Le 11 septembre, 20 ans après…

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Par Richard PRASQUIER – Desinfos

C’était dans un hôtel de Kiev, il y a vingt ans ; nous rentrions d’une visite à Babi Yar et nous faisions le debriefing d’un voyage du Joint en Ukraine, quand un homme a déboulé dans la pièce en criant en hébreu « Kara asson ! ». Il est arrivé un malheur ! Et nous avons allumé la télévision…..

Aujourd’hui, l’empilement des cadavres des Juifs fusillés dans le ravin de Babi Yar un jour de Rosh Hachana, il y a exactement 80 ans, et l’effondrement de la Tour à New York, il y a exactement 20 ans, se télescopent encore dans mon esprit.

Il y a eu à Babi Yar en deux jours, 34 000 victimes en 1941, treize fois plus qu’à New York en 2001. Le massacre resta ignoré jusqu’au poème de Evgueni Evtouchenko en 1961, repris dans la 13e symphonie de Chostakovitch. Hommage à ces deux hommes qui n’étaient pas juifs et dont l’oeuvre fut censurée par le régime soviétique d’alors.

Les attentats du 11 septembre sont probablement l’événement de l’histoire dont la médiatisation en direct a été le plus intense. Cela est lié non seulement à sa gravité, mais à son lieu de survenue, au centre du capitalisme mondial, dans cette hyperpuissance américaine absolument sans rivaux à l’époque. Cela est lié aussi à ces images télévisées hypnotisantes qui présentent l’horreur de façon en quelque sorte aseptisée : l’avion qui se jette dans la tour qui va s’effondrer, des personnages indistincts qui se précipitent dans le vide, sans qu’on voie de débris humains carbonisés ou disloqués, ni le visage de ceux qui vont mourir.

Et puis, le temps est passé……

En vingt ans, la technique photographique a évolué, et le voyeurisme aussi. Daech a transformé les scènes de décapitation en spectacle pour des amateurs qui sont devenus des recrues. Ben Laden était dépassé.

Après le 11 septembre, chacun se sentait américain. Pourtant six mois plus tard, le livre de Thierry Meyssan, « l’Effroyable imposture », qui attribuait les attentats au complexe militaro-industriel et au Mossad, fut un grand succès, malgré ou plutôt grâce à l’absurdité de ses thèses. Cette théorie du complot, d’une époque d’avant les réseaux sociaux, continue de faire des ravages vingt ans après.

Et qui aurait imaginé que l’Histoire puisse bégayer à ce point ? Voici le retour des Talibans en Afghanistan, d’où ils avaient été chassés quand le mollah Omar a refusé de livrer Ben Laden aux Américains. Voici le projet de Durban 4 à l’ONU, en souvenir de l’ignoble conférence qui eut lieu quelques jours avant les attentats, et qui aboutit à une diabolisation d’Israël. Voici la tentative du fils Massoud de lutter contre les talibans dans le Panchir qui fait écho à l’assassinat de son père le 9 septembre 2001.

Le futur du terrorisme islamiste ne sera pas une répétition du passé. Il utilisera les menaces qui pèsent sur le monde moderne, auxquelles nous évitons souvent de penser. L’archaïsme de la pensée djihadiste s’accommode avec l’inventivité technologique et avec la subtilité diplomatique.

Car si les talibans d’hier ne s’appuyaient que sur une géographie difficile, des traditions tribales et un financement de la péninsule arabique, ceux d’aujourd’hui sont soutenus par le Pakistan, la Russie, la Chine, l’Iran, le Qatar et la Turquie, excusez du peu. Nous devons compter sur ces six pays pour brider leurs velléités terroristes, mais ils agissent en fonction de leurs propres intérêts et ceux-ci les poussent en général à affaiblir les rivaux occidentaux.

Quant à croire que les talibans ont changé, qu’ils vont tenir leurs promesses d’inclusivité, il suffit d’apprendre leurs décisions, de lire leurs déclarations, de regarder leur propagande pour constater que rien n’évoque la modération

L’Occident a abandonné l’idée de faire évoluer la société afghane, mais il se cramponne à l’espoir que le pays ne servira plus de protection, de base de repli et d’entrainement à une organisation djihadiste à visée internationale. Et le spectre du 11 septembre refait surface.

Les liens avec Al Qaida des dirigeants afghans d’aujourd’hui sont très profonds. Leur proximité idéologique est totale et la menace d’exportation du djihad à l’étranger, à condition que ce ne soit pas chez les pays amis, pourrait être utilisée comme une arme diplomatique.

Al Qaida, vingt ans après le 11 septembre, n’est certes que l’ombre de ce qu’elle a été, mais elle reste une franchise recherchée comme en témoigne sa filiale AQMI au Sahel, qui aura de beaux jours avec le retrait de la France. Et d’autres mouvements djihadistes ont défrayé l’actualité depuis le 11 septembre 2001.

Ben Laden croyait qu’il suffirait de frapper les Etats Unis pour les disloquer, parce qu’il pensait que c’était la victoire de l’Islam contre les Russes, suivie de leur retrait de l’Afghanistan, qui avait entrainé la dissolution de l’Union Soviétique.

Ben Laden a échoué, mais vingt ans après, les islamistes voient de nouveau en la défaite de leurs ennemis en Afghanistan l’annonce du désengagement américain, prélude à la victoire de l’Islam.

Quant à l’Occident, à garder les yeux exclusivement fixés sur la résurgence d’une organisation djihadiste qui lui rappelle des souvenirs tragiques, mais qui n’est pas parvenue à l’abattre, il risque de les détourner du danger plus insidieux mais plus vraisemblable d’une version plus policée de l’islamisme, comme celle des Frères Musulmans, aussi hostile, mais plus hypocrite que celle des auteurs des attentats du 11 septembre.

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