Illustration : Le Liban
Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Le Liban est fier de sa diaspora disséminée à travers le monde qui se comporte comme la diaspora juive par son aspect empreint de fidélité et par son côté philanthropique. Les originaires libanais, qui ont réussi dans le monde, ne renient jamais leurs origines à l’instar du président du Brésil Michel Temer, ou des Américains Ralph Nader et Philip Habib. La chanteuse Shakira est la fierté du pays. Même lorsqu’ils sont dans la détresse, ils ne sont pas abandonnés par l’opinion publique. C’est le cas de l’ancien PDG de Nissan et de Renault, Carlos Ghosn, dont l’incarcération a suscité une immense vague de sympathie dans la rue libanaise.
De génération en génération, les expatriés libanais ont maintenu des liens avec leur pays d’origine en le soutenant financièrement. Ainsi en 2018, ils ont transféré 7,2 milliards de dollars, soit 12,7% du PIB total du pays. Mais depuis des dizaines d’années, le Hezbollah, soutenu par l’Iran a trouvé le filon et exploite à son profit ce lien dynamique. Il utilise les chrétiens libanais pour ses opérations financières douteuses et pour la préparation d’attentats.
Un citoyen américain vient d’être accusé d’avoir recherché des cibles pour le Hezbollah en lui fournissant des informations aux Etats-Unis. Citoyen du New Jersey, Alexeï Saab, 42 ans, originaire du Sud-Liban et naturalisé américain en 2008, a commencé à s’entraîner dès 1999 avec le Hezbollah. Il a subi une formation approfondie notamment en matière de surveillance, d’armes à feu, de production et d’utilisation d’explosifs. Il est devenu membre de la branche du Hezbollah chargée des opérations à l’étranger – comme l’attaque de touristes israéliens en 2012 sur un aéroport en Bulgarie. Il a été actif depuis son arrivée aux États-Unis en 2000.
Il a même été accusé d’avoir tenté en 2005 de tuer un homme soupçonné d’être un espion israélien. Le procureur américain à New York, Geoffrey Berman, a déclaré : «Même si Saab était un citoyen américain naturalisé, sa véritable allégeance était au Hezbollah, l’organisation terroriste responsable de plusieurs dizaines d’attaques terroristes qui ont tué des centaines de personnes». Il fait l’objet de neuf inculpations pour lesquels il pourrait encourir 20 ans de prison.
En mai, un autre Américain d’origine libanaise, Ali Kourani, a été reconnu coupable d’avoir soutenu les attaques du Hezbollah et d’avoir collecté des informations sur les opérations de sécurité dans les aéroports américains, dont John F. Kennedy à New York. Selon le département américain de la Justice : « Les éléments de preuve au procès ont montré que Kourani recherchait des fournisseurs pouvant fournir des armes pour des attaques, identifiait des personnes susceptibles d’être recrutées ou ciblées pour des actes de violence, et rassemblait des informations sur les cibles potentielles et les surveillait».
Les États-Unis font état d’un réseau du Hezbollah plus vaste au sein de la diaspora libanaise chargé de planifier des attaques terroristes mais également d’organiser des campagnes de blanchiment d’argent et de propagande. La police fédérale brésilienne avait arrêté en septembre 2018 un fugitif accusé d’appartenir à la milice du Hezbollah au Liban et d’être l’un des principaux financiers du terrorisme. Assad Ahmad Barakat a été arrêté dans la ville frontalière de Foz de Iguaçu, entre le Paraguay et l’Argentine. En 2004, le département du Trésor américain avait accusé Barakat de servir de trésorier du Hezbollah et a ordonné aux banques américaines de geler ses avoirs aux États-Unis.
Il a été accusé d’avoir blanchi plus de 10 millions de dollars pour le compte du Hezbollah à partir de revenus de la drogue. Le Hezbollah est impliqué dans le commerce mondial de la drogue et il utilise le blanchiment d’argent pour se financer. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), le Liban était le principal producteur de drogues illicites au Moyen-Orient dans les années 1970 et 1980, principalement dans le nord de la vallée de la Bekaa.
De nombreuses recrues du Hezbollah dans le monde sont chargées de récolter des fonds et d’organiser des actions d’influence. Mais le paradoxe tient dans le fait de la complicité de plus en plus grande des Chrétiens dans la campagne au profit du Hezbollah. Les alliés chrétiens courtisent la diaspora pour le compte de la milice libanaise. Le Mouvement patriotique libre (FPM) est le plus actif à l’étranger. Il utilise les ambassades libanaises comme centres de recrutement de chrétiens libanais et pour preuve le récent voyage aux États-Unis du président libanais Michel Aoun et de son gendre, le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil.
En pleine affaire Alexeï Saab, Aoun a lancé à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, un appel à la communauté internationale pour qu’elle aide le Liban à faire face aux défis actuels. Mais simultanément, Bassil s’adressait à la diaspora dans une salle du congrès à Washington, allant jusqu’à affirmer la supériorité de la race libanaise et salué le périlleux voyage de leurs ancêtres pour une vie meilleure aux États-Unis. Ces éloges s’accompagnaient d’un appel politique : «Vous avez vécu en tant que membres de la diaspora et transformé votre maison d’adoption en une seconde maison, conservez donc votre première maison. Votre Liban est un pays béni, alors protégez-le». Pour lui il faut soutenir et protéger le Liban en faisant des dons à son mouvement qui partage le pouvoir avec le Hezbollah au sein du gouvernement libanais.
Il n’a pas hésité ouvertement à justifier son pacte avec la milice libanaise soumise anormalement selon lui à des sanctions américaines en précisant que le Hezbollah «compte 14 députés au parlement représentant une grande partie de la population libanaise et qu’il ne peut donc pas être considéré comme terroriste». Il peut difficilement cacher la vraie nature du Hezbollah qui reste une organisation terroriste que les pays à forte population libanaise ne reconnaissent pas encore.
En fait le Hezbollah arrive à échapper aux sanctions grâce au Venezuela avec qui il participe au trafic de drogue de Maduro. Des responsables pétroliers avertis et formés à l’étranger ont été évincés, et des commandants militaires idéologiques loyalistes, qui ne connaissaient pas l’industrie pétrolière mais qui étaient liés à des organisations narcoterroristes, y compris le Hezbollah, ont pris le relais. Le Venezuela a mis en place un mécanisme de blanchiment d’argent pour tous les terroristes, de l’Iran aux FARC en passant par le crime organisé russe.
La relation avec le Hezbollah s’est développée grâce aux nombreux immigrants libanais expatriés dans les années 1980, pendant la guerre civile. En 2007, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Maduro, et le vice-ministre des Finances, Rafael Issa, ont rencontré le dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans une chambre d’hôtel à Damas. À la suite de cette réunion, Maduro s’est envolé pour Téhéran afin de rejoindre Chavez lors de sa rencontre avec Ahmadinejad. À partir de ce moment-là, de nombreux liens commerciaux ont été établis qui ont conduit au trafic illicite. Les Gardiens de la révolution islamique ont ouvert des filiales au Venezuela, pour entrer dans le système financier international et échapper aux sanctions.
Mais il existe des liens de sang beaucoup plus profonds qui lient le Hezbollah au Venezuela. L’ancien ministre de l’Intérieur et juge Tarek el-Aissami, vénézuélien d’origine syrienne, en est un bon exemple. Celui-ci a joué un rôle important dans le trafic international de stupéfiants, alors qu’il était vice-président exécutif du Venezuela.
Les sanctions américaines contre le Venezuela ont certes affecté les finances du Hezbollah, qui avait du mal à couvrir les salaires de ses combattants en Syrie. Mais il a continué à gagner beaucoup d’argent grâce au trafic de drogue du régime de Maduro sachant que l’armée vénézuélienne tire environ 9 milliards de dollars par an du trafic de stupéfiants, d’essence, de nourriture, d’or et de coltan, ce qui convient parfaitement au Hezbollah. En fait, la milice participe au maintien du régime de Maduro avec l’espoir que le libanais el-Aissami, marionnette du Hezbollah, lui succède.
En Amérique du Sud certains pays sont convaincus de l’influence maligne du Hezbollah. D’ailleurs l’Argentine vient de qualifier le Hezbollah d’entité terroriste ce qui risque de se retourner contre la diaspora libanaise. Il s’agit de mettre en garde les communautés libanaises dans le monde qui ne doivent pas participer au blanchiment du comportement du Hezbollah. L’héritage libanais serait alors en danger.