Le service communication du président de la République a fait savoir qu’à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, il prononcerait à Pithiviers «un discours offensif». Comme on pouvait s’en douter, ce fut une bouille pour les chats dont la trame fut que l’antisémitisme était bel et bien là, mais chez Éric Zemmour, juif au demeurant, ou du côté d’une « extrême-droite » fantasmée, qu’on songe en effet à ce qu’elle est vraiment en lisant Brasillach ou Rebatet, Déat ou Doriot. Le mot d’ordre était: la synagogue brûle, mais regardons ailleurs.
Nous sommes pourtant entrés dans le troisième temps de l’antisémitisme: après sa formule anti judaïque chrétienne qui invoque le peuple déicide, puis sa formule anticapitaliste qui, sauf rares exceptions, rassemble les socialistes du XIX° siècle qui, Marx et Engels compris, assimilent les Juifs au Capital et à l’Argent dont il faudrait se défaire, voici venu le temps de sa formule antisioniste qui permet à la gauche des barbelés d’inviter à la haine du peuple d’Israël depuis 1948 en invoquant colonialisme, crimes contre l’humanité et régime d’apartheid. Cet antisionisme procède d’un islamo-gauchisme dont ses partisans nient qu’il existe, c’est d’ailleurs leur signature, car le négationnisme est la meilleure façon de refuser le débat : on ne discute pas de ce qui n’existe pas !
Une «proposition de résolution condamnant l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien» a été présentée par un certain nombre de « député-e-s », sic, dont Fabien Roussel, patron du PCF. Ce texte a été déposé par le député communiste Jean-Paul Lecoq, par ailleurs vice-président de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale ! Ce texte est signé par trente-huit parlementaires issus des quatre groupes de gauche.
Des députés PCF, LFI, PS et EELV ont donc paraphé un texte qui invoque sans vergogne «la domination d’un groupe racial» sur «un autre groupe racial d’êtres humains». Les fascistes des années 30, la véritable extrême-droite donc, eût aimé qu’on oppose ainsi la race juive à la race palestinienne afin de fustiger la première pour mieux célébrer la seconde ! Le Drumont de La France juive eût applaudi des deux mains. Et je ne vais chercher ma référence que de ce côté-là du Rhin…
Pourquoi le PCF se trouve-t-il en pointe sur ce genre de combat antisémite? Et LFI en compagnon de route?
À cause d’un mythe gaullo-communiste qui s’avère être le non-dit de la politique française, un non-dit qui en constitue pourtant l’axe depuis l’après-guerre. Car, cette gauche si prompte à en appeler à l’Histoire – en fait: à ses mythologies – oublie ce qu’elle a été véritablement au profit d’une légende savamment entretenue par ceux qui assurent la domination gramscienne depuis l’après-guerre gaulliste. Car, dans les années noires, nombre de socialistes ou de communistes, ayant connu la Première guerre mondiale, soutiennent Pétain, sinon la Collaboration, par pacifisme.
Les premiers gaullistes qui partent à Londres après l’Appel du 18 juin 1940 ne sont pas communistes puisqu’à cette époque le PCF soutient le pacte germano-soviétique qui, du 23 août 1939 au 22 juin 1941, date à laquelle Hitler le rompt unilatéralement en envahissant l’URSS, invite à collaborer avec l’occupant nazi sous prétexte que marxistes-léninistes et nationaux-socialistes ont les mêmes ennemis : la City, les gaullistes, la ploutocratie, les États-Unis, le capitalisme et… les Juifs. La seizième clause de l’Internationale communiste oblige les partis frères à exécuter les décisions de Moscou. Le PCF collabore donc. Si quelques communistes résistent, c’est contre la ligne de leur Parti. Sur cette politique de collaboration, le patron du PCF Thorez écrit aux cadres: « quiconque ne comprend pas cela n’est pas révolutionnaire ». Collaborer avec les nazis, c’était donc être révolutionnaire – du moins pendant deux ans, jusqu’en juin 41…
Pour preuve, dans l’édition de L’Humanité datée du 4 juillet 1940 consultable sur Gallica, on peut lire ceci: «Travailleurs français et soldats allemands, il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheur, de voir de nombreux Parisiens s’entretenir amicalement avec des soldats allemands soit dans la rue, soit au bistrot du coin. Bravo camarades, continuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants…» Les bourgeois stupides et malfaisants, voilà un genre de petite musique très contemporaine.
C’est de Gaulle qui crée ce mythe d’une France gaullo-communiste résistante. Cette légende lui permet de rassembler les Français dans un temps où ils se trouvent plus divisés que jamais. S’il avait dû, lui qui disposait de la légitimé de la Résistance, demander des comptes après-guerre aux intellectuels, aux journalistes, aux écrivains, aux magistrats, à la police, à l’armée, aux universitaires, aux banquiers, aux apparatchiks du PCF donc, et à tant d’autres qui ont rendu l’Occupation possible, la France eût été proprement ingouvernable.
Mais nous n’en sommes plus là.
À l’heure où tout le monde invoque l’Histoire, banco, allons-y : écartons les idéologues de cour et déconstruisons cette mythologie qui permet à « la gauche » de croire qu’elle incarne systématiquement le camp du bien, de la morale et de la vertu, y compris quand elle pare son antisémitisme d’un antisionisme que partageait déjà le Grand Mufti de Jérusalem qui souhaitait ardemment la victoire du III° Reich.
Il y aurait en effet beaucoup à dire sur la panoplie de l’homme de gauche: de « l’homme régénéré » à coup de tribunal révolutionnaire et de guillotine par Robespierre en 1793, à « l’homme déconstruit » de Sandrine Rousseau ; du colonialisme célébré par l’homme de gauche Jules Ferry qui, au nom des principes de 1789, envoie la soldatesque française en Algérie, à cette même idéologie soutenue par la guillotine activée pendant la guerre d’Algérie par un ministre de l’Intérieur SFIO qui avait pour nom François Mitterrand; … à la marchandisation du corps humain et à l’achat d’enfants à des mères porteuses, un trafic d’êtres humains soutenu aujourd’hui par une certaine gauche – il y aurait en effet du travail à accomplir.
Un mot pour finir : à Tel-Aviv où un ami m’avait hébergé dans le quartier de Jaffa, j’ai été réveillé le premier petit matin par l’appel du muezzin lancé du haut du minaret de l’une des quatre mosquées de la ville ! Singulier régime d’apartheid celui dans lequel la «race palestinienne» peut prier son Dieu en toute sécurité!
Michel Onfray
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