Manfred Gerstenfeld
A la fin de la sixième semaine de la campagne électorale, le dirigeant du nouveau parti Israël Résilience, Benny Gantz a finalement parlé en public de son programme politique. Cet ancien commandant en chef de l’armée israélienne a déclaré qu’il vise le poste de prochain premier Ministre. Gantz s’est exprimé devant une foule impressionnante au Centre d’Exposition de Tel Aviv. Il y a été accueilli au chant de “Révolution” et de “Qui arrive? Le prochain Premier Ministre![1]“. De nos jours, les élections en Israël se focalisent sur les personnalités des candidats bien plus que sur leur programme.
Un slogan récurrent de cette rencontre disait : “Il n’y a plus ni droite ni gauche, mais Israël avant tout”. Dans ces élections, comme dans la précédente, la paix avec les Palestiniens n’est pas réellement un enjeu. C’est principalement parce que les Palestiniens ne donnent pas plus d’indication qu’ils seraient enclins à négocier en vue d’instaurer la paix. Malgré cela, Gantz a déclaré qu’il tenterait de faire avancer le processus de paix. Sur les questions sécuritaires, il a déclaré qu’il renforcerait les blocs d’implantation, que la Vallée du Jourdain demeurerait la frontière sécuritaire d’Israël, et qu’Israël ne renoncerait jamais aux Hauteurs du Golan[2].
Un autre message que Gantz a relaté concerne son intention de combattre la corruption. Plus important pour la suite, il a déclaré que son parti ne se joindrait pas à un gouvernement Netanyahou si ce dernier était inculpé. Gantz a souligné qu’un premier Ministre ne peut pas rester en poste s’il est mis en examen. Il a aussi tenu à remarquer que s’il devait diriger le gouvernement, il mettrait un terme à “l’incitation contre l’institution judiciaire et la presse[3]“.
L’engagement de Gantz de ne pas se joindre à un gouvernement Netanyahou si ce dernier est inculpé génère la possibilité d’un scénario où Netanyahou n’est pas en mesure de former un gouvernement. Pourtant une autre personne du Likoud pourrait se trouver en position de le faire. C’est d’autant plus réaliste que le Ministre des Finances Moshe Kahlon a aussi déclaré que son parti Kulanu ne se joindrait pas à un gouvernement Netanyahou s’il est mis en examen.
L’ancien chef d’Etat-Major de Tsahal, Moshe Ya’alon, qui a été le premier Ministre de la Défense dans le gouvernement Netanyahou sortant, ainsi que son petit parti Telem ont rejoint Gantz. Netanyahu a réagi au discours de Gantz sur Twitter en disant : “Un autre discours de Lapid [Yesh Atid]. Ceux qui disent qu’ils ne sont ni de droite ni de gauche, sont en réalité de Gauche[4].
L’ancien commissaire de la Police Israélienne, Roni Alcheich, a déclaré lors d’une conférence de l’Institut d’Etudes sur la Sécurité Nationale, qu’il ne peut pas imaginer une situation où Netanyahou ne serait pas inculpé pour accusations de corruption[5].
Les décisions politiques au cours d’une campagne électorale sont souvent interprétées – que ce soit vrai ou faux – comme liées au cadre des élections à venir (dans un but électoraliste). Netanyahou a annoncé qu’Israël ne renouvellerait pas le mandat de la Présence Temporaire Internationale à Hébron (TIPH) à la fin janvier. Depuis 22 ans, 64 observateurs civils internationaux d’Italie, de Norvège, de Suède,de Suisse et de Turquie ont agi dans le cadre de ce mandat renouvelé tous les six mois, par Israël et l’Autorité Palestinienne[6].
L’essentiel de la campagne se déroule sur les réseaux sociaux et se trouve ainsi très fragmentée. Dans ces partis où se tiendront des primaires, les candidats mènent des campagnes individuelles pour obtenir une place sur la liste. Les nouveaux partis n’organisent en général pas de primaires, pas plus que les partis ultra-orthodoxes. Même si Yesh Atid conduit sa troisième campagne, il ne provoque pas non plus de primaires. La conséquence est qu’il n’y aura probablement pas plus de la moitié de ceux qui seront élus à la Knesset, qui auront été choisis grâce à des primaires entre les membres de leur propre parti.
Le parti travailliste tiendra des primaires. La première place sur la liste est déjà réservée à son dirigeant, Avi Gabbaï. Les second et dixième candidat seront aussi choisis par lui. Alors qu’il semble actuellement improbable que le Parti travailliste obtienne plus de dix sièges, cela limite le nombre de candidats élus grâce aux primaires.
Le Général-Major Amiram Levin (res.) était l’un des premiers partisans de Gabbaï. Il dit à présent avoir cessé de soutenir Gabbaï parce que “au lieu de créer une nouvelle vision et d’attirer de nouveaux électeurs, il a préféré agir en état d’indécision et de paralysie”. Gabbaï a déclaré que Levin avait demandé à disposer d’une place réservée sur la liste des candidats à la Knesset et qu’il ne l’avait pas obtenue. Levin a qualifié la réponse de Gabbaï comme étant “moins qu’une demie-vérité”[7].
Comme il existe de nombreux sondages, les instituts tentent de se faire concurrence en faisant assaut d’idées originales. Teleseker a conduit un sondage d’opinions à travers divers scénarios. Dans l’un d’entre eux, on supposait que Yesh Atid, Israël Resilience, le Parti Travailliste et Hatnua (le Mouvement) de Tsipi Livni, ainsi que l’ancien premier Ministre Ehud Barak et les anciens chefs d’Etat-Major Gabi Ashkenazi et Moshe Ya’alon se présenteraient ensemble au sein d’une même coalition. Cette combinaison hautement hypothétique obtiendrait 40 sièges, face à un Likoud réduit à 29 sièges. Pourtant, même dans ce scénario, il n’existerait pas de majorité pour gouverner, sur cette liste, puisqu’elle dépendrait des deux listes arabes pour obtenir la majorité.
Même si l’opposition est capable d’empêcher le centre-droit sous l’égide de Netanyahou de gouverner, cela ne veut pas dire qu’elle serait capable de proposer un gouvernement alternatif. Les environ 12 membres des listes arabes auxquels on s’attend ne peuvent pas être considérés comme des partenaires de gouvernement, pour le centre et le centre-gauche. Actuellement, la liste conjointe arabe dispose de 13 sièges. Le parti Ta’al, mené par Ahmed Tibi, s’est séparé de la liste unifiée. On s’attend, dans la plupart des sondages, à ce que Ta’al obtienne six sièges, alors que la liste conjointe restante de trois partis pourrait également obtenir six sièges.
Une fois encore, il y a eu des échanges de coups bas. Dans la plupart des sondages, Hatnoua ne franchit pas le seuil d’éligibilité. Le parti de Livni a publié une affiche en cinq images des députés du Likoud et de la Nouvelle Droite, avec Netanyahou au milieu. La légende du dessous disait : “Les ennemis de la Démocratie[8]“.
Par Manfred Gerstenfeld
Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.
Adaptation : Marc Brzustowski.