L’aide européenne à la Palestine suspendue par un commissaire hongrois de Bruxelles
Oliver Varhelyi, fidèle de Viktor Orban, conditionne le versement de ces fonds à une révision des manuels scolaires palestiniens, qui incintent à la violence à l’encontre des Juifs et des israéliens.
Depuis septembre 2021, le département de cancérologie de l’hôpital Augusta-Victoria de Jérusalem-Est fonctionne au ralenti. A court d’argent, l’établissement bâti sur le mont des Oliviers, l’un des principaux centres de soin à Jérusalem, ne peut plus recevoir de nouveaux malades du cancer. Au total, près de 500 Palestiniens en attente d’une chimiothérapie ou d’un autre type de traitement ont été refusés. Les plus chanceux sont pris en charge dans des hôpitaux de Judée Samarie, moins spécialisés, comme à Bethléem ou Naplouse. Les autres patientent à leur domicile, alors que leur état s’aggrave, sauf s’ils vont dans les hopitaux israéliens.
Le gel des financements de l’Union européenne (UE), qui s’ajoute au non-rétablissement des subsides américains interrompus du temps de Donald Trump et à l’assèchement des subventions des pays arabes, a des conséquences très concrètes. Il contribue à une baisse de 20 % des salaires des fonctionnaires de l’Autorité palestinienne (AP) depuis novembre, prive 120 000 familles pauvres d’une allocation trimestrielle et déstabilise tout le secteur hospitalier de Jérusalem-Est, destinataire de 10 à 20 millions d’euros sur l’enveloppe de 215 millions. Cela assèche, mais qu’en partie, le détournement des fonds au profit de la mafia qui dirige l’autorité palestinienne.
« Cette affaire est un scandale absolu pour les islamo-gauchistes, qui considèrent que Varhelyi pousse l’agenda pro-israélien de la Hongrie sans le moindre scrupule, s’indigne un diplomate d’un pays membre de l’UE, en référence à la proximité entre Orban et l’ex-premier ministre de l’Etat hébreu Benyamin Nétanyahou. Il n’est pas concevable de laisser la Commission prendre une décision contraire à la ligne du conseil des ministres des affaires étrangères. » Le service de presse de l’UE n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien avec un responsable de la direction générale au voisinage et à l’élargissement (la « DG Near », dans le jargon bruxellois).
Le feuilleton commence début 2021, lorsque l’Institut allemand Georg-Eckert, spécialisé dans l’analyse des systèmes éducatifs, remet à la Commission un rapport sur les manuels palestiniens. Commandé par le précédent exécutif européen – qui n’a bizarrement pas jugé bon de solliciter une étude du même genre sur les manuels israéliens –, le document se conclut sur une note positive. Il estime que les ouvrages utilisés dans les établissements scolaires palestiniens respectent globalement les standards de tolérance de l’Unesco et que si des contenus problématiques subsistent, la tendance va dans le sens d’une amélioration.
Aussitôt, une dispute éclate au sein de la Commission. Oliver Varhelyi, qui se concentre sur les aspects négatifs du rapport, demande qu’un critère de conditionnalité soit introduit dans le versement de l’aide européenne à l’AP. Josep Borrell, le haut représentant pour la politique étrangère, s’y oppose. Il fait valoir qu’une telle initiative, une première dans l’histoire de l’UE, profiterait aux factions palestiniennes radicales et saperait le dialogue fructueux que Bruxelles a engagé avec le ministère de l’éducation palestinien.
Campagne de délégitimation du nationalisme palestinien
Mi-décembre, après des mois d’atermoiements, la direction au voisinage et à l’élargissement présente son plan de financement de l’AP. Il n’inclut pas de conditionnalité. Mais, quelques jours plus tard, cette clause est subrepticement réintroduite dans le texte. Mise au vote le 15 mars, au sein du comité chargé des projets de coopération, cette nouvelle mouture recueille 9 voix pour, 8 contre et 9 abstentions (NDLR : cela démontre que le présent article du monde est mensonger, puisque la Hongrie ne serait pas seule à s’opposer à cette aide, mais que la France est particulièrement irritée de ne pouvoir aider les ennemis d’Israël).
Sur 172 ouvrages analysés, le rapport Eckert n’a trouvé que deux exemples de contenus jugés antisémites – qui ont d’ailleurs été amendés après réédition des ouvrages en question. « Mais la peur d’être accusé de mollesse sur ce sujet ultrasensible a incité plusieurs délégations à s’abstenir », souligne Martin Konecny, du cabinet d’analyses bruxellois EuMEP, très impliqué dans ce dossier. Signe de l’embarras de la Commission, sa présidente, l’Allemande Ursula von der Leyen, reste extrêmement discrète sur le sujet.
Aucune majorité qualifiée (15 voix) n’ayant émergé, dans un sens ou dans un autre, parmi les représentants des Etats membres, la « DG Near » est habilitée à aller de l’avant, comme le veut la règle communautaire. Oliver Varhelyi maintient donc son texte. Les 215 millions qui auraient dû être déboursés depuis début 2021, et ne l’ont pas été pour des raisons techniques, sont désormais bloqués pour des raisons politiques.
A la manœuvre en coulisses, on trouve Impact-se. Une organisation israélienne spécialisée dans l’étude des manuels scolaires qui, sous le couvert de scientificité, mène une campagne de délégitimation du nationalisme palestinien. Ses rapports sur le « discours de haine » prétendument propagé par l’AP ont beau avoir été épinglés à de multiples reprises pour leur biais méthodologique, leurs citations hors contexte ou déformées, ce groupe de pression continue d’être consulté par les institutions européennes.
« Que la question des manuels ait occupé l’essentiel du temps des décideurs européens en 2022 montre à quel point l’UE est déconnectée de la réalité sur le terrain, déplore Martin Konecny. Faudrait-il que Bruxelles conditionne son aide à Kiev au retrait de tous les passages, dans les manuels scolaires ukrainiens, qui mentionnent positivement Stepan Bandera [idéologue nationaliste qui a soutenu les nazis pendant la seconde guerre mondiale]et qui présentent la Russie comme un agresseur ? »
« Chantage »
Alors que l’AP s’enfonce dans la crise, les discussions à Bruxelles s’enlisent. Le 1er avril, lors d’une réunion à la Commission au niveau des ambassadeurs, vingt-deux d’entre eux expriment leur opposition au projet Varhelyi. Sans résultat. Le 11 avril, lors d’un conseil des ministres des affaires, les critiques fusent à nouveau contre la « DG Near ». « Chantage », « sale jeu ». Sans résultat, là aussi. Le commissaire hongrois, habile manœuvrier, se réfugie derrière le vote du 15 mars pour refuser tout changement.
« Il joue au chevalier blanc qui protège Israël de l’antisémitisme, mais le plus fou dans cette histoire, c’est que le gouvernement israélien lui-même nous presse de débloquer les fonds pour apaiser la situation sur le terrain », relève une source diplomatique, en référence aux récents affrontements sur l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem.
La solution à cette affaire ubuesque est dans les mains d’Ursula von der Leyen. Elle seule peut exiger d’Oliver Varhelyi qu’il retire son projet et resoumette à la place le texte originel, sans clause de conditionnalité. « Le jour où ça se fera, prédit la source diplomatique, le plan de financement de l’Autorité palestinienne passera en quarante-huit heures. »