l’autre. Cet équilibre était lié à la conviction, partagée par l’ensemble des pères fondateurs du sionisme politique et de l’Etat d’Israël, que celui-ci devait incarner la vocation spécifique du peuple juif et ne pas être simplement un Etat comme tous les autres.

Cette conviction était partagée tant par les penseurs du sionisme religieux que par ceux du sionisme travailliste, et elle réunissait des figures aussi diverses que le rav Kook, David Ben Gourion, Martin Buber ou Jabotinsky. Ce dernier en particulier, Juif laïc par excellence, avait compris que la tradition juive n’était pas seulement une enveloppe, une “structure” extérieure et une “religion”, mais qu’elle était l’âme du peuple Juif tout entier, et qu’à ce titre, elle devait être au cœur de la culture nationale qui allait refleurir dans le futur État juif. A l’autre extrême de l’échiquier politique sioniste, Martin Buber avait exprimé la même idée, en déplorant l’éventualité que le futur Etat juif ne soit rien de plus qu’un Etat où ne soufflerait aucun souffle divin…

C’est précisément ce risque qui s’est incarné dans la coalition hétéroclite dirigée par Naftali Bennett, dont l’ADN est entièrement post-sioniste et post-moderniste. En prétendant réformer la cacherouth, les conversions et en voulant abolir l’institution même du rabbinat en Israël, celle coalition contre-nature a cru qu’elle pouvait ériger un “Etat de tous ses citoyens” dans lequel le judaïsme ne serait plus qu’une affaire entièrement privée, et où le caractère juif de l’Etat serait réduit à une simple Menora sur des timbres-poste…

La décision courageuse de la députée Idit Silman a sans doute mis un coup d’arrêt à cette descente vers l’abîme de la coalition Bennett-Lapid-Abbas, et a rappelé au peuple Juif et au monde entier que le retour d’Israël sur sa terre n’était pas un événement anodin, détaché de toute signification juive. A quelques jours de Pessa’h, ce rappel salutaire est un véritable “Kiddouch Hachem”, une sanctification du Nom divin.

Pessa’h cacher ve-saméa’h!

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