Cela va donc faire 80 ans qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur les plages de Normandie, l’opération Overlord fit déferler sur l’Europe des milliers de GI et de tommies. On commence à peine à écorner la légende dorée façon Jour le plus long pour feindre de découvrir la face cachée de cette opération « Suzerain » (Overlord, en anglais). Bombardements au napalm, viols, exactions, pillages : on comprend pourquoi, même vingt ans après, en 1964, le général de Gaulle refusa d’assister aux cérémonies de commémoration.
Mais bon, qu’est-ce que vous voulez, l’eau a coulé sous les ponts, l’Histoire officielle s’est figée pour quelques siècles, probablement, et les vainqueurs se retrouvent désormais chaque année pour que « plus jamais ça ». Il n’empêche que les cimetières interminables de Colleville ou les témoignages de vétérans (comme le SAS français Achille Muller) émeuvent aux larmes, pas de sensiblerie mais de fierté, et il est normal de glorifier la part lumineuse de ce Débarquement, c’est-à-dire la libération progressive du joug nazi. Tous les Alliés communient donc devant ce sacrifice.
Tous ? Non ! Cette année, encore, il manquera Vladimir Poutine, dont le pays a pourtant payé le plus lourd tribut en victimes civiles et militaires. Les Américains, malgré une tendance lourde à en faire des tonnes, n’eurent en effet à déplorer qu’environ 300.000 pertes militaires (la France perdit 250.000 soldats), quand l’URSS en compta plus de 13 millions ! Mais l’on peut comprendre cette exclusion, Poutine ayant envahi l’Ukraine en violation du droit international.
À la place de Poutine, on a mis Zelensky. Est-ce à la manière des géopoliticiens de plateau, qui placent l’Iran et la Turquie dans le monde arabe ? Est-ce une manière de se dire « tout ça, c’est dans l’Est » ? Vous n’y êtes pas ! C’est tout simplement parce que Volodymyr Zelensky est aussi « gentil » aux yeux de l’OTAN que Vladimir Poutine est « méchant ». Oubliée, la corruption endémique, passés sous silence, les soupçons de détournement de fonds destinés à la guerre…
Et puis, il y a un autre truc qui a disparu : l’histoire de l’Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui est un peu dommage, parce que c’est le cœur du sujet. Le régime de Kiev ne s’est jamais vraiment distancié du « héros national » Stepan Bandera, collabo jusqu’en 44, payé par l’Abwehr et considéré, encore aujourd’hui, comme une icône du nationalisme ukrainien. Il a même envoyé au Parlement canadien un ancien nazi. Oups ! Et on ne parlera pas du bataillon Azov, si « premier degré » dans sa symbolique national-socialiste que Moscou n’a même pas besoin d’utiliser ses méthodes de propagande, qui pourtant saturent l’espace médiatique européen, en ce moment.
Nicolas Dupont-Aignan a rappelé tout cela dans une interview sur Public Sénat. On va le traiter de facho. C’est le problème de tous ceux qui écrivent sur ce conflit ou en parlent (y compris l’auteur de ces lignes) : les hystériques de chaque camp les accusent de rouler pour celui d’en face. C’est plus pratique que de réfléchir. Plus confortable, aussi.
Ce n’était peut-être pas le moment d’inviter Poutine, nous sommes bien d’accord. Mais c’est – avouons-le – plutôt incongru de ranger Zelensky parmi les libérateurs. L’Histoire au présent est de la politique. Mais la politique, même au passé, ne devrait pas être publiée par l’Histoire.