Pour tenter de juguler la hausse exponentielle des actes antisémites depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le gouvernement allemand a introduit de nouveaux critères de naturalisation.
De notre correspondante à Berlin, Pascale Hugues
La nouvelle loi sur la naturalisation vient à peine d’entrer en vigueur jeudi 27 juin qu’on se bouscule déjà dans les mairies pour demander le passeport rouge bordeaux flanqué de l’aigle fédéral, l’un des meilleurs au monde. Les mairies submergées annoncent des retards considérables dans l’examen des dossiers. Les prétendants à la nationalité allemande vont devoir faire preuve de patience.
« La sécurité et le droit à l’existence d’Israël font partie de la raison d’État allemande »
En revanche, les conditions à remplir ont été durcies. En plus de la connaissance de la langue allemande, de la capacité à subvenir à ses besoins, de l’adhésion aux grands principes démocratiques de la Constitution allemande, en particulier le refus de l’antisémitisme et du racisme, un autre critère a été introduit. Les postulants devront désormais reconnaître la responsabilité historique particulière de l’Allemagne pour les crimes commis sous le national-socialisme, dont le meurtre de six millions de Juifs. Ceci implique la reconnaissance du droit d’existence d’Israël.
« En raison de son passé, précise le ministère de l’Intérieur à Berlin, l’Allemagne a une responsabilité historique particulière envers les Juifs en Allemagne et dans le monde. Cela implique entre autres le rejet de toute forme d’antisémitisme, le refus de tout oubli, dissimulation ou minimisation du génocide nazi des Juifs et des Juives d’Europe, la reconnaissance de la relation particulière et étroite de la République fédérale d’Allemagne avec l’État d’Israël, en particulier que la sécurité et le droit à l’existence d’Israël font partie de la raison d’État allemande. »
« L’Allemagne, a rappelé Nancy Faeser, ministre sociale-démocrate de l’Intérieur, a une responsabilité particulière envers les Juifs et l’État d’Israël après l’Holocauste, crime contre l’humanité qu’elle a commis. » Pour la ministre, cette responsabilité de l’Allemagne constitue une part essentielle de l’identité du pays et les postulants à la nationalité allemande doivent en être conscients et y adhérer sciemment.
Le passeport allemand « bradé », s’insurge l’extrême droite
Ces nouvelles règles d’accès à la nationalité allemande ont été mises en place par le gouvernement tripartite (SPD-FDP-Verts) d’Olaf Scholz. Le parti d’extrême droite AfD y était fermement opposé et redoute que le passeport allemand ne soit ainsi « bradé ». Friedrich Merz, le chef de la CDU, avait fait pression pour que la clause de la reconnaissance de l’État d’Israël soit ajoutée aux conditions à remplir. « Ceux qui refusent cette condition n’ont rien à faire en Allemagne ! » a-t-il rappelé.
Parmi elles :
– « Depuis combien d’années la première communauté juive est-elle implantée sur le territoire qui constitue aujourd’hui l’Allemagne ? Depuis environ 300, 700, 1150 à ou 1700 ans. »
– « Comment appelle-t-on la maison de prière juive ? Basilique, mosquée, synagogue, église. »
– « En quoi l’Allemagne a-t-elle une responsabilité particulière envers Israël ? Parce qu’elle est membre de l’EU ; en raison des crimes commis sous le national-socialisme ; en vertu de la Loi fondamentale ; par tradition chrétienne. »
Qui va profiter de cette nouvelle loi ?
Cette mesure va concerner les réfugiés arrivés massivement en Allemagne en 2015 et 2016 sous la chancelière Angela Merkel. Les étrangers qui refusaient de prendre la nationalité allemande parce que cela impliquait de renoncer à leur passeport d’origine vont aussi profiter de cette nouvelle règle. Cela vaut tout particulièrement pour la grande communauté turque qui vit souvent en Allemagne depuis des décennies sans avoir la nationalité allemande.
L’efficacité de ce nouveau catalogue bien intentionné reste à prouver. Cette initiative risque de se résumer à un geste symbolique. La réponse aux dix questions peut être apprise par cœur et aucun prétendant à la nationalité allemande ne sera assez bête pour nier l’Holocauste lors de ce test. Sur le catalogue d’une centaine de questions proposées, il faut avoir entre 17 et 33 réponses exactes pour passer le test. « Le but de cette modification, précise le ministère de l’Intérieur, est de permettre à ceux qui se préparent au test de naturalisation d’être confrontés à ces thèmes et d’y réfléchir durant les cours de préparation au test. »
Ce dont nous avons besoin, rappellent les sceptiques, c’est de davantage d’instruction – et cela pour tous les habitants de ce pays. Ils rappellent que l’antisémitisme ne se limite pas aux étrangers musulmans, mais est largement propagé aussi parmi les Allemands de souche.