L’arc-en-ciel et ses couleurs. Riches en symboles…

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L'arc-en-ciel et ses couleurs. Riches en symboles…

L’arc-en-ciel est le mazal du mois de Kisslev … essayons de trouver le sens de ce signe énigmatique  

Nous nous trouvons à une période de l’année où les pluies et le soleil devraient être présents en alternance, ce qui rend parfois possible l’apparition d’un arc-en-ciel. Ce dernier est d’ailleurs le mazal du mois de Kisslev. Le premier arc-en-ciel significatif apparaît lui aussi en Kisslev lorsque Hachem conclut une alliance avec Noa’h suite au maboul, le Déluge.

Quel est le sens de ce signe énigmatique ?

Essayons de découvrir, à partir du texte de la Tora et de commentaires concernant cette alliance, la signification riche et profonde de ce signe.
« D’ dit : « Ceci est le signe de l’alliance que J’établis entre Moi et vous, et tous les êtres animés qui sont avec vous pour les générations à venir. J’ai placé Mon arc dans la nuée, et il deviendra un signe d’alliance entre Moi et la terre. Et lorsque J’amoncellerai des nuages sur la terre, et que l’arc-en-ciel apparaîtra dans la nuée, Je Me souviendrai de Mon alliance entre Moi et tous les êtres animés parmi toute chair, et les eaux ne deviendront plus un déluge, pour anéantir toute chair. L’arc étant dans les nuages, Je le regarderai pour rappeler le pacte perpétuel entre D’ et toutes les créatures vivantes, parmi toutes chairs qui sont sur la terre » (Beréchith/Genèse 9,12-16).

Ce texte soulève quelques questions :
1. Nous savons que l’arc-en-ciel est un phénomène naturel simple, résultant de la réfraction et de la réflexion des rayons du soleil sur les nuages. Comment expliquer alors que l’apparition de l’arc-en-ciel relève ponctuellement du rappel à l’ordre de Hachem quant aux fautes de la génération ?
2. Nos Sages nous enseignent dans les Pirké Avoth (5,6) que l’arc-en-ciel est l’une des dix créations du sixième jour de la Genèse, vers le crépuscule. N’y avait-il pas d’arc-en-ciel avant le Maboul ?
3. Que signifie le terme hébraïque « Kécheth » ?
4. Quel est le sens de l’apparition de l’arc-en-ciel ? En quoi ce signe particulier avec sa forme et ses sept tons, exprime-t-il le rappel de l’Alliance et de la promesse de Hachem à Noa’h ?

L’arc-en-ciel : phénomène naturel ou signe providentiel ?

Le Ramban, dans son commentaire sur la Tora (Beréchith/Genèse 9,12), accepte de considérer l’arc-en-ciel comme un phénomène naturel tel que les Grecs dans l’Antiquité l’expliquaient déjà : en effet, dit-il, lorsque le soleil frappe sur de l’air humide, il en résulte naturellement un arc-en-ciel ; il suffit d’exposer un bassin d’eau au soleil pour voir apparaître les sept couleurs du prisme !

Selon Ramban, ce phénomène naturel est apparu dès les six jours de la Création. C’est pourquoi le début du verset 13 est au passé : « J’ai placé Mon arc dans la nuée – depuis bien longtemps – et il deviendra – désormais – un signe d’alliance ». Même si l’arc-en-ciel existait depuis la Genèse, c’est donc après le maboul qu’il va prendre toute sa signification métaphysique.
D’ailleurs, nos Sages nous révèlent que toute chose créée avant l’entrée du Chabbath de la Création, vers le crépuscule, est une création à la limite du surnaturel, comme la bouche de l’ânesse de Bil’am, le puits de Myriam, la manne, les Tables de la Loi (rabbénou Yona, ad loc. dans Avoth).
Le Maharal (Beèr Hagola) précise qu’il n’y a pas de contradiction entre la facette naturelle du phénomène (relation de cause à effet) et la source du phénomène, la Cause des causes, d’ordre métaphysique : « Car la cause divine dirige la nature ». La cause première de la formation de l’arc-en-ciel est donc bien d’ordre suprême et au même moment sur terre, les phénomènes naturels se conjuguent pour le faire apparaître dans les nuages au moment voulu.
On peut ainsi comprendre qu’il y ait des générations où, nous disent nos Sages (Midrach Rabba, Rachi), l’arc-en-ciel n’a pas eu besoin de se profiler à l’horizon, comme pour celle de ‘Hizkiyahou, roi de Judée, ou celle de rabbi Chim’on bar Yo’haï car ce furent des générations de Tsadiqim parfaits.

L’arc-en-ciel : création de la Genèse ou création post diluvienne ?

Contrairement au Ramban, d’autres commentateurs pensent que l’arc-en-ciel ne pouvait apparaître avant le Maboul. Ainsi, d’après Ibn Ezra, Hachem renforça la lumière solaire après le Maboul, ce qui permit la manifestation de l’arc-en-ciel. Rav Yits’hak Abarbanel, quant à lui, soutient qu’avant le Maboul, les vapeurs provenant de la terre étaient si épaisses, qu’une seule aurait suffi à humidifier toute la surface de la terre, comme le dit le verset (Beréchith 2,6). Les nuages étaient si denses que les rayons de soleil ne pouvaient les traverser, et donc l’arc-en-ciel ne pouvait pas être visible. Ce n’est qu’après le Maboul que Hachem diminua les vapeurs, raffina l’air et que désormais les rayons de soleil réussirent à traverser l’air et que l’arc-en-ciel put être perçu. D’après le rav Abarbanel, l’arc-en-ciel prouve donc, par son apparition, la diminution de l’eau dans l’atmosphère, élément incompatible avec l’éventualité d’un autre déluge.

L’arc-en-ciel : symbole de paix

Que signifie l’apparition de l’arc-en-ciel ? En quoi symbolise-t-il une alliance avec les hommes ?
Le Ramban s’attache à commenter la forme de l’arc. Il fait ainsi remarquer que si l’arc était tourné vers la terre, cela signifierait l’intention du Maître du Monde de tirer sur la terre, à D’ ne plaise, comme le chasseur dirige l’arc et la flèche vers l’objectif qu’il veut viser. Or, l’arc est tourné en quelque sorte de l’autre côté, vers le Ciel, comme pour symboliser l’intention pacifique de Hachem. En effet, à l’époque, les combattants avaient l’habitude de retourner l’arc vers eux en signe de volonté de « cessez-le-feu ». De plus, continue le Ramban, l’arc-en-ciel n’a pas de flèches. Tout cela révèle bien que le rappel à l’ordre véhiculé par l’arc-en-ciel est doublé d’un message de paix.

Le Kécheth et la Midath haDin

Le Maharal (‘Hidouché aggadoth) lie le mot Kécheth au mot kaché, qui signifie « dur », l’arc-en-ciel symbolise alors la Midath haDin – l’Attribut de Rigueur.
On peut lire ainsi les versets 14-15 :
L'arc-en-ciel et ses couleurs. Riches en symboles…« Et lorsque J’amoncellerai des nuages sur la terre [Rachi : « Lorsque Je voudrai amener sur la terre l’obscurité et la désolation » – les nuages symbolisent ici la punition] et que l’arc apparaîtra dans la nuée. Je Me souviendrai de mon Alliance entre Moi et vous […] – entre Elokim et entre toute âme vivante qui réside dans les créatures de chair sur terre ».
Le Midrach Beréchith Rabba (chap. 35) précise : « Entre Elokim – c’est la Midath haDin d’en-Haut, et entre toute âme vivante – c’est la Midath haDin d’en-bas » – la Midat haDin céleste étant plus forte, et la Midat haDin terrestre moins sévère.
Le Malbim explique ainsi ce Midrach énigmatique : le Jugement divin est différent, s’il prend en compte l’être qui a fauté ou Celui contre Qui on a fauté. Si l’on regarde l’acte sous l’angle du Tout-Puissant, même une faute légère devient grave, vu l’offense qu’elle représente vis-à-vis du Maître du Monde. Ceci est appelé la Midath haDin d’en-Haut.
Par contre, si l’on juge le même acte en prenant en considération la « créature de chair » (verset 16) qui a fauté, interviennent ici des circonstances atténuantes, ainsi que nous implorons Hachem dans nos supplications quotidiennes : « Car Il connaît notre mauvais penchant, Il Se souvient que nous ne sommes que poussière » (Tehilim/Psaumes 103,14). C’est cela la Midath haDin terrestre, et c’est en vertu de cet attribut que Hachem reste clément. L’arc-en-ciel révèle ainsi l’Attribut de longanimité de Hachem.

L’arc-en-ciel : reflet de la Chekhina

Le prophète Ezéchiel va même jusqu’à associer l’arc-en-ciel au reflet de la Gloire divine : « Comme l’aspect de l’arc qui se forme dans la nuée en un jour de pluie, tel apparaissait le cercle de lumière : c’était le reflet de l’image de la Gloire de D’. A cette vue, je tombais sur ma face et j’entendis une voix qui parlait » (Ezéchiel 1, 28).
D’après le Maharal (id.), c’est parce que l’arc-en-ciel est l’image de la Gloire divine qu’Il a été choisi comme signe de L’Alliance que le monde ne sera plus détruit : c’est pour Sa Gloire divine que D’ n’enverra pas un autre déluge.
En quoi l’arc-en-ciel s’apparente-t-il à la Gloire de D’ ? Le Midrach rapproche le mot Kécheth, des mots « moukach » (comparable) et « kach » (paille).
L'arc-en-ciel et ses couleurs. Riches en symboles…Le Malbim explique que l’arc-en-ciel ressemble (Moukach) à la Divinité mais que cette ressemblance n’est que partielle, comme l’écorce (kach) évoque le fruit lui-même. Ainsi, la lumière du soleil, uniforme au départ, se divise en sept tons lorsqu’elle rayonne sur un nuage ; de même, la lumière de D’, unique dans sa source, se divise en ses sept Sefiroth ou attributs divins, lorsqu’elle rayonne sur le monde.
Le rav Elie Munk trouve une allusion à ces sept attributs de la lumière divine dans le passage de שים שלום du Chemona ‘Esré : « Bénis-nous notre Père, tous ensemble, par la lumière de Ta face car c’est par la lumière de Ta face que Tu nous as donné notre D’, une Tora vivante, l’amour du ‘Hessed, la justice, la miséricorde, la vie et la paix » (noussa’h ashkenaze).
Ces sept couleurs éclatantes de beauté seraient donc la projection des Attributs de l’amour divin et leur apparition suscite, si l’on peut s’exprimer ainsi, le réveil de Sa Miséricorde malgré les fautes de la génération.
C’est pourquoi, nos Sages nous recommandent (‘Haguiga 16a) d’ailleurs de ne pas contempler l’arc-en-ciel ; ce serait un manque de respect pour la Chekhina.

Cette lumière qui éclaire l’âme…

Le Malbim continue ce parallèle entre la lumière solaire qui suscite l’arc-en-ciel et la lumière divine : si la lumière du soleil ne se heurte à aucun obstacle sur son parcours, elle continue son chemin sans être réfractée ; si elle rencontre un nuage trop épais, elle s’arrêtera et l’arc-en-ciel n’apparaîtra pas non plus. Ce n’est que lorsque la lumière du soleil traverse un fin nuage qu’elle va pouvoir se diffracter en sept couleurs.
De même, lorsque la Lumière divine traverse les mondes spirituels, elle n’engendre pas de reflets ; dans les lieux très matériels non plus, elle n’arrive pas à passer. Seul l’homme de chair, détenteur d’une âme divine, pourra, semblable à un fin nuage, se faire conducteur de cette lumière et la renvoyer en ses sept Midoth qu’il exprimera par une conduite de bonté et de miséricorde digne de son créateur.
Ainsi, l’arc-en-ciel évoque-t-il la lumière divine qui éclaire l’âme de l’homme. Certes, la lumière qui se diffracte dans l’arc-en-ciel est d’ordre physique (bien qu’elle provienne originellement de la Lumière divine voilée par beaucoup d’écrans), et la lumière qui atteint l’âme est totalement spirituelle. Elle lui ressemble donc comme l’écorce rappelle le fruit.
Si l’on se réfère à l’explication de rav Abarbanel citée plus haut, l’apparition de l’arc-en-ciel dans les nuages témoigne du raffinement de la matière terrestre après le Déluge, ce qui permet la purification des hommes dont la matière n’est plus si grossière. La lumière divine peut donc désormais rayonner sur ce nuage fin qu’est le corps de l’homme et s’y refléter dans ces sept Midoth que l’homme fera siennes, en marchant dans les voies de son Créateur : « Comme Lui est Miséricordieux et Bienveillant, toi aussi, sois-le ».
C’est pourquoi le verset 16 précise que l’arc-en-ciel réveille si l’on peut s’exprimer ainsi, le souvenir de l’Alliance entre « Elokim et toute âme vivante qui réside en toute chair sur la terre ». Il est question ici de la lumière véhiculée par l’âme divine de l’homme jusqu’à son âme animale, réalisant ainsi le lien entre les opposés.
L’apparition de l’arc-en-ciel témoigne ainsi de la confiance de Hachem en la capacité des hommes à s’imprégner de cette Lumière divine et à l’exprimer sous différentes facettes parallèlement aux attributs de bonté de Hachem. L’homme atteint ainsi le but pour lequel il a été créé avec un Tsélem Elokim : s’attacher aux Midoth de son Créateur. ■

Par Rav Y. Koen

Magazine numéro 160

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