Depuis plusieurs semaines, la population civile israélienne a été la cible d’attentats commis par des Arabes israéliens et des Palestiniens. En réaction, l’armée israélienne s’efforce d’aller chercher les coupables, leurs complices, et ceux qui préparent de nouvelles attaques. L’un des lieux où beaucoup de ces terroristes s’abritent est la ville palestinienne de Jénine, où une journaliste de la chaîne qatarie al Jazeera (le logo que nous publions) était venue couvrir les affrontements.
C’est dans ce contexte que, à 6h13 du matin ce 11 mai, des tirs ont atteint et tué Shirin Abu Aqleh.
Dès le petit matin, l’Agence France-Presse (AFP) a annoncé la nouvelle. Avec une précision de taille : le responsable de la mort de la journaliste était Israël.
L’AFP était catégorique :
Un tir de l’armée israélienne a tué la journaliste Shireen Abu Akleh, de la chaîne arabe Al-Jazeera, alors qu’elle couvrait des affrontements dans le secteur de Jénine, en Cisjordanie occupée
Quelques minutes plus tard, l’AFP étoffait sa dépêche, tout en conservant le titre. Ici à 7h59 :
Contactée par l’AFP, l’armée israélienne n’a pas commenté dans l’immédiat le décès de cette journaliste de la chaîne al-Jazeera qui intervient près d’un an jour pour jour après la destruction de la tour Jalaa, où étaient situés les bureaux de la chaîne qatarie dans la bande de Gaza, lors d’une frappe aérienne israélienne en pleine guerre entre le mouvement islamiste palestinien Hamas et l’Etat hébreu.
Ce que l’AFP ne dit pas, c’est que d’après l’armée israélienne, la tour abritant les bureaux d’al Jazeera détruite à Gaza l’année dernière abritait des équipements militaires du Hamas.
Le rappel de la destruction de cette tour, qui n’a aucun lien direct avec l’information du jour, ne peut avoir comme objectif que de présenter Israël comme un agresseur qui tuerait systématiquement pour s’en prendre à la liberté de la presse.
On constate d’autre part un empressement à se « couvrir » en indiquant n’avoir pas obtenu de commentaire « immédiat » des autorités israéliennes. Ainsi la nouvelle du « tir israélien » a pu se mettre à circuler sans contradiction et être rapidement répliquée par les médias clients de l’agence de presse pour se répandre comme une trainee de poudre.
Pourtant, dès 7h26, Israël publiait un communiqué.
Nous n’avons pas pu établir l’éventuelle antériorité de ce communiqué sur la mention du contact de l’AFP avec l’armée. Il se pourrait que le tweet date de 8h26, si l’on tient compte du décalage horaire entre la France et Israël.
Mais même ainsi, il est clair que quelques dizaines de minutes plus tard, l’AFP aurait connu la position israélienne.
Or Israël a, dès la parution de ce communiqué et tout au long de la journée, rejeté la responsabilité du tir.
Par conséquent, tant qu’une enquête n’est pas menée – et cela nécessite forcément un temps plus long que celui du journalisme portant sur l’actualité immédiate, nous sommes en présence de deux récits des événements.
L’AFP a fait preuve qu’un grave manque de prudence en attribuant prématurément la responsabilité du tir à l’une des parties.
Devant les protestations de lecteurs, et d’organisations comme nos confrères de CAMERA, l’AFP a alors été contrainte de réviser son titre pour en retrancher la désignation d’un responsable.
La nouvelle version de la dépêche précisait par ailleurs le point de vue israélien, rapportant que « le premier ministre israélien, Naftali Bennett, a affirmé qu’elle [la journaliste] avait «probablement» été tuée par des tirs de combattants palestiniens en marge d’affrontements dans le camp de Jénine ».
L’agence précise : « «Il semble probable que des Palestiniens armés, qui ont ouvert le feu sans discernement à ce moment, sont responsables de la mort malheureuse de la journaliste», a renchéri M. Bennett, alors que le ministère de la Défense a indiqué «qu’il n’y avait eu aucun tir (de l’armée) en direction de la journaliste», selon une «enquête préliminaire». »
Par ailleurs, précise l’AFP, « Israël a proposé aux Palestiniens une «enquête conjointe» sur la mort de la journaliste, a déclaré son ministre des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, mais le gouvernement palestinien a appelé à une «enquête internationale», a indiqué à l’AFP son porte-parole, Ibrahim Melhem. »
Pour l’heure, il n’y a donc pas de certitude sur l’origine du tir qui a tué Shireen Abu Akleh. L’AFP a péché par son empressement à désigner un coupable sur la seule base de témoignages à vif, sans enquête préalable.
L’embêtant est que ce n’est pas la première fois que l’on constate un tel travers.
Rappelons le cas de ce bébé palestinien dont l’AFP avait annoncé la mort à cause de gaz lacrymogènes israéliens, avant de rétracter entièrement cette fake news après l’intervention d’InfoEquitable.
Rappelons, bien sûr, l’affaire al Dura, qui fit aussi porter sur Israël une accusation ultérieurement démontrée comme étant fallacieuse mais qui marqua de nombreux esprits.
Or, dans chacun de ces cas, il est procédé à une diabolisation d’Israël. Et on sait combien, sur le terrain, une étincelle de ce genre peut facilement faire dégénérer les attaques des terroristes islamistes contre Israël.
On sait aussi combien, en Europe, cette diabolisation de l’Etat juif peut rejaillir sur la sécurité des Juifs, contre lesquels certains esprits nourris par l’islam radical mais aussi par ce qu’ils voient dans la presse peuvent nourrir des envies de vindicte face à la supposée brutalité israélienne.
Une fois une information fausse de cet acabit diffusée, tous les démentis et correctifs du monde ne peuvent l’arrêter. Ce soir donc, des milliers de personnes pensent qu’il est un fait établi qu’Israël a tué une journaliste palestinienne. « De sang-froid », même, comme allégué par le communiqué d’al Jazeera cité par l’AFP. Or cette information est, à cette heure, non avérée et potentiellement dangereuse.
Souhaitons que l’enquête progresse, que l’AFP en relate fidèlement les éventuelles conclusions, et surtout que l’agence fasse à l’avenir preuve de moins de précipitation pour relayer des information non vérifiées.