par Soeren Kern – Gatestone
Plus de 400 migrants entrés en Allemagne en tant que demandeurs d’asile en 2015 et 2016 font l’objet d’une enquête en raison de leurs liens avec le terrorisme islamique, a indiqué la police criminelle fédérale.
Les erreurs accumulées par l’Allemagne dans la gestion du risque posé par les djihadistes infiltrés parmi les migrants est un cas d’école dont les autres pays feraient bien de s’inspirer. Les autorités allemandes ont permis à des centaines de milliers de migrants d’entrer en Allemagne, sans contrôle de sécurité, alors que nombre d’entre eux étaient démunis de papiers. Les autorités allemandes ont reconnu avoir perdu la trace de 130.000 migrants entrés dans le pays en 2015.
Les autorités allemandes savaient dès le début de l’année 2015, que Walid Salihi, un syrien âgé de 18 ans, demandeur d’asile en 2014, avait été recruté par l’Etat islamique au centre d’accueil de Recklinghausen. Mais ils n’ont rien fait.
Anis Amri, le djihadiste tunisien qui a attaqué le marché de Noël de Berlin, a obtenu des prestations sociales de différentes municipalités en utilisant pas moins de 14 identités différentes.
« Nous avons probablement mal évalué la manière de penser des djihadistes de l’Etat islamique et aussi sous-estimé leur capacité de nuisance. » – Rudolf van Hüllen, politologue.
Les dirigeants politiques allemands et les responsables de la sécurité nationale étaient parfaitement informés que des djihadistes de l’Etat islamique s’infiltreraient en Europe dans le flot des migrants. Mais ils n’ont eu d’en cesse de minimiser la menace, sans doute pour éviter d’alimenter les sentiments anti-immigration au sein de la population allemande, a indiqué un reportage de la télévision publique allemande.
Dès mars à 2015 – soit six mois avant que la chancelière Angela Merkel ouvre les frontières allemandes à plus d’un million de migrants du monde musulman – les responsables allemands savaient que les djihadistes se dissimuleraient dans le flot des réfugiés, a révélé le Rapport de Munich (Rapport München), un programme de journalisme d’investigation diffusé le 17 janvier sur la chaîne publique ARD.
Plus de 400 migrants entrés en Allemagne en tant que demandeurs d’asile en 2015 et 2016 font aujourd’hui l’objet d’une enquête en raison de leurs liens avec le terrorisme islamique, a la police criminelle fédérale (Bundeskriminalamt, BKA).
Ces révélations surgissent au milieu des critiques qui fusent contre les freins que le président américain Donald J. Trump entend mettre à l’immigration en provenance de certains pays jusqu’à ce que des mécanismes de contrôle éprouvés puissent être mis en place. Les erreurs accumulées par l’Allemagne dans la gestion du risque posé par les djihadistes qui se font passer pour des migrants est un cas d’école dont les autres pays feraient bien de s’en inspirer.
Sur la base de documents confidentiels et d’entretiens, le Rapport de Munich a révélé que les autorités allemandes savaient au début de l’année 2015 que Walid Salihi, un demandeur d’asile syrien âgé de 18 ans, arrivé en Allemagne en 2014, avait été recruté par l’Etat islamique au centre d’accueil de Recklinghausen. Mais ils n’ont pas agi. Six mois plus tard, une fouille du logement de Salihi a permis de découvrir un fusil de chasse. Salihi n’a pas été expulsé.
Il est plus tard que, entre 2011 et 2015, Salihi a utilisé sept identités différentes pour demander l’asile non seulement en Allemagne, mais aussi en Autriche, en Italie, en Roumanie, en Suède et en Suisse. Il a également été inculpé dans plusieurs pays d’une impressionnante liste de chefs d’accusation relatifs à des violences physiques, des vols et des infractions à la législation sur les armes.
Le 7 janvier, 2016, Salihi a pris d’assaut un poste de police dans le 18ème arrondissement de Paris en criant « Alla hou Akbar ». Il portait un couteau de boucher, un drapeau de l’État islamique et aussi ce qui semblait être une ceinture d’explosifs. La police a ouvert le feu et l’a abattu.
Un ancien colocataire a Salihi ainsi : « Il était très agressif, surtout lorsqu’il était question de religion Pour lui, les non-croyants n’avaient aucune valeur et méritaient la mort. ».
Salihi n’était pas un cas isolé. Selon le Rapport de Munich, début 2015, les services de renseignement américains ont mis en garde les autorités allemandes contre les djihadistes de l’État islamique qui, infiltrés dans le flot des migrants, taillaient leur route à travers l’Europe du Sud en direction de l’Allemagne.
Les mises en garde ont cependant été ignorées et, à l’été 2015, les autorités allemandes ont permis à des centaines de milliers de migrants, souvent sans papiers, d’entrer en Allemagne sans passer aucun contrôle de sécurité.
A l’époque, les principaux experts de sécurité allemands affirmaient que l’État islamique n’enverrait pas de djihadistes en Europe. En octobre 2015, par exemple, Holger Münch, président de la police criminelle fédérale (Bundeskriminalamt, BKA) a déclaré : « Nous ne disposons pas d’un seul cas qui accréditerait l’idée que les membres d’un groupe terroriste en provenance de Syrie ou d’Irak sont venus en Allemagne pour commettre des attentats ».
Münch a aussi déclaré : « Compte tenu des risques liés à une traversée de la mer Méditerranée, il me semble que des moyens plus simples existent pour arriver en Allemagne sans passer par un flot de réfugiés. »
Gerhard Schindler, président du Service renseignement fédéral (Bundesnachrichtendienst) a : « Il est peu probable que les terroristes utilisent la route maritime à travers la Méditerranée pour se rendre en Europe. »
Peter Neumann, spécialiste de sciences politiques et directeur du Centre international pour l’étude de la radicalisation et la violence politique au King’s Collège de Londres, a déclaré : « Il n’y a pas un début de commencement de preuve, pas le moindre fait avéré, qu’un sympathisant de l’État islamique ait été introduit clandestinement en Europe. La preuve d’une stratégie active de l’État islamique en ce sens n’existe pas non plus. Il est important que les hommes politiques n’expriment pas leurs craintes personnelles, afin de ne pas renforcer les crraintes au sein de la population. »
Neumann a aussi dit : « Au cours des dernières semaines, une série de vidéos de l’État islamique ont clairement indiqué aux miliciens qu’ils devaient rester dans l’État islamique et ne pas tenter d’émigrer ; la stratégie d’infiltration active dont il est parfois question, est inexistante. »
Moins d’un mois plus tard, le 13 novembre 2015, des djihadistes de l’Etat islamique, pour la plupart entrés en Europe infiltrés dans le flot des migrants, ont mené plusieurs attaques coordonnées à Paris où 137 personnes ont trouvé la mort et près de 400 autres ont été blessés.
Le 19 juillet, un demandeur d’asile afghan de 17 ans, brandissant une hache et hurlant « Alla hou Akbar » a grièvement blessé cinq personnes dans un train à Wurtzbourg. On le voit à gauche dans une vidéo de l’Etat islamique clamant « au nom d’Allah, je suis un soldat du Califat et je vais lancer une opération martyr en Allemagne… Je vous tuerai dans vos maisons et dans vos rues ». A droite, le corps du terroriste est emmené du lieu où il a été abattu. Il avait chargé la police avec une hache.
En 2016, l’ampleur réelle du problème des djihadiste infiltrés en Allemagne en tant que migrants a commencé à émerger :
4 février. La police allemande a arrêté quatre membres d’une cellule qui avait commencé de planifier des attentats djihadistes à Berlin. Le chef de file – un Algérien de 35 ans qui résidait, avec sa femme et ses deux enfants, dans un centre d’accueil pour réfugiés à Attendorn – s’était fait passer pour un demandeur d’asile en provenance de Syrie. Il aurait reçu une formation militaire de l’Etat islamique.
5 février. Hans-Georg Maassen, le chef du BfV, les services de renseignements intérieurs, a révélé que plus de 100 combattants de l’État islamique pourraient résider en Allemagne en tant que réfugiés. Certains ont été repérés pour avoir pénétré en Allemagne avec des passeports faux ou volés.
8 février. La police allemande a arrêté un présumé commandant de l’État islamique, vivant dans un centre d’accueil de réfugiés à Sankt Johann. Le djihadiste de 32 ans, qui s’est fait passer pour un demandeur d’asile syrien, est entré en Allemagne à l’automne 2015.
Fin février. Les autorités ont admis avoir perdu la trace de quelques 130.000 migrants entrés en Allemagne en 2015. La révélation a suscité des inquiétudes quant au fait que ces migrants évaporés pourraient inclure les djihadistes.
2 juin. La police allemande a arrêté trois membres de l’Etat islamique en provenance de Syrie, soupçonnés de préparer un attentat à Düsseldorf.
3 juin. Le chef du syndicat de la police allemande, Rainer Wendt, a déclaré que les compressions budgétaires dans le secteur public rendaient impossible le contrôle de tous les migrants qui rentraient en Allemagne. Il répondait à une question sur l’instauration de contrôles de sécurité immédiats pour tous les nouveaux entrants.
19 juillet. Un demandeur d’asile afghan de 17 ans, brandissant une hache et hurlant « Alla hou Akbar », a grièvement cinq personnes dans un train à Wurtzbourg. L’agresseur a été abattu alors qu’il attaquait des policiers à la hache. L’adolescent avait été placé en famille d’accueil en signe de « bonne intégration », deux semaines avant l’attaque.
24 juillet. Mohammed Daleel, un migrant de 27 ans originaire de Syrie, dont la demande d’asile avait été rejetée, a tué 15 personnes à l’occasion d’un attentat suicide lors d’un concert à Ansbach. Cet attentat suicide, le premier en Allemagne, a été attribué à l’Etat islamique.
25 juillet. La Police judiciaire fédérale a déclaré que plus de 400 migrants entrés en Allemagne en tant que demandeurs d’asile entre 2015 et 2016 ont été mis en examen en raison de leurs liens avec l’État islamique.
13 septembre. La police allemande a arrêté trois djihadistes syriens dans le Schleswig-Holstein et en Basse-Saxe. Les procureurs ont déclaré que ces trois personnes étaient entrées en Allemagne en novembre 2015 en se faisant passer pour des migrants avec l’intention de « passer à l’acte sur ordre de l’État islamique ou parce qu’ils étaient en attente d’autres instructions. »
17 septembre. Le ministre de l’Intérieur de Bavière Joachim Herrmann a accusé l’Office fédéral des migrations et des réfugiés (BAMF) d’avoir échoué à détecter des dizaines de milliers de faux passeports. De nombreux migrants entrés en Europe comme Syriens sont, en réalité des nationaux d’autres pays. Près de 40% des Marocains entrés en Grèce se sont fait passer pour des Syriens indique une étude.
10 octobre. Le BAMF a, en toute connaissance de cause, autorisé l’entrée en Allemagne de plus de 2.000 demandeurs d’asile munis de faux passeports.
27 octobre. Les procureurs ont accusé Shaas Al-M, un djihadiste syrien âgé de 19 ans arrivé en Allemagne en se faisant passer pour un réfugié, de préparer des attentats pour le compte de l’État islamique contre des sites touristiques populaires à Berlin, y compris la Porte de Brandebourg et le Reichstag.
19 décembre. 12 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées après qu’un camion ait volontairement ravagé un marché de Noël à Berlin. Le principal suspect dans l’attaque était Anis Amri, un migrant de 23 ans originaire de Tunisie arrivé en Allemagne en juillet 2015 et qui avait déposé une demande d’asile en avril 2016. Bien que son dossier ait été rejeté en juin 2016, il n’a pas été expulsé faute de passeport valide.
Le 5 janvier, 2017, il est apparu qu’Omri avait obtenu des prestations sociales de différentes municipalités en utilisant pas moins de 14 identités différentes.
Rudolf van Hüllen, Pr de Sciences Politique a conclu :
« Nous avons probablement mal évalué la capacité de nuisance d’opposants politiques tels que l’État islamique et nous ne nous sommes pas interrogés sur leur façon de penser. On n’a pas essayé de comprendre leur mentalité, et nous avons négligé le fait que, pour l’État islamique, les routes empruntées par les réfugiés étaient une option tout à la fois évidente et sure. Cette affaire était assez logique. »
Soeren Kern est Senior Fellow du Gatestone institute basé à New York. Il est également Senior Fellow pour la politique européenne au Grupo de Estudios Estratégicos / Groupe d’études stratégiques basé à Madrid.