Le juriste de renom tranche : le comportement du Shin Bet dans l’affaire – extrême et disproportionné

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Une polémique secoue le pays ces derniers jours à la suite de l’arrestation exceptionnelle d’un agent du Shin Bet, accusé d’avoir divulgué à la presse des affaires embarrassantes pour l’organisation. Raz Nizri, juriste de haut rang et ancien procureur général adjoint, critique sévèrement les méthodes draconiennes utilisées lors de cette arrestation, et précise : « Ce n’est pas la première fois que le Shin Bet agit de manière extrême dans ses enquêtes ».

JDN

Depuis quelques jours, une tempête politico-médiatique fait rage en Israël après l’arrestation très inhabituelle d’un membre du Shin Bet, accusé d’avoir divulgué des documents internes à la presse. Le processus d’arrestation a soulevé de nombreuses questions, notamment concernant l’interdiction faite au suspect de consulter un avocat – mesure exceptionnelle, généralement réservée aux affaires mettant en danger la sécurité nationale.

Dans les premières communications officielles, publiées avant même que tous les éléments de l’affaire soient clarifiés, l’enquête portait sur des soupçons d’infractions sécuritaires. Cependant, il est vite apparu qu’il s’agissait d’une affaire bien plus mineure : une fuite de documents sans impact réel sur la sécurité nationale.

La principale fuite concernait une lettre rédigée il y a plusieurs mois par le chef du Shin Bet, Ronen Bar, à certains de ses proches collaborateurs, dans laquelle il leur ordonnait de recueillir des preuves de « kahanisme » dans les rangs de la police, sous l’autorité du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, en évoquant notamment un usage excessif de la force par des policiers.

Dans une autre fuite, le suspect aurait transmis une lettre de 2022, dans laquelle Bar exposait la stratégie du service face au Hamas : négociations, aide humanitaire et soutien à l’économie de Gaza comme gages de stabilité.

Il n’est pas difficile de comprendre à quel point ces révélations ont pu embarrasser l’organisation, surtout après que le Shin Bet a affirmé, suite au massacre du 7 octobre, avoir pleinement conscience de la menace que représentait le Hamas. Le rapport interne publié au public précisait d’ailleurs : « L’enquête n’a révélé aucun mépris envers l’ennemi de la part du Shin Bet. Au contraire – il y avait une compréhension profonde de la menace, des initiatives et une volonté claire de la neutraliser, notamment en ciblant les dirigeants du Hamas. »

Finalement, une enquête a été ouverte, le suspect retrouvé et arrêté – dans des conditions sévères.

La question demeure : l’arrestation était-elle justifiée ? Raz Nizri, ancien procureur adjoint de l’État, s’est exprimé dans une tribune publiée dans Israel Hayom, où il s’interroge sur les mesures extrêmes adoptées par le Shin Bet. Il rappelle également que ce n’est pas un cas isolé.

Selon lui, empêcher un suspect de consulter un avocat est une mesure d’une gravité extrême et inhabituelle : « Le droit à la consultation d’un avocat est un droit fondamental dans un État démocratique. Sa privation est réservée à des cas très exceptionnels liés au terrorisme ou à des crimes graves. Son utilisation dans cette affaire soulève de sérieuses questions sur le discernement dont a fait preuve l’organisation. »

Nizri ajoute que les directives de l’ancien conseiller juridique du gouvernement définissent ce type de décision – ouvrir une procédure pénale dans une affaire de fuite – comme « sensible et complexe », et que la politique du parquet dans ce domaine a toujours été « prudente et restrictive ».

« Est-ce bien le cas ici ? À en juger par ce qui a été publié jusqu’à présent, c’est loin d’être évident. »

Le juriste souligne que des doutes légitimes se posent également au vu des nombreux autres cas où aucune enquête n’a été ouverte, y compris dans des fuites a priori aussi, voire plus graves, ou même potentiellement dangereuses pour la sécurité nationale – ce qui n’est pas le cas ici.

Petit rappel : en mars 2025, le journaliste Tzvika Klein, rédacteur en chef du Jerusalem Post, a été arrêté et interrogé dans le cadre de l’affaire dite « Qatar-Gate », soupçonné d’avoir facilité des transferts d’argent entre un lobbyiste du gouvernement qatari et des personnes proches du bureau du Premier ministre. Il faisait l’objet de graves accusations : corruption, contacts avec un agent étranger, aide à un État ennemi et abus de confiance.

Les enquêteurs ont alors utilisé des mesures extrêmes : confiscation de son téléphone portable, interrogatoire sous pression pendant 12 heures. Et pourtant ? Il a été relâché peu de temps après sans aucune inculpation ni restriction.

Nizri cite ce précédent comme un exemple de plus où le Shin Bet a utilisé des méthodes extrêmes… pour finir par libérer un suspect sans charges.

« Les dirigeants de l’appareil judiciaire portent une responsabilité immense en ces temps troublés », conclut Nizri. « Le système judiciaire ne peut fonctionner sans la confiance du public. Lorsque cette confiance est profondément divisée, il ne suffit pas de blâmer les responsables politiques. Le système lui-même doit faire preuve d’introspection, changer son comportement, reconnaître ses erreurs et les corriger. »

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