Le gouvernement conservateur, dirigé par Sebastian Kurz, a lancé vendredi une offensive qui pourrait conduire à l’expulsion de dizaines d’imams financés par la Turquie. Sept mosquées, accusées de tendances extrémistes, ont été fermées.
Lors de son élection comme chancelier d’Autriche, en décembre dernier, Sebastian Kurz, du haut de ses 31 ans, promettait une «tolérance zéro» envers un islam qu’il espérait devenir «européen». Vendredi, les premières réformes de son gouvernement, codirigé par le parti conservateur (ÖVP), dont il est le chef, et le parti de la liberté (FPÖ, extrême droite), ont été annoncées. «Des sociétés parallèles, l’islam politique et la radicalisation n’ont pas leur place dans notre pays», a argué le jeune dirigeant lors d’une conférence de presse.
Ainsi, sept lieux de culte musulmans ont été fermés: ils ne respecteraient pas la loi autrichienne de 2015, selon laquelle les responsables de mosquées doivent adopter «une attitude positive envers l’État et la société». Parmi les sept mosquées, quatre se situent à Vienne. Six d’entre elles sont chapeautées par une association, sans affiliation nationale et non liée à la Turquie, baptisée «association cultuelle arabe». Certains de ses représentants sont accusés de prêcher un islam radical. Une septième mosquée est considérée sous influence de l’organisation ultranationaliste turque des «Loups gris».
Des imams bientôt exclus?
Autre mesure, les autorisations de séjour des imams rattachés à l’Union islamique turque d’Autriche (Atib), la plus puissante association religieuse turque du pays, devraient bientôt être reconsidérées. La même loi de 2015 interdit le financement des imams par des fonds étrangers. Or, cette organisation est liée à la direction des Affaires religieuses turque, Diyanet. Une soixantaine d’imams seraient concernés par cette mesure. Avec leurs familles, ils pourraient perdre leur droit de résidence en Autriche, selon le ministre de l’Intérieur, Herbert Kickle. Dans les faits, seuls deux imams affiliés à l’Atib, sur les 60 personnes potentiellement concernées, se sont d’ores et déjà vus opposer un avis négatif de séjour et risquent l’expulsion. Les autres cas seront examinés au fur et à mesure et l’ensemble de la procédure prendra du temps. Ces décisions pourront également faire l’objet de recours, a précisé le gouvernement.
Environ 360.000 personnes d’origine turque vivent en Autriche, dont 117.000 ont la nationalité turque. Les relations entre Ankara et Vienne sont particulièrement tendues depuis la répression qui a suivi la tentative de putsch contre le président Erdogan en juillet 2016. Le gouvernement autrichien a explicitement interdit aux responsables turcs de tenir des meetings dans le pays en vue des élections du 24 juin. Début avril, la publication de photos dans une mosquée viennoise avait créé la polémique. Il s’agissait de la reconstitution d’une bataille emblématique de l’histoire ottomane jouée par des enfants habillés en soldats. Certains étaient allongés pour figurer les victimes, leur corps enroulé dans un drapeau turc, suscitant l’émotion de la classe politique.
Ankara n’a pas tardé à réagir à ces annonces, les qualifiant de «résultat de la vague populiste, islamophobe, raciste et discriminatoire dans ce pays», selon les propos sur Twitter du porte-parole de Recep Tayyip Erdogan. A contrario, Marine Le Pen s’est félicitée que l’Autriche prenne «les choses en main contre l’islam politique». Le tout nouveau ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, chef de la Ligue, a de son côté salué l’initiative autrichienne contre «l’extrémisme religieux», souhaitant rencontrer rapidement l’exécutif viennois.