Après deux ans d’enquête hors norme, le groupe a été soumis à un contrôle judiciaire comprenant une caution de 30 millions d’euros.
Le groupe cimentier Lafarge, accusé d’avoir financé des groupes djihadistes, dont l’organisation État islamique, pour maintenir son activité en Syrie, a été inculpé pour « complicité de crimes contre l’humanité », a-t-on appris de source judiciaire. Après deux ans d’une enquête hors norme, la société a été soumise à un contrôle judiciaire comprenant une caution de 30 millions d’euros.
Cette décision intervient après la mise en examen huit cadres et dirigeants, dont Bruno Lafont, PDG de Lafarge de 2007 à 2015, pour financement d’une entreprise terroriste et/ou mise en danger de la vie d’autrui. Elle concerne Lafarge SA, la holding actionnaire à 98 % de la filiale syrienne Lafarge Cement Syria mise en cause. Initialement programmée le 5 juin, cette audition avait été reportée in extremis à la demande de Lafarge SA, la holding ne pouvant pas y envoyer son ancien PDG Saad Sebbar, nommé en 2017, qui avait démissionné peu après avoir reçu la convocation.
« Lafarge a sacrifié ses salariés et pactisé avec des entités terroristes »
Le groupe français, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim, est soupçonné d’avoir versé au total près de 13 millions d’euros entre 2011 et 2015 pour maintenir son usine de Jalabiya, dans le nord de la Syrie, alors que le pays s’enfonçait dans la guerre. Ces sommes, qui ont bénéficié en partie à des groupes armés, dont l’organisation djihadiste État islamique (EI), correspondaient notamment au versement d’une « taxe » pour la libre circulation des salariés et des marchandises et à des achats de matières premières – dont du pétrole – à des fournisseurs proches de l’EI, d’après l’enquête.
« Lafarge a sacrifié ses salariés et pactisé avec des entités terroristes en toute connaissance de cause : elle doit répondre judiciairement de cette complicité de crimes contre l’humanité », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Marie Dosé, avocate de l’ONG Sherpa, partie civile, l’une des premières à avoir déposé une plainte contre le cimentier en septembre 2016. L’ONG avait écrit aux juges le 11 mai pour leur demander de monter d’un cran dans les responsabilités en retenant le chef d’accusation de « complicité de crimes contre l’humanité ». Une telle décision, « inéluctable » selon Sherpa, constituerait une première mondiale pour une entreprise.
Source /www.lepoint.fr