Par Rony Hayot
Voici l’éclaircissement sur l’un des débats les plus incompréhensibles et les plus opaques, pour nous les francophones, concernant le rapport entre la Haute Cour de justice en Israël que l’on appelle le Bagat’s et les lois dites « lois fondamentales ».
Dernièrement, la Haute Cour de Justice a rendu un jugement qui annule l’amendement à la Loi fondamentale sur le pouvoir judiciaire, concernant l’annulation du motif valable ou du caractère raisonnable.
Cela veut dire quoi ?
Pour la première fois dans l’histoire du pays, la Cour suprême a invalidé une loi fondamentale, les juges ont statué que l’amendement à la loi, qui empêche la Haute Cour d’invalider les lois de la Knesset, n’est pas constitutionnelle et devrait être invalidée.
La Cour suprême a statué à la majorité (12 juges sur 15) qu’elle a le pouvoir de procéder à un contrôle judiciaire des lois fondamentales et d’intervenir dans des cas exceptionnels et extrêmes où la Knesset a outrepassé son autorité fondatrice.
En un mot, la Cour Suprême prend la main sur les « lois fondamentales » du pays et se donne le droit et le pouvoir de les modifier ou de les annuler. Par conséquent, elle prend également la main sur les décisions de la Knesset, c’est-à-dire sur les décisions des représentants du peuple. La première réaction que l’on peut avoir c’est de dire que le judiciaire n’exécute plus les lois fixées par les élus, mais décide à la place des élus de ce qui est bon pour le peuple. Certains israéliens vont appeler cela le début d’une dictature.
La question centrale est de savoir qui doit avoir le dernier mot ? Le peuple ou la Cour Suprême ?
Avant d’aller plus loin dans ce débat très important qui anime le pays depuis des mois et des mois, je voudrais vous expliquer ce qu’est une loi fondamentale en Israël.
La loi fondamentale est une loi qui a une forme, un statut, et un contenu.
Forme – le titre doit mentionner « loi fondamentale », une formulation générale adaptée aux principes et aux valeurs, l’absence de date de la législation pour souligner que les valeurs sont au-delà du temps et du lieu.
Statut – les lois fondamentales ont un statut supra-juridique supérieur au droit ordinaire, ce sont des lois israéliennes dotées d’un statut constitutionnel. Lorsqu’une loi ordinaire contredit une loi fondamentale, elle peut être invalidée par la Haute Cour de Justice.
Contenu – Les lois fondamentales sont censées exprimer les deux principes fondamentaux de l’État : juif et démocratique, exprimer les valeurs centrales, définir les autorités et les relations entre elles et y ancrer les droits de l’homme, du citoyen et des minorités.
Il est vrai que l’on parle là d’une limite, assez inhabituelle, qu’a franchie le Bagat’s, dans le sens ou le Bagat’s n’est jamais intervenu sur les lois fondamentales. Mais il n’y a rien de surprenant dans ce changement, pour ceux qui suivent de près la Cour Suprême.
Voilà des dizaines d’années que le Bagat‘s s’est donné le droit de juger tous les sujets, dans tous les domaines. Selon la vision du monde, du professeur Aharon Barak, ex-président de la cour suprême (de 1995 à 2006) et aujourd’hui à la retraite, pour lui et ses collègues, tout se juge, résultat, depuis cette époque, Israël possède une Cour suprême activiste et radicale.
C’est comme ça qu’en 1999 le Bagat’s a rendu un verdict appelé « Interrogatoires du Shabak » et a décidé, qu’il est interdit aux enquêteurs du Shabak de recourir à des interrogatoires musclés, sauf, dans le cas d’ « une bombe qui est sur le point d’exploser », depuis 1999 jusqu’à ce jour, la loi n’a pas changé.
Posons-nous la question… Que font nos services de renseignement dans les salles d’interrogatoires lorsqu’ils sont face aux terroristes mêlés aux massacres du 7 octobre, dans le cas où les renseignements soutirés peuvent sauver nos otages ou sauver la vie de nos soldats sur les champs de batailles, pouvons-nous appeler cela « une bombe qui est sur le point d’exploser » ?
Que penser également du Bagat’s lorsqu’il oblige l’État, en pleine guerre, à répondre aux organisations d’extrême gauche lorsqu’elles font des pétitions (pétition des 568) complètement farfelues pour demander de transférer les prisonniers terroristes du 7 octobre à l’autorité palestinienne.
Quid de la requête qui a été soumise à la Haute Cour en 2018, concernant les instructions d’ouvrir le feu sur les terroristes du Hamas à la frontière de la bande de Gaza. À cette époque, des événements graves, fréquents et violents avaient lieu près de la clôture, avec la participation de dizaines de milliers de Palestiniens, et les pétitionnaires de cette requête ont affirmé que la politique de Tsahal consistant à ouvrir le feu sur eux – y compris à balles réelles dans certains cas – est illégal.
En économie, cette même Cour suprême, juste avant Pessah 2023, a vidé de son contenu la loi qui interdit aux monopoles de pratiquer des prix excessifs. Ce tribunal a donc confirmé la position du procureur général et de l’Autorité de la concurrence, selon laquelle cette loi adoptée par la Knesset (qui est une copie de la loi utilisée en Europe) ne devrait pas être appliquée, et tout cela sans qu’ils ne se rapprochent de la Knesset pour chercher un compromis ou une approbation. Une attitude contraire à toutes les lois démocratiques du pays.
Vous venez de comprendre que celui qui décide c’est le Bagat’s. Est-ce vraiment démocratique ?
Peut-on appeler cela le gouvernement des 15 juges ? Ils siègent quelque part à Jérusalem et décident de tout !!! De politique, de problèmes de sécurité nationale, politique étrangère, économie et sur tous les autres sujets.
L’absurde, c’est que notre système constitutionnel à un organe de contrôle, en l’absence de toute Constitution.
Nous avons l’obligation, dans ce pays, de répondre à la question fondamentale que je posais plus haut. Qui doit avoir le dernier mot ? Le peuple ou la Cour Suprême ?
Le Principes de Reykjavík dit ceci : « Nous considérons que la démocratie est le seul moyen de garantir que chaque personne puisse vivre dans une société pacifique, prospère et libre. »
Rony Hayot pour Ashdodcafe.com
Journaliste – 66 ans, vit à Bet Shemesh en Israël.
Co Fondateur du mouvement citoyen Nikion Kapaim.
Chargé des dossiers sur la pauvreté et le gaz
image : Valérie Cudkowicz
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