Quand Israël joue un rôle de plus en plus important, en matière de sécurité, même auprès des pays musulmans cela renforce son statut de puissance régionale. C’est sur cette base que la diplomatie israélienne peut tisser des liens avec des pays arabes et musulmans. Ce rôle de « protecteur » modifie de tout au tout la donne régionale. C’est sur cette base entre autres que les accords d’Abraham ont trouvé leurs fondements au moment même où les Etats Unis se désengagent du Proche et Moyen Orient.
Des capteurs dernier cri aux modélisations ultraprécises du terrain, Tel Aviv n’a pas hésité à mettre à la disposition de Bakou ses dernières technologies en matière de recueil de renseignement, modifiant rapidement la trajectoire du conflit dans le Haut-Karabakh. Et permettant à Israël d’avancer ses pions face à Téhéran et Ankara.
Alors qu’Ankara a apporté un soutien déterminant à Bakou – à grand renfort de drones (israéliens rebaptisés turcs) et de supplétifs syriens, l’appui de Tel Aviv a également été décisif dans la rapide victoire de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh. Si l’attention médiatico-politique s’est surtout concentrée sur l’utilisation massive de drones, le soutien israélien s’est d’abord concrétisé dans les technologies promptes à accélérer le cycle du renseignement sur le terrain, modifiant du même fait la doctrine d’emploi des forces d’Ilham Aliyev.
Un renseignement militaire à la fine pointe de la technologie
Déjà, l’étroite coopération militaire et de renseignement – des agents du Mossad mènent régulièrement des opérations de recueil de renseignement d’origine humaine en Azerbaïdjan – a permis à Bakou de conclure au milieu des années 2010 un contrat avec Elta Systems, la filiale d’Israel Aerospace Industries (IAI) spécialisée dans la conception de matériels de guerre électronique. Celui-ci prévoyait alors la conception d’un modèle numérique de terrain (MNT) du Haut-Karabakh, offrant à Bakou une représentation précise de cette région montagneuse grâce à la fusion de renseignements issus d’interceptions radars, de capteurs humains ou encore d’images satellites. Fortes de cette modélisation, les forces armées azerbaïdjanaises ont ainsi pu opérer les drones kamikazes Harop développés par la division « missiles » d’IAI qui, en plus d’imposer une force de frappe très précise, mènent surtout en totale autonomie des missions de recueil de renseignement grâce à leurs systèmes d’intelligence artificielle et de deep learning.
Vendus à Bakou depuis 2016, les Harop ont été acheminés régulièrement vers l’Azerbaïdjan depuis la base militaire du sud d’Israël Ovda par la ligne aérienne Silk Way Airlines, propriété du ministère de la défense azerbaïdjanais, pendant les six semaines du conflit. Ces drones ont ainsi transmis à l’état-major les localisations précises des positions adverses, permettant alors le déploiement des batteries d’artillerie (dont l’utilité redevient essentielle dans cette configuration) ou encore des drones plus « classiques » dont beaucoup sont aussi israéliens, comme le SkyStriker, produit par Elbit Systems, l’électronicien de défense basé à Haïfa. Certains, à l’image des Orbiter, sont même produits directement en Azerbaïdjan grâce à la société d’armement Azad Systems, associée depuis 2011 à l’israélien Aeronautics Defense Systems.
Jérusalem renforce son alliance avec Bakou face à Téhéran
Le relief escarpé du Haut-Karabakh, pourtant perçu comme un avantage stratégique par Erevan, est ainsi devenu son talon d’Achille du fait de l’intégration, jusqu’alors jamais aussi poussée, de moyens autonomes de recueil de renseignement et du déploiement de matériels conventionnels. En plus de ces contrats d’armement – Bakou est le deuxième acheteur d’armements israéliens derrière l’Inde –, Tel- Aviv a pu éprouver ses nouvelles technologies sur un terrain de jeu voisin de son grand rival iranien, priorité persistante de l’Etat hébreu en dépit de l’alliance de circonstance ainsi induite avec Ankara.
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