Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Le Hamas, qui évite d’organiser des troubles à sa frontière pour permettre à ses ouvriers de la traverser pour travailler en Israël, ne désarme pas et télécommande les manifestations suscitant une nuit de chaos sur l’esplanade al-Aqsa. La police israélienne a été contrainte d’intervenir pour rétablir l’ordre en procédant à l’arrestation de plus de 350 personnes et en lançant des grenades assourdissantes pour disperser les Palestiniens retranchés dans la mosquée Al-Aqsa. La situation a ensuite complètement dégénéré avec le lancement de roquettes depuis Gaza, interceptées par la défense anti-aérienne d’Israël. Au petit matin du 5 avril, la police israélienne a décidé d’évacuer entièrement les lieux en chassant par la force les fidèles et les journalistes. Les Israéliens s’opposaient à la présence continue des Palestiniens dans la mosquée Al-Aqsa, en ce mois de Ramadan.
Il s’agit en fait d’une tradition, «Itikaf», consistant à passer nuit et jour à la mosquée dans une sorte de retraite continue. Israël refuse cette concentration de fidèles qui est à l’origine de troubles et dont il n’a pas le contrôle. La police s’engage effectivement à garantir la liberté de culte mais elle interdit cette présence continue à Al-Aqsa. Les musulmans interprètent cette décision comme une atteinte à leur religion. Cette situation est télécommandée par le Hamas qui se nourrit des troubles qu’il qualifie de «crime sans précédent». Il a appelé les Palestiniens de Cisjordanie «à se rendre en masse vers la mosquée Al-Aqsa pour la défendre».
Ce même jour est le début de la fête de Pessa’h, la Pâque juive, tandis que la police craint que des nationalistes juifs mettent leur menace à exécution consistant à sacrifier des agneaux sur le Mont du temple. Mais ce rite biblique est interdit par les autorités israéliennes et même par le rabbinat.
Le Hamas a donc attisé le feu en lançant plusieurs roquettes depuis le nord de la bande de Gaza en direction du territoire israélien. L’armée israélienne a indiqué que cinq roquettes avaient été «interceptées par la défense anti-aérienne» dans la zone de Sdérot. Encouragés par les dirigeants de la Bande, des dizaines de manifestants sont descendus dans les rues de Gaza en brûlant des pneus aux cris de «Nous jurons de défendre et de protéger la mosquée d’Al-Aqsa».
Les Égyptiens ont «condamné l’irruption de la police israélienne à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa et l’agression contre les fidèles. L’Égypte tient Israël, puissance occupante, comme responsable de cette dangereuse escalade qui pourrait saper les efforts de trêve».
Netanyahou a accusé les extrémistes musulmans d’être responsables des affrontements : «Les fidèles musulmans de la mosquée Al-Aqsa témoignent que les extrémistes musulmans qui se sont barricadés dans la mosquée les ont emprisonnés et ont empêché d’autres musulmans de venir à la mosquée pour prier». Selon les services de police, les affrontements se sont produits après qu’un groupe de personnes à l’intérieur de la mosquée se soit barricadé en réponse aux appels du Hamas pour empêcher les Juifs de monter sur le Mont du Temple et d’y offrir un sacrifice. Plusieurs jeunes musulmans avaient apporté des pétards et des pierres à utiliser contre des fidèles juifs ce qui a poussé les forces de sécurité à agir pour les évacuer du site.
Nabil Abu Rudeineh, porte-parole de l’Autorité palestinienne, a déclaré que : «Le gouvernement israélien porte l’entière responsabilité de l’agression contre la mosquée Al-Aqsa, qui est le début d’une guerre contre le peuple palestinien». Pour le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit : «Les approches extrémistes qui contrôlent la politique du gouvernement israélien conduiront à des affrontements généralisés avec les Palestiniens s’ils ne sont pas mis fin». Le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Égypte et la Jordanie ont également accusé Israël de ce qu’ils ont qualifié de «répression injustifiée» sur le lieu saint.
Le porte-parole de la Commission européenne, Peter Stano, a déclaré que Bruxelles était «profondément préoccupée par les tensions et la violence croissantes que nous avons constatées dans la nuit à l’intérieur de l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa. Il est extrêmement important de préserver le statu quo historique du lieu saint. Les Israéliens et les Palestiniens doivent faire preuve de la plus grande retenue pendant les fêtes religieuses». Pour le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi : «L’attaque israélienne brutale contre des fidèles pacifiques à Al-Aqsa est un acte abominable qui viole toutes les lois, les valeurs humaines. Ces pratiques illégales, inhumaines et provocatrices, poussent à l’explosion en ces jours saints».
La Turquie qui vient de renouer avec Israël est très critique : «Nous dénonçons dans les termes les plus forts le raid des forces de sécurité israéliennes sur la mosquée Al-Aqsa depuis la nuit dernière, violant le caractère sacré d’al-Haram al-Sharif et le statu quo historique. Le gouvernement israélien doit arrêter immédiatement toutes sortes d’incitations, d’actions et d’attaques qui pourraient conduire à une nouvelle escalade de la tension dans la région».
Le ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, a été clair : «Tsahal se prépare à toutes les possibilités. Nous frapperons quiconque essaie de nous faire du mal, avec un lourd tribut». Il faut noter cependant qu’en dehors des affrontements, les prières ailleurs sur le site se poursuivaient normalement. Les prières se sont déroulées dans le calme et le respect, des centaines de milliers de fidèles étant arrivés dans la vieille ville de Jérusalem sans problème. Le Hamas et le Jihad islamique ont tiré plusieurs roquettes sur les communautés du sud d’Israël après les affrontements sur le mont du Temple. En représailles, Tsahal a frappé deux cibles du Hamas à Gaza où des armes étaient stockées ou fabriquées. Les résultats ont été immédiats puisque les tirs ont cessé aussitôt. Aucune victime n’a été signalée. Israël a prévenu le Hamas qu’il ne recherchait pas l’escalade.
Et dans une sorte de synchronisation orchestrée par les islamistes, des sirènes ont retenti dans des dizaines de villes et de villages du nord d’Israël au milieu d’un barrage de roquettes depuis la frontière nord d’Israël. L’alerte a été lancée pendant la fête de Pessa’h.