« La lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de tous » (Licra)

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C’est une vaste campagne vidéo de sensibilisation autour de l’antisémitisme en France et de ses conséquences dans la société. Diffusée lors de la finale de l’Euro 2024 sur M6, elle est surtout destinée à la communauté non-juive, à la « majorité silencieuse » des Français, comme disent les initiateurs du projet : la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), Maurice Lévy, président du conseil de surveillance de Publicis, et le producteur et animateur Arthur.

Il s’agit de faire prendre conscience de l’isolement des Juifs de France face à la haine antisémite et de trouver un chemin pour redonner du sens à un mot de la devise républicaine : la fraternité. À la suite de l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, le nombre d’actes antisémites a bondi de 1 000 % en 2023, selon un rapport du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). Ce sont 366 faits antisémites qui ont été enregistrés en France au premier trimestre 2024, soit une hausse de 300 % sur un an.

Dans le film, réalisé par Katia Lewkowicz, une famille juive change son nom de famille, Cohen, lors de commandes de repas via Deliveroo, et sur sa boîte aux lettres, ferme les rideaux lorsqu’elle fait Chabbath, évite de prononcer le mot « synagogue » trop fort dans le bus, se confronte à des marques de haine à l’université, etc. « Il n’y a plus un Juif en France qui commande un taxi ou un repas sur Deliveroo sans changer son nom. Cela se passe car certains politiques ont importé en France le conflit à Gaza et ont instrumentalisé l’antisémitisme lors de la campagne pour les élections européennes et législatives », déplore Arthur.

Sous couvert d’antisionisme, on jette l’opprobre sur les Juifs.
Maurice Lévy

En conversation avec Le Point, il revient sur son enfance heureuse en banlieue parisienne et sa nouvelle vie sous protection policière depuis le 7 octobre. « J’ai grandi dans une cité HLM à Massy, où il y avait une mixité incroyable. À notre étage, le quatrième, il y avait des Maliens, au troisième étage, une famille algérienne musulmane, au rez-de-chaussée, des Portugais… La fraternité nous reliait tout comme les saveurs qui sortaient des cuisines et montaient dans la cage d’escalier », raconte-t-il. « Les problèmes entre les Juifs et les Arabes de France, poursuit-il, sont apparus à partir du moment où on a importé le conflit israélo-palestinien en France. Aujourd’hui, la parole antisémite est complètement libérée. Les langues se sont déliées. Les hommes politiques n’ont plus de limites. Certains se présentent même avec une sympathisante pro-Hamas portant un keffieh à l’annonce des résultats des législatives [Jean-Luc Mélenchon avec Rima Hassan, NDLR]. Il faut que cela cesse. Il est temps de ramener la fraternité entre nous tous. »

À ses côtés, Maurice Lévy acquiesce. « Après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu un silence post-Shoah. La parole antisémite était inaudible. À la fin des années 1970, l’antisémitisme était latent. Jean-Marie Le Pen a alors libéré la parole antijuive de manière violente. Depuis plusieurs années, l’extrême gauche a poussé plus loin le discours antisémite. Sous couvert d’antisionisme, ils ont jeté l’opprobre sur les Juifs. Ils portent une responsabilité énorme sur l’importation du conflit israélo-palestinien. Ce sont eux qui ont refusé de condamner le Hamas et de reconnaître qu’elle est une organisation terroriste », note le président du conseil de surveillance de Publicis.

Aujourd’hui, un délinquant antisémite est un délinquant d’exception.
Mario Stasi, président de la Licra

« Aujourd’hui, le plus douloureux, ce n’est pas tellement qu’il y ait des antisémites, qui ont toujours existé et existeront peut-être toujours, dit Maurice Lévy. C’est le silence de la communauté nationale, le fait qu’il n’y ait eu que 200 000 personnes pour manifester après le 7 octobre, contre 1 million après la profanation du cimetière juif de Carpentras en 1990. On essaie de dire : “On n’est pas différents, on est plutôt des gens bien et on essaye de vivre normalement. Arrêtez de faire ce que vous faites. Et vous, les autres, silencieux, vous êtes en quelque sorte complices dès lors que vous vous laissez faire.” »

À la Licra, le président Mario Stasi, avocat de profession, insiste sur le côté délictuel de la parole antisémite. « On n’est plus dans la liberté d’expression, on est dans le délit commis par l’intermédiaire des réseaux sociaux, envers lesquels des sanctions devraient être prononcées. La responsabilisation qui devrait être la leur n’est pas à la hauteur de l’enjeu sociétal. Aujourd’hui, un délinquant antisémite, tout comme un délinquant raciste, est un délinquant d’exception. Il bénéficie de la protection à laquelle a droit tout journaliste en vertu de la loi de 1881, avec les mêmes règles procédurales de protection qu’un journaliste qui a dérapé au lieu d’être traité comme un délinquant de droit commun. »

Galères de production

Le film a connu des soucis de production. « On a eu du mal à trouver des décors, certains acteurs ne pouvaient plus venir, les boucheries casher où on souhaitait tourner avaient peur de se faire caillasser et on a réfléchi à mettre en place une sécurité et un suivi psychologique pour les comédiens », relate la réalisatrice Katia Lewkowicz. Le spot télévisé sera multidiffusé et relayé les prochains mois par des personnalités. Mario Stasi espère qu’il fera bien comprendre que ce film est « l’affaire de la République ». « Ce que vit la communauté juive, particulièrement depuis le 7 octobre, chacune des parties de la communauté nationale pourrait le vivre un jour. C’est pourquoi la lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de tous », insiste le président de la Licra.

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