Le Hezbollah et ses alliés ont investi le Venezuela

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Illustration : Tareck El Aissami

Par Jacques BENILLOUCHE  – Temps et Contretemps

                Le Venezuela, qui est noyauté par le Hezbollah, s’enfonce de plus en plus dans l’antisionisme avec la nomination de Tareck El Aissami à la tête du ministère du Pétrole. Il avait déjà été appelé au pouvoir pour redonner du lustre à un pays qui regorge de réserves pétrolières mais qui subit une crise économique et politique aux conséquences dramatiques. Né le 12 novembre 1974, juriste et criminologue, il est le deuxième des cinq enfants d’une famille druze d’origine syro-libanaise. Son père, Zaydan El Amin El Aissami, alias Carlos Zaydan, est un immigrant venu du djebel druze en Syrie.

            Tareck a été élu député vénézuélien de l’Assemblée nationale en 2006, avant d’être nommé sous-ministre de la Sécurité publique et de la prévention de 2007 à 2008, puis ministre de l’Intérieur et de la Justice jusqu’en 2012. Le 4 janvier 2017, il a été nommé vice-président de la République par Nicolas Maduro, à un poste qui lui donne la légitimité de remplacer le chef de l’État.

           El Aissami est un personnage sulfureux, pas très «blanc», qui a fait l’objet de sanctions économiques de la part des États-Unis, suite à des accusations sur sa complaisance présumée dans le transport de cocaïne. Il avait usé de son pouvoir politique pour permettre le trafic de cocaïne entre la Colombie, le Venezuela, le Mexique et les États-Unis, en relation avec des cartels mexicains et des trafiquants colombiens.

          Par ailleurs il avait été impliqué dans une affaire de faux passeports vénézuéliens révélée en février 2017 par CNN. L’ambassade vénézuélienne en Irak aurait distribué, en échange de fortes sommes d’argent, de faux passeports vénézuéliens à des citoyens syriens, dont une partie seraient des combattants du Hezbollah irakien. Les passeports octroyés permettaient d’entrer sans visa aux États-Unis et dans l’Espace Schengen. Le FBI avait désigné Tareck El Aissami, alors ministre de l’Intérieur et responsable des services d’immigration, comme le donneur d’ordre.

            La crise actuelle pousse les dirigeants vénézuéliens à se tourner vers Tareck El Aissami, décrit comme l’homme fort dans l’ombre. Ses états de service politiques sont éloquents. Commandant du conseil de défense et de sécurité du Venezuela, il dirige de fait la défense nationale et la stratégie de maintien de la sécurité intérieure. Il est deuxième homme dans la pyramide du pouvoir. Mais il est freiné dans son ascension par les accusations de blanchiment d’argent, de corruption et de soutien au terrorisme qui le mettent sur le viseur des Américains.

            Aissami peut se targuer d’avoir beaucoup d’expérience politique, dès son jeune âge. Militant de longue date, il faisait partie de la section locale du parti socialiste arabe Baath et, à ce titre, il avait soutenu Chavez lors de son échec de coup d’État de février 1992. Il peut se prévaloir d’un lien de parenté avec Schibli Aissami, conseiller du commandement populaire de la branche irakienne du parti Baath. La famille Aissami provient à l’origine de la ville d’Amtan dans le district sud de la Syrie de Sweida et de la ville d’Hasbaya dans le sud-est du Liban. Aissam est le nom d’un petit village situé sur les contreforts orientaux du mont Hermon, dans l’ouest de la Syrie.

            El Aissami est un pur et dur de la gauche. Durant ses études, il avait rencontré Adan Chavez, frère d’Hugo Chavez avec qui il avait milité dans les groupes d’étudiants de gauche, inspirateurs des mouvements révolutionnaires. Il fut nommé chef de l’union étudiante Utopia. Son ascension politique a été lancée après les succès de Chavez en 1999 et en 2013. Malgré la mort de Chavez et l’arrivée de Maduro en 2013, il est resté un personnage clé dans la vie politique, certainement parce qu’il est le véritable chef de la sécurité nationale et de la défense. Il reste cependant accusé par les Occidentaux de diriger une organisation criminelle majeure au service du gouvernement vénézuélien.

            Le Venezuela, le pays le plus riche d’Amérique latine, n’a pas de chance. Il est passé d’un dictateur antisémite aux inspirations populistes, Hugo Chavez, à un fossoyeur de l’économie, Nicolas Maduro. À présent il pourrait, peut-être, tomber sous la coupe d’un spécialiste suspecté de trafic de drogue et de terrorisme, qui plus est druze syrien. Alors que les États-Unis ont mis à prix la tête du président vénézuélien depuis que Rosneft, le plus grand pétrolier étranger au Venezuela a rendu nulles et non avenues les sanctions US en transférant ses actifs à l’État russe, un coup de théâtre vient de se produire. Le président Maduro a nommé un haut responsable «radicalement chaviste», Tareck El Aissami, à la tête du ministère vénézuélien du Pétrole. Blacklisté par les États-Unis, ce haut responsable est un sympathisant du Hezbollah, des Palestiniens et des Iraniens. Ces événements pourraient avoir des conséquences dépassant le cadre latino-américain.

            L’homme de confiance de Maduro a reçu pour tâche de «restructurer et de réorganiser» le secteur pétrolier à l’heure où les prix du brut sont au plus bas. Mais le secteur pétrolier vénézuélien se penche un peu plus vers le Hezbollah et ses suzerains tandis que la Russie est entrée dans le circuit. La nomination de Tareck El Aissami n’est pas évidemment du goût de Washington. Mais Nicolas Maduro s’est acquis le soutien de l’armée et des «colectivos», les forces auxiliaires bolivariennes du Venezuela, en optant pour les mêmes stratégies que la Syrie, l’Iran et la Russie. Il y a peu, le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Jorge Arreaza, en visite à Damas, avait salué le fait que le peuple syrien était prêt à mettre à la disposition du Venezuela tout ce dont a besoin ce pays.

            L’armée vénézuélienne a étudié les nouvelles formes de combat apportées par le Hezbollah en Syrie et cela explique la décision de l’Iran de venir en aide au Venezuela. Une ligne aérienne Téhéran-Caracas a été créée. Il s’agit d’un message clair à la Maison-Blanche que le Venezuela dispose dorénavant d’alliés russe, iranien et chinois. Le porte-parole de la diplomatie iranienne Abbas Moussavi a estimé que : «Les États-Unis veulent, comme au XIXème siècle, transformer l’Amérique Latine en leur arrière-cour, ignorant le fait que les nations du monde et de cette région étaient désormais éveillées et qu’elles ne laissaient plus que l’histoire se répète».

            Le président des États-Unis Donald Trump est convaincu qu’il y a en Amérique latine un triangle qui serait en train de se créer (à la frontière commune du Brésil avec l’Argentine et le Paraguay) dont le Hezbollah libanais bénéficierait politiquement et économiquement. La Maison-Blanche estime que si le Hezbollah se plaçait au centre de ce triangle, il pourrait devenir une «source de danger pour les États-Unis», avec des conséquences dépassant le cadre latino-américain, très loin au Moyen-Orient. Le réveil des Américains est peut-être tardif. En raison d’importantes coopérations dans le domaine de la défense et du renseignement, le Venezuela est pour l’Iran une source importante d’informations sur les États-Unis. La présence rapprochée des Iraniens fait peur aux Américains dont les mesures prises pour éloigner leurs adversaires du continent américain sont pour l’instant stériles car il ne s’agit que de sanctions économiques qui sont souvent détournées.

            Israël a souvent mis en garde le monde occidental sur l’influence néfaste du Hezbollah sur le plan international et sur ses ramifications mondiales. Un pays sud-américain est tombé à présent entre leurs mains; d’autres, aussi faibles, risquent aussi le même sort avec la crise économique pétrolière.

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