La perte du navire amiral Moskva affaiblit la Russie en Syrie

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

La Russie a peu commenté la perte de son navire amiral en Mer Noire, le croiseur lance-missiles Moskva (notre photo), coulé le 15 avril 2022 par les forces ukrainiennes. Les militaires ont bien tenté de le remorquer jusqu’à Sébastopol en Crimée mais il a été gravement endommagé et surtout détruit en grande partie par l’explosion des munitions qu’il contenait. Sans en avoir la certitude, il est pratiquement acquis que le navire a été effectivement frappé par un missile ukrainien Neptune. La censure est telle que le nombre de morts n’a pas été publié. Certaines mères de marins ont cependant manifesté avec les photos de leurs fils à la main pour exiger la vérité de la part du gouvernement russe.

Il est vrai que ce navire était vieux puisque entré en service en 1982 mais il a été entièrement révisé en 2016 pour diriger des escadrons militaires russes en mer Méditerranée.  Cela pose donc la question de savoir si la Russie ne sera pas affaiblie en Méditerranée et si ses capacités militaires pour défendre la Syrie ne seront pas impactées. En effet, avant de naviguer en mer Noire, le Moskva qui était armé d’un système de missiles aériens à longue portée, protégeait les bases russes de Khmeimim et Tartous en Syrie. Ce navire a aussi renforcé les capacités de défense aérienne contre la Turquie puisqu’il a participé à la destruction en 2015 d’un avion de chasse turc.

Mais la destruction du Moskva démontre que les systèmes de défense anti-aérienne russes sont périmés et ne répondent pas aux matériels de haute technologie actuels. Bien sûr, il ne faut pas en déduire que la Russie a de faibles capacités de défense car les frégates russes de type 11356 sont armées de missiles de croisière Caliber qui peuvent attaquer des cibles profondément en territoire ennemi. Mais elle n’est pas réputée pour avoir une grande marine militaire.

Selon les experts militaires, la guerre d’Ukraine a réduit les capacités de la Russie à défendre son contingent en Syrie. En cause la fermeture du détroit de la mer Noire par la Turquie à tous les navires de guerre ce qui pose un problème pour l’approvisionnement et le réapprovisionnement des forces russes en Syrie. La Russie utilise le port de la mer Noire de Novorossiysk pour réapprovisionner ses troupes en Syrie. La plupart des navires de débarquement de chars russes sont bloqués en mer Noire. Par ailleurs, les services de renseignements occidentaux attestent qu’un navire d’assaut amphibie russe (l’Orsk ou le Saratov) aurait été coulé et plusieurs autres endommagés dans le port ukrainien de Berdyansk sur la mer d’Azov alors qu’ils livraient des renforts en Ukraine.

La Russie connait déjà une pénurie de péniches de débarquement pour approvisionner son armée en Syrie. Certes il est acquis que l’interdiction de navires de guerre dans le détroit, a poussé les Russes à utiliser des navires civils pour approvisionner la Syrie. Reste cependant à la Syrie d’organiser des ponts aériens sachant que l’Iran et l’Irak n’ont pas fermé leur espace aérien. Mais l’espace aérien turc vient d’être fermé aux avions militaires et civils transportant des troupes de la Russie vers la Syrie.

Il faut raison garder, la Russie a encore la capacité d’agir sur deux fronts importants si nécessaire comme elle l’a montré lors de son intervention au Kazakhstan. Moscou a pu mener avec succès une opération au Kazakhstan parallèlement à son déploiement de forces près des frontières avec l’Ukraine. En revanche Israël observe avec satisfaction une sorte de désengagement forcé de la Russie en Syrie qui permettra à Tsahal d’agir à sa guise contre les bases iraniennes et les convois d’armements du Hezbollah en Syrie. La Russie a de sérieux problèmes en Ukraine pour concentrer ses efforts en Syrie. Il est probable d’ailleurs que des contingents seront prélevés en Syrie pour consolider le front ukrainien.

L’Occident a beaucoup surestimé la Russie parce qu’elle avait augmenté son budget militaire de manière ostentatoire mais en 2020 il atteignait 61,7 milliards de dollars, négligeable par rapport à celui des Etats-Unis qui s’élève à 732 milliards. Mais à titre de comparaison, le budget militaire de la Russie est dix fois plus important que le budget militaire de l’Ukraine. On peut en déduire que les militaires russes n’avaient pas suffisamment d’argent pour moderniser leur matériel dont les vieux tanks d’ailleurs ont sombré dans la boue ukrainienne. Certes ils ménagent l’usage de leur matériel de haute technologie pour des raisons financières d’abord et pour des raisons tactiques pour ne le réserver que pour les « grandes occasions ». 

Sans chercher de comparaison stérile, Tsahal dispose d’un matériel incomparable de haut niveau technologique et d’une armée hautement formée qui le mettent à l’abri d’un ennemi imprudent.

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