De ce défaut, je n’ai jamais vu une illustration aussi frappante qu’aujourd’hui.
Nous sommes le dimanche 23 février. Je regarde sur la chaîne satellitaire Al Hadath les funérailles tardives de Hassan Nasrallah, l’ancien secrétaire général du Hezbollah libanais, tué le 27 septembre dernier à Beyrouth par les Israéliens dans une frappe ciblée.
Ça se passe en direct. En bas, sur une place immense, une foule nombreuse écoute des discours enflammés. Les orateurs clament que le Hezbollah a vaincu Israël, qu’il n’a jamais été aussi fort, que les sionistes n’ont qu’à bien se tenir, etc. Les jeunes et moins jeunes qui emplissent la place crient, applaudissent et scandent des slogans guerriers.
Et dans le ciel, que voit-on ? Des avions militaires israéliens qui vont et viennent comme à la parade, parfois à haute altitude, parfois quasiment en rase-mottes. C’est tout juste s’ils ne battent pas des ailes pour mieux narguer leurs ennemis, en dessous.
La scène est aussi surréaliste que celle du ministre de l’Information de Saddam Hussein niant farouchement à la télévision, en direct, que l’armée américaine était entrée dans Bagdad, alors qu’on voyait des tanks US passant majestueusement derrière lui…
Pendant des années, Nasrallah avait prononcé des harangues fougueuses et interminables, en employant toutes les ressources de la langue arabe pour menacer les dirigeants israéliens, qui ne lui répondaient pas. Eux, ils agissaient dans l’ombre, en silence. Et quand ils ont voulu le tuer, ils l’ont fait, sans tambour ni trompette. Même chose quand ils ont décidé d’éliminer Ismaïl Haniyeh, le dirigeant de Hamas. Deux décennies de discours d’un côté, un seul missile bien ajusté de l’autre. Nous parlons, ils agissent.
La plupart des Arabes et leurs dirigeants souffrent de ce travers, et ça ne date pas d’hier. Pendant des décennies, depuis 1948, ils ont débité des laïus promettant de jeter les Juifs à la mer. Pour quel résultat ?
À la suite de la guerre des Six Jours de 1967, ils se réunirent à Khartoum et pondirent la fameuse résolution des trois «non»: non à la paix, non à toute négociation, non à la reconnaissance d’Israël. Bravo. Si au lieu de brailler «non-non-non», ils avaient analysé rationnellement la situation -Israël, appuyé par les États-Unis et l’Europe, en possession de la bombe atomique, était tout simplement invincible, ils auraient accepté le compromis qui était encore possible à ce moment-là : les dirigeants israéliens étaient de gauche et laïcs, rien à voir avec les sionistes religieux qui font la pluie et le beau temps à Tel-Aviv aujourd’hui.
Le compromis était possible. Il fut mis sur la table à Camp David en juillet 2000. Bill Clinton réunit le Premier ministre israélien Ehud Barak et Yasser Arafat. L’accord était prêt à être signé : 92% de la Cisjordanie, toute la bande de Gaza, un couloir entre les deux, un aéroport international, un grand port… Et une Palestine indépendante, reconnue par Israël, membre de l’ONU, avec Jérusalem-Est comme capitale.
Hélas… C’était sans compter sur le bla-bla et la rhétorique des extrémistes arabes (bien au chaud chez eux à Alger, Damas ou Tripoli) qui effrayèrent tant Arafat qu’il refusa de signer. S’il l’avait fait, les Palestiniens auraient aujourd’hui un pays prospère, avec sa Silicon Valley autour de Jénine, avec une population éduquée, vivant en paix aux côtés de ses voisins peut-être même en confédération avec Israël et la Jordanie.
Au lieu de quoi, et à coups de slogans creux braillés par des bateleurs de foire (vous vous souvenez du pathétique «La Palestine, je m’en occupe !» du bouffon Tebboune ?), on a le désastre actuel.
Arabes, mes sœurs, mes frères, il est temps de se taire. Et de commencer à réfléchir.
Par Sanaa Berrada