PAR LAURENT LAGNEAU · OPEX 360
Si la France n’a pas pris part aux frappes aériennes menées la semaine passée par les États-Unis et le Royaume-Uni contre les sites utilisés au Yémen par les rebelles Houthis pour attaquer les navires commerciaux aux abords du détroit de Bab el-Mandeb, c’est parce qu’elle a voulu éviter « toute escalade ». Telle est l’explication donnée par le président Macron, lors de sa conférence de presse du 16 janvier.
La France a décidé de ne pas « se joindre » à ces « frappes préventives parce que nous avons une posture qui cherche à éviter toute escalade », a en effet déclaré le locataire de l’Élysée, estimant qu’il s’agissait d’un sujet « diplomatique » et non « militaire ».
Cette retenue explique aussi la raison pour laquelle la frégate multimissions [FREMM] Languedoc, pourtant visée à deux reprises par les Houthis en décembre, n’a pas été engagée dans la coalition « Gardien de la prospérité », dirigée par les États-Unis. La volonté de la France – qui est aussi celle de l’Italie – est d’agir au niveau européen, avec le lancement d’une nouvelle opération navale en mer Rouge. Celle-ci vient d’ailleurs d’être approuvée par le Comité politique et de sécurité [COPS] des Vingt-Sept et devrait s’appeler « Aspis » [« bouclier » en grec].
Mer Rouge. Un accord des 27 ambassadeurs COPS pour édutier tous les détails de l’opération. Chacun veut aller vite sur l’initiative fr-all-Ita. Et selon info B2 le nom de code l’opération pourrait porter le nom « Aspis » = bouclier en grec https://t.co/rXX9Mw3tsN
— Nicolas Gros-Verheyde (@bruxelles2) January 18, 2024
La France, l’Italie et l’Allemagne [qui envisage de mobiliser l’une de ses trois frégates de type Sachsen sous réserve d’un feu vert du Bundestag] devraient être les principaux contributeurs de cette opération européenne. Reste à voir ce que feront les autres États membres. Déjà, l’Espagne a fait savoir qu’elle n’y participerait pas.
Étant donné que les attaques lancées par les Houthis contre le trafic maritime ne peuvent que perturber les activités de l’armateur Maersk, l’une de ses entreprises les plus importantes, le Danemark est forcément concerné par la situation en mer Rouge. En décembre, le ministère danois de la Défense a annoncé qu’une frégate y serait déployée. Depuis, entre la coalition dirigée par les États-Unis et l’opération européenne [qui était encore hypothétique], Copenhague a tranché.
En effet, ce 18 janvier, le ministre de la Défense, Troels Lund Poulsen, a confirmé que la marine royale danoise rejoindrait la coalition « Gardien de la prospérité » avec une frégate et au moins un officier d’état-major censé participer à la planification des opérations.
« Nous avons répondu au souhait que le Danemark fasse partie de cette coalition », a justifié le ministre. « Il ne s’agit pas d’un pseudo-travail militaire. C’est une situation sérieuse dans laquelle le Danemark affirme qu’il assumera également la responsabilité politique de mettre un terme à ce qui se passe », a-t-il ajouté.
Jusqu’en 2022, un tel choix aurait été logique puisque, parmi les membres de l’Union européenne [UE], le Danemark bénéficiait d’une « clause d’exemption » en matière de défense, laquelle avait été accordée pour convaincre les Danois d’accepter le traité de Maastricht, trente ans plus tôt. Aussi, ce pays se tenait depuis à l’écart de la Politique de sécurité et de défense commune [PSDC] et ne contribuait par conséquent pas aux missions militaires conduites par l’UE.
Seulement, profitant de l’émotion suscitée par la guerre en Ukraine, et après plusieurs tentatives infructueuses, les partis pro-européens danois parvinrent à leur fin, c’est à dire à l’abandon de cette clause d’exemption, à laquelle les électeurs danois renoncèrent massivement lors d’un nouveau référendum.
À noter que les Pays-Bas, pourtant engagés dans la coalition « Gardien de la prospérité » [avec seulement deux officiers d’état-major], envisagent de participer à l’opération navale que s’apprête à lancer l’UE en mer Rouge en y engageant une frégate. Mais avant de prendre une telle décision, la ministre néerlandaise de la Défense, Kajsa Ollongren, a dit vouloir des « éclaircissements » sur les contributions des autres États membres.