La Haute Cour peut-elle invalider l’accord Bibi-Gantz ?

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La Haute Cour peut-elle disqualifier Netanyahou, invalider son accord de coalition avec Gantz?

Un panel de 11 juges de la haute cour doit d’abord décider s’ils ont la compétence pour intervenir dans l’accord de coalition Netanyahou-Gantz qui remodèle essentiellement la forme de gouvernement d’Israël et réécrit la loi fondamentaleau sujet du rôle de la Knesset. Les juges défieront-ils les politiciens et revendiqueront-ils également la compétence pour statuer sur l’aptitude de Binyamin Netanyahou à diriger un gouvernement avec trois actes d’accusation criminels en instance contre lui ? La question qui se pose plus fortement que jamais est la séparation des pouvoirs entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire du système de gouvernement israélien.

L’accord de coalition controversé a offert à Israël un soulagement bienvenu, après 16 mois d’impasse politique angoissante et de gouvernement paralysé. Cependant, huit groupes distincts l’ont déclaré fondamentalement défectueux et criblé d’anomalies et ils demandé à la Haute Cour d’annuler l’accord.

Les juges, diffusés en direct et séparés par des barrières transparentes à cause du coronavirus, savent qu’ils travaillent contre la montre. Une décision de disqualifier Netanyahou précipiterait une quatrième élection générale, car la Knesset n’a plus de temps pour choisir un gouvernement d’ici la fin de cette semaine.

La Haute Cour, présidée par la présidente Esther Hayut, consacre sa première journée à entendre le point de vue des juges sur la question de savoir si un député mis en accusation peut exercer les fonctions de Premier ministre. La deuxième journée est réservée aux questions liées à l’accord de coalition Gantz-Netanyahou au vu des valeurs démocratiques en cause. Les décisions du tribunal doivent être rendues mercredi.

En vertu de l’accord visant à mettre en place un gouvernement national d’urgence, Netanyahou passe en premier dans la présidence tournante et transmet le poste et la parole à Benny Gantz à mi-parcours après 18 mois. Les deux doivent être assermentés ensemble sur un pied d’égalité et à tour de rôle «premier ministre alternatif».

En réponse à une pétition, le procureur général Avihai Mandelblit a statué à contrecœur qu’il n’y a aucun obstacle juridique pour Netanyahou à assumer le poste de premier ministre malgré trois actes d’accusation de corruption. L’article 8 de l’accord de coalition fournit un autre obstacle : une décision de la haute cour le déclarant inapte à exercer les fonctions de Premier ministre dans un délai de six mois obligerait la Knesset à se dissoudre et à déclencher de nouvelles élections.

D’autres pétitions demandent pourquoi les mandats de la Knesset et du gouvernement en place sont réduits de quatre à trois ans. Mais il y a des reproches beaucoup plus sérieux. La nouvelle coalition – le gouvernement national d’urgence pour la crise des coronavirus – est habilitée à appliquer un moratoire de six mois sur toutes les lois, à l’exception des lois relatives à la pandémie. L’adoption de nouvelles lois sans l’approbation des deux premiers ministres exigerait une majorité de 75 au lieu d’une majorité ordinaire de 61. Les nominations à la haute fonction publique sont également gelées pendant six mois, y compris le poste très sensible de procureur général.

En raison de la formule de parité entre les deux partenaires, le nouveau cabinet sera composé de 36 ministres et de 16 sous-ministres, incroyablement lourd, pesant et sans précédent.

Après que 78 législateurs ont approuvé l’accord de coalition, la Knesset trouverait suffisamment de ressources pour renverser le gouvernement ou peser lourdement contre lui. Les votes de défiance, par exemple, ne sont pratiquement pas envisageables, car Netanyahou ni Gantz n’ont le droit d’établir un autre gouvernement, si leur administration partagée est rejetée à la majorité.

Un point particulièrement sensible soulevé par les pétitionnaires est le pari que les deux dirigeants ont artificiellement inventé, après que Kahol Lavan s’est emparé du ministère de la Justice en y postant Avi Nissenkorn, un socialiste. Le Likoud s’est battu pour conserver son veto au sein du comité de nomination des juges de neuf membres, retardant les négociations de coalition sur la question pendant deux semaines. Enfin, le député Zvi Hauser, un conservateur politique qui, il y a un an, a quitté le bureau de Netanyahou pour rejoindre Kahol Lavan, a été sélectionné pour le siège de l’opposition au sein du comité avec droit de veto. Le leader du Likoud a célébré son succès en plaçant un conservateur au comité de nomination des juges, tandis que Gantz était satisfait de placer l’un de ses partisans, nominalement membre de l’opposition, à ce siège.

Les termes de l’accord de coalition ainsi que la composition partisane bouleversée de la 23e Knesset ont produit un parlement émasculé. Deux moitiés d’un même parti siègent simultanément au gouvernement et sur les bancs de l’opposition. Le processus d’éclatement a commencé lorsque Gantz a décidé de rejoindre Netanyahou et de mettre en place un gouvernement d’unité nationale. Il a été suivi par la moitié du parti qu’il a fondé. L’autre moitié, dirigée par le député Yair Lapid et son parti Yesh Atid, s’est séparée, refusant de servir sous les ordres de Netanyahou, même dans la terrible urgence de l’épidémie de Covid-19.

Le pugnace Lapid se retrouve à la tête de l’opposition, prêt à faire trébucher son ancien partenaire au cabinet du Premier ministre. Il a peu à attendre de ses confrères de l’opposition. Centriste confirmé, Lapid se retrouve coincé, appuyé ou on par un patchwork de factions antigouvernementales : le nationaliste d’Avigdor Lieberman d’Israel Beteinou, l’extrême gauche Meretz et le Bloc arabe uni que Lapid s’est aliéné lorsqu’il a exclu ses 15 membres de la tentative ratée de Kahol Lavan unifié pour former un gouvernement.

L’accord de coalition a passé sa première lecture, les deuxième, troisième et dernière lectures devant encore progresser à toute vitesse cette semaine. Cette législation révolutionnaire emprunte une voie qui peut être parallèle ou contradictoire avec l’audience de la Haute Cour et ses décisions. Le résultat pour Israël à la fin de cette semaine critique est soit un nouveau gouvernement, soit une nouvelle élection.

Adaptation : Marc Brzustowski

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