L’antisémitisme est « enraciné » dans la société allemande (procureure)

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La procureure générale de Berlin concède les difficultés de la justice à assister les victimes.

« L’antisémitisme a toujours été là », déclare dans un entretien à l’AFP la juriste Claudia Vanoni, chargée des affaires d’antisémitisme, un poste inédit créé il y a six mois du fait de l’augmentation des délits dans la capitale.

« Mais je crois que ces derniers temps, il est devenu de nouveau plus bruyant, plus agressif, flagrant », s’alarme-t-elle.

L’antisémitisme s’exprime bien souvent par des insultes sur les réseaux sociaux, comme récemment le tweet haineux d’un supporter présumé du club de foot de deuxième division FC Union contre un joueur israélien d’Ingolstadt.

Ces réactions montrent « très clairement à quel point l’antisémitisme est profondément enraciné dans notre société », s’inquiète Claudia Vanoni.

Insultes antisémites lors d’un match de foot allemand

Malgré des décennies de repentance pour l’Holocauste, l’Allemagne ne fait donc pas exception en Europe, où à l’instar de la France, les attaques contre les Juifs se sont répandues.

Le président du Conseil central des juifs d’Allemagne, Josef Schuster, a même dénoncé en février l' »effrayante » hausse de 9,4% des actes antisémites entre 2017 et 2018.

Pour Mme Vanoni, la grande évolution des dernières années est le recul des inhibitions. L’entrée fracassante de l’extrême droite au Bundestag en 2017, dont certains responsables ont tenu des propos discriminatoires, y a contribué.

Beaucoup vivent sur internet « leur haine contre les Juifs », dit-elle, et « ces agissements sont également propres à encourager d’autres ».

L’antisémitisme importé par les migrants syriens, afghans ou irakiens, dont plus d’un million ont afflué en Allemagne entre 2015 et 2016, est aussi ressenti comme une menace croissante.

Les auteurs de ces délits « proviennent de toutes les couches de la société », poursuit la procureure, qui relève que les « stéréotypes sur les juifs sont transmis de génération en génération », comme par exemple celui sur l’argent.

« Certains ont intériorisé ces préjugés sans avoir conscience qu’il s’agit d’antisémitisme », estime-t-elle.

Pour l’illustrer, Mme Vanoni cite une anecdote qu’on lui a racontée selon laquelle tout Juif a au moins fait une fois l’expérience d’entendre: « Tu ne ressembles absolument pas à un juif ! »

On ne dirait jamais cela à un catholique, ou un protestant, note-t-elle.

« Il ne se passe rien »

Face à la multiplication des délits, la justice paraît souvent impuissante. Les chiffres du parquet l’illustrent en partie: sur 440 plaintes recensées l’an passé à Berlin, 41% ont été classées sans suite, 19% sont arrivées devant un juge, les autres redistribuées à d’autres parquets, les suspects n’habitant pas la capitale.

Par ailleurs, de nombreuses victimes ne portent pas plainte car « elles ont l’impression qu’il ne se passe rien

C’est tout le défi de la procureure: échanger avec les organisations juives pour créer un rapport de confiance et inciter les victimes à se tourner vers la justice, tout en reconnaissant les limites de son action.

Car tout acte antisémite n’est pas un délit, comme par exemple le refus d’un chauffeur de taxi de prendre un juif dans sa voiture. Une insulte ou une incitation à la haine relèvent, elles, du droit pénal.

Les enquêtes sont aussi compliquées par l’anonymat des auteurs. Et enfin, il y a les harceleurs jugés non responsables de leurs actes en raison d’une maladie mentale. A moins d’actes de violence, la justice ne peut rien faire.

Néanmoins, porter plainte reste essentiel aux yeux de la procureure. « Je pense que nous sommes tous concernés quand on s’en prend aux Juifs », dit-elle.

« Nous devons tous réagir: je veux dire la société, mais bien sûr aussi l’Etat, qui doit poursuivre chaque délit antisémite de façon conséquente ».

Source www.i24news.tv

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